20 Septembre 2003
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Histoire saisissante de la litt�rature fran�aise d�apr�s-guerre
Interview de Franck Varjac
Bordel n�1
Lambert, portrait !
 
Entretien avec Philippe Besson



Pourquoi � Son fr�re � et pas � Mon fr�re �, par exemple ?

Il y a plusieurs raisons. D�abord un �l�ment de forme : je voulais un titre tr�s court, tr�s sobre. L��vidence, c��tait d�appeler �a � Mon fr�re � mais je trouvais cela un peu classique, attendu. Tandis que quand on lit � Son fr�re �, on est sans doute un peu surpris, intrigu�. Puis il faut aller jusqu�au bout de la narration : celui qui parle, qui dit � je �, c�est celui qui dit : � Je suis son fr�re. � Le titre ram�ne � cette r�alit�-l�. Et il fallait que le mot � fr�re � soit le mot essentiel.

Dire � Son fr�re �, c�est se mettre en avant, � Me voil�, je suis son fr�re �, et dans le m�me temps se d�finir par rapport � ce fr�re�

Oui, toute l�histoire de Lucas, c�est de se positionner par rapport � son fr�re. D�s le d�but, d�ailleurs, il se pr�sente comme tel.

Fr�re ici, amant dans En l�absence des hommes, dans tous les cas il faut �tre deux ?

C�est ce que me dit souvent mon �diteur, que je me concentre sur une relation � deux et que j�ai du mal � inclure d�autres personnages. Je suis assez d�accord. J�ai tendance � consid�rer que le plus important se joue toujours entre deux personnes, une � une, et j�ai du mal � faire rentrer d�autres gens dans ce cadre. Dans Son Fr�re c�est pire que tout car les autres disparaissent au fur et � mesure pour laisser Lucas et Thomas seuls. Les relations d�cisives se tissent toujours avec une seule personne, quelle qu�elle soit. C�est pour moi une r�alit� personnelle et au-del�, une construction romanesque qui me convient tr�s bien. Et comme j�ai la pr�tention d��crire des histoires extr�mement simples, qui peuvent s��noncer en tr�s peu de mots, je veux m�en tenir � quelque chose de tr�s serr�.

Dans vos deux livres, on note un refus de l'ostentation, du pathos et le choix de sujets �mort d�un fr�re, mort d�un amant- qui risquent de vous �y entra�ner� C�est une mani�re de d�fi litt�raire ?

Disons que les th�mes qui m�int�ressent le plus actuellement, sont les th�mes de la perte et de la mort. Des th�mes �minemment romanesques, qu�on a tr�s envie d�explorer, mais �galement des th�mes difficiles, parce qu�on peut tomber dans le pathos, l�impudeur ou la d�monstration� Et la gageure que je me donne, c�est de les traiter avec le plus de d�licatesse, de douceur et de subtilit� possible -cela peut para�tre immodeste mais je pense qu�on doit faire preuve de tact et d��l�gance dans ces cas-l� et que quand on y parvient, si on y parvient, on peut se concentrer sur la douleur, la souffrance. Il faut toujours du calme, de la dignit�.

La litt�rature, ce serait poser des mots sur des r�alit�s indicibles, telles la mort ou l�absence ?

La mienne en tout cas. Je reprends les mots de Lucas � la fin de Son fr�re : � on ne sait pas dire la mort �. Il s�approche de la r�alit� de la mort, il suit la d�g�n�rescence du corps, le fait que le corps de Thomas est en train d�entrer en contact avec le cadavre qu�il va devenir, le fait qu�inexorablement il va se retrouver seul quand Thomas aura disparu, mais en m�me temps, la mort n�est jamais vraiment dite. Et on ne se pr�pare pas au deuil. On s�en approche mais c�est tout, et quand Thomas meurt, il ne meurt pas comme on l�attend. Comme s�il �tait impossible d��tre au c�ur des choses.

Dans vos romans, on retrouve toujours la sensualit�, la charnalit� de la vie, et son �crasement, brutal dans En l�absence des hommes, progressif dans Son fr�re� Pensez-vous qu�on b�tit � partir de ce qui se d�truit, comme si on convertissait le malheur de la vie en bonheur de l�art ?

Je ne dirais pas les choses comme �a. J�explore les th�mes de la mort et de la perte parce que mes disparus m�accompagnent. J�ai besoin de conserver un lien, de rendre hommage, d��tre encore proche de ceux qui ont �t� � mes c�t�s et n�y sont plus... Dans mes livres, je parle de cette pr�sence invisible des morts ou des disparus. Cela dit, je ne suis pas dans la vie comme dans mes livres. J�exprime une certaine m�lancolie ou tristesse, une forme de d�sespoir dans ce que j��cris tandis que je peux �tre tr�s jovial, enjou� et optimiste dans la vie. Je pense qu�on explore dans les livres une face sombre de soi-m�me qu�on n�a pas forc�ment envie de montrer dans la vie parce qu�il y a l� aussi cette �l�gance d��tre joyeux avec les gens plut�t que d��tre malheureux. Donc le malheur est dans les livres et le bonheur est dans la vie. Mais en m�me temps, on prend beaucoup de bonheur � raconter ce malheur.

L��criture comme jouissance et souffrance confondues, en somme ?

Il y a une phrase dans Le Dernier M�tro que Truffaut fait dire � Depardieu. Il s�adresse � Deneuve et il lui dit : � Vous voir est une souffrance. � Et Deneuve r�pond : � Mais vous me disiez que c��tait un bonheur. � Et lui : � Oui, c�est �a, c�est un bonheur et une souffrance. � Je pense que c�est intimement li�.

Thomas refuse sa condition d�entre-deux, ni vivant ni mort puisque incurable... Il faut aller jusqu�au bout des choses, savoir trancher ?

Oui. En cela, je ressemble � Thomas. Alors que je pense qu�on est toujours dans la zone gris�e, qu�on n�est jamais ni blanc, ni noir, ni pur, ni impur, ni innocent, ni coupable, que les fronti�res sont tr�s mouvantes et t�nues, je suis aussi de ceux qui pensent qu�il faut faire un choix ? Thomas admet tr�s vite qu�il ne sera pas sauv� et il ira jusqu�au bout de cette logique. Cela dit, je ne suis pas s�r d�avoir son courage, je ne l�ai pas eu dans d�autres circonstances.

Lucas �crivain, observateur, narrateur� Un double de l�auteur ?

Je crois qu�au fond, je suis plus proche de Thomas que de Lucas. Je n�aurais pas pu �crire ce livre du point de Thomas. L��crire du point de vue de Lucas, c�est pr�cis�ment se mettre � distance de ce qui arrive � Thomas et c��tait indispensable. Je me reconnais davantage dans Thomas que dans Lucas. C�est souvent l�erreur de lecture que font les gens, on me demande toujours si c�est strictement autobiographique (la r�ponse est non) ou s�il y a transposition, et je r�ponds oui ou non suivant les circonstances mais ce qui est certain c�est que je suis beaucoup plus proche de Thomas que de Lucas, au fond je pourrais tout � fait plagier Flaubert et dire : � Son fr�re, c�est moi. �

Vous mettez les choses � distance en d�crivant la r�alit� brute de la maladie, les sympt�mes, les m�decins, etc. mais aussi en d�pouillant et les �tres, et les lieux, qui vont beaucoup vers l��pure�

Ce qui m�int�ressait, c��tait de faire dispara�tre les alentours pour me concentrer sur les deux fr�res. Les proches et les parents s�en vont et on voit les d�cors devenir de moins en moins pr�cis, de plus en plus racont�s sur le registre des sensations et des �motions plus que sur le registre du mat�riel et du descriptif. Les descriptions m�ennuient, c�est un travail de photographe et de cin�aste, je n�ai pas envie de donner � voir, j�ai envie de donner � ressentir, � �prouver. La pr�cision clinique dans le r�cit de la maladie, des m�dications et des sympt�mes avait ce but : que le lecteur ait mal et comprenne la douleur de Thomas. Je suis vraiment dans le registre des �motions et je pense que le style que j�ai employ� �tait un alli� contre le mauvais go�t. C�est pour cela que tant d��l�ments s�effacent� Il y a aussi le fait que dans la disparition des proches, il y a la volont� de faire dispara�tre les vivants. Tous ceux qui arrivent, qu�il s�agisse de Manuel � l�h�pital ou du vieillard au bord de la mer, ce sont les morts� Ce sont les morts qui s�approchent et les vivants qui s�en vont.

Comme si la mort r�duisait les choses � l�essentiel�

C�est cela. Le propos de Son fr�re, c�est de montrer comment un lien, et en l�occurrence le lien fraternel, qui pour moi est un lien d�cisif, un lien singulier, est mis � l��preuve de la mort. Ici, il en est magnifi�. Tandis que tous les autres liens vont �tre d�truits.

Vous utilisez des �l�ments tr�s symboliques �la mer, la lumi�re, la maison de l�enfance�- mais vous ne les fouillez pas, vous les posez comme des piliers, on dirait qu�ils architecturent votre roman. Vous �crivez sur l�absence ou la perte. Vous avez en horreur la description dite � r�aliste �� Est-ce que Duras vous a influenc� ?

Qu�on sente cette pr�sence, c�est pour moi un grand compliment. Et c�est une r�f�rence que j�admets volontiers. En m�me temps, je me remets � mon simple niveau, Duras est une sorte d�ic�ne inatteignable�

Vous avez �crit deux livres tr�s diff�rents mais sur des th�mes voisins (l�enfance, le double, la perte�). Allez vous continuer dans cette voie ?

Il faut admettre la part de ce qui s�impose : je n�ai pas choisi de parler de ceci ou de cela dans En l�absence des hommes et Son fr�re. J�en ai parl� parce que c�est mon fond, le fond de ce que je suis, mais quand je me lance dans l��criture d�un livre, je ne d�cide pas tout, c�est dans l��criture que je me rends compte de l��mergence de th�mes qui me sont chers. Le livre que j��cris actuellement est diff�rent. Il n�y a pas de � je �, le personnage principal est une femme. Mais il s�agit encore une fois d�une relation � deux qui met tout le reste au second plan et d�une exploration du pass�. C�est l�histoire d�une rencontre qui renvoie � son propre pass� et un livre sur le non-dit. Ce qui compte, ce n�est pas ce qu�on dit mais ce qu�on ne dit pas mais que l�autre entend. Une structure th��trale, unit� de temps, unit� de lieu, deux personnes qui se racontent leurs souvenirs et comprennent qu�elles n�ont pas les m�mes. Assez durassien, pour le coup�



Propos recueillis par Minh Tran Huy


 
Franck Varjac
Cyrille Pernet
Xavier Houssin
Nora Hamdi
Alex Wheatle
Paul M. Marchand
Taya de Reynes
Guillaume Vigneault
Emmanuel Pierrat
Philippe Besson
Margaret Atwood
Poppy Z. Brite
Colette Lambrichs
Aziz Chouaki
Chlo� Delaume
Benoït Duteurtre
Arnould de Liedekerke
Shan Sa
Jean-Hugues Lime
Eric Pessan
Marie de Poncheville
G�raldine Maillet
Eric Laurrent
Arno Bertina
David Foenkinos
Nicolas Michel
Elisabeth Butterfly
Vincent Borel
St�phane Guignon
Philippe Di Folco
St�phane Camille
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