Kiss Kiss <: je vais vous d�cevoir : malgr� un titre all�chant pour les plus romantiques d'entre nous, ce livre ne parle en aucune fa�on d'amour, encore moins de tendres baisers. On devrait plut�t dire que son but est de montrer, par ce choix de mot � la limite du d�sabus� moqueur, l'�treinte permanente entre les hommes et leur b�tise.

Et bien, non, il ne s'agit pas du dernier roman post-mortem de B. Cartland (paix � son �me transie !) mais d'un recueil de nouvelles tout � fait �tonnant de Roald Dahl. En effet, contrairement aux id�es re�ues, ce grand monsieur de la litt�rature enfantine n'a pas limit� son talent � ce domaine particulier, mais l'a �tendu, avec combien de r�ussite, � un genre plut�t p�rilleux que les Anglais nomment avec justesse "r�cit court", regroupant � la fois contes et nouvelles.

Si, au cours de votre enfance, vous avez pass� des heures merveilleuses � suivre les tribulations de Charlie et sa Chocolaterie, ou de James et la Grosse P�che, ou si, plus simplement, vous appr�ciez la bonne litt�rature, vous �prouverez un m�me bonheur en lisant ces nouvelles, dont le style, � l'�criture parfaitement ma�tris�e du point de vue de son efficacit�, poss�de cette touche "so british" qui en r�jouira plus d'un. Pour vous donner une petite id�e, cela ressemble � un croisement entre du Evelyn Waugh r�actualis� et du Boris Vian l�ger, une rencontre du troisi�me type entre le r�alisateur d' Un poisson nomm� Vanda et celui de Petits meurtres entre amis : bref, du pur "humor" anglo-saxon, � la hauteur de sa r�putation d�jant�e.

Car, que l'on d�couvre les dons surprenants d'un chat m�lomane, que l'on fasse connaissance avec une empailleuse prenant son m�tier un peu trop � c�ur, ou encore que l'on assiste au succ�s d'une exp�rience scientifique � la teneur discutable puisqu'elle consiste � maintenir en vie un cerveau apr�s sa mort physique (si, si, vous avez bien lu), chaque fois, c'est la m�me jubilation. On h�site entre larmes et sourires, on plonge dans l'effroi le plus total pour �clater de rire � la ligne suivante.

En r�alit�, on ignore si on doit prendre cet �talage de situations plus abracadabrantes les unes que les autres au s�rieux - et alors, risquer de toucher au pire d'une humanit� hant�e par ses d�mons - ou bien, au contraire, consid�rer ces r�cits pour ce qu'ils sont : une fa�on � la fois ludique et r�fl�chie d'observer par la lorgnette les d�bordements du monde selon Roald Dahl . Voltaire et son Candide ne sont pas loin...

Bref, ne faites pas l'erreur de passer � c�t� de ces contes au rire grin�ant, o� absurde et humour noir sont rois : il est si rare de trouver des �crivains atteignant � ce point le sommet de leur art que ce serait presque un sacril�ge de ne pas leur faire honneur.

Pour finir, et je me permettrai ici de reprendre la formule qui fit la gloire d'un de mes illustres pr�d�cesseurs, le mois prochain, si vous �tes gentils, je vous expliquerai Pourquoi j'ai mang� mon p�re.

J. L. N.