Simon Liberati HIDIRO

Le choc des autos

Chroniques

Dans un ouvrage à la fois roman, enquête, hommage et essai, Simon Liberati a choisi la quatre voie pour nous tracer la route jusqu'à cet Ovni médiatique qu'était Jayne Mansfield.

Difficile de faire la part du talent dans ce Jayne Mansfield, 1967. A qui doit-on le génie de la controverse, l'art du vrai-semblant, le don de la dramaturgie ? À cette chère Jayne, bien sûr. Celle qui ferait passer la plus pouffe des lofteuses pour une médaille Fields recelait en elle une nature immense, dévorante. Cinq enfants de trois maris, des amants à la pelle, des choucroutes royales en guise de perruque, le personnage est trop : trop queer, trop hype, trop kitsch, trop destroy... trop actuelle en somme, Jayne. Tout à la fois Madonna, Kate Moss et Paris Hilton avec un supplément d'âme : elle jouait du piano, du violon et parlait cinq langues. Qui dit mieux ? Avant de finir une nuit enlacée à l'essieu d'un 33 tonnes sur une route embrumée, la tigresse a connu l'âge d'or d'Hollywood fait d'occultisme de pacotille, de psychédélisme nourri à l'acide lysergique puis les bas-fonds des strip teases à quelques centaines de dollars la danse. Elle partage avec Marilyn l'amour des psychotropes sans en recéler l'inconsolable abysse. Elle est une synthèse de l'après-guerre et des années hippies, elle est une personnalité totale, une féministe flamboyante, elle est une anecdote et un mythe. Une artiste, en somme. 

À qui l'honneur ?

Il fallait se montrer à la hauteur ! Mais heureusement du talent, Simon Liberati n'en manque pas non plus, lui qui a la retenue nécessaire pour ne pas flamber la prose et rester sobre face à tant d'excès. Lui qui a su raconter, à la manière d'un Weegee – ce photographe des bas-fonds de New York – le mythe de la blonde en lui collant aux basques grâce aux rapports des légistes, à sa correspondance, aux déclarations de ses (nombreux) amis et de ses (nombreux) ennemis ou  aux livres de ses biographes. Lui qui a su injecter un peu de raison là où il en manquait dans les vastes fantasmes que cette pin-up souvent à poil pouvait générer. Voilà la vraie réussite du livre : édifier, s'en tenir aux faits sans édulcorer. On pourra même regretter sa brièveté – 193 pages, une après-midi de lecture assidue – au vu de la somme documentaire que son écriture a dû supposer. Les enfants en particulier représentent un vrai mystère de la vie cette femme : cinq en tout, dont trois ont vécu le crash final dans la Buick Electra sur l'US 90 entre Biloxi et la Nouvelle-Orléans, au soir d'un gala d'effeuillage pourri. L'un d'eux au moins a connu un destin médiatique : Mariska Hargitay, que les plus téléphages d'entre vous savent être l'officier Benson dans la série New York Unité spéciale. Il y aurait certainement bien d'autres livres à écrire sur cette hérédité.

Jayne Mansfield, 1967
Simon Liberati
Ed. Grasset
193 p. - 16 euros

Last modified onjeudi, 03 novembre 2011 21:02 Read 4295 times

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