Soleils d'hiver : carnets 1998-2000 Jean Daniel Grasset

Prix éditeur 19.67 euros

Les carnets de Jean Daniel ne peuvent �tre lus que lentement. Ils font surgir le souvenirs de ces trois ann�es �coul�es, et incitent � r�fl�chir. Par-del� les deuils et les doutes, un chant d'amour et de gratitude adress� � la mer, qui elle ne meurt pas. Une pens�e des confins o� se rejoindraient Moli�re, Rousseau et Pascal. Ce que dit Jean Daniel n'est peut-�tre pas loin de la v�rit�. (Germaine Tillion )

Les Soleils d'hiver r�sultent d'une alchimie qui change les bruits en silence. Le babil d'une certaine soci�t� n'entre dans ces m�moires au pr�sent que comme pure mati�re pour rechercher du sens. Soucieux d'examiner la condition humaine � travers son existence et quelques autres, Jean Daniel adopte le parti d'une aust�re exultation. La discipline est rigoureuse, mais la f�licit� en est le but. Ce sont les joies morales qu'elle procure qui font le prix de la v�rit� et seul l'�blouissement devant la vie justifie les difficult�s des efforts accomplis.

L'esprit de Jean Daniel est structur� par des cat�gories, convictions plus fortes que des valeurs qui touchent � la raison et au coeur. Le livre est en partie construit sur une tension entre un credo, et des relations passionn�es et recueillies aux autres. Le courage et l'amour sont � l'intersection de ces deux mondes. La brouille peut jaillir lorsque l'harmonie cesse. C'est ici qu'intervient l'exp�rience camusienne, qui hante l'auteur autant qu'elle le stimule : Camus a perdu des amis en raison de ses id�es et la guerre d'Alg�rie a install� entre les deux hommes un �loignement douloureux. Cette �preuve ouvre sur une interrogation : d'o� vient que deux personnes ou deux peuples s'aiment, s'�loignent, se rapprochent ?

La couleur locale n'est pas absente de ces carnets d'un perp�tuel voyageur qui va chercher au Mexique des conversations � la hauteur de ses r�ves, avant de go�ter � l'un de ses plaisirs favoris : red�couvrir, revenir sur des lieux d�j� fr�quent�s, laisser le vent du souvenir exhaler ses parfums m�diterran�ens, qui bercent et bouleversent. L'intellectuel n'est alors pas loin de se vivre en sensuel. Sur la t�l�vision ou l'avenir de l'�ducation, sur cette Europe qu'il nous reste � choisir ou au sujet la Corse, les jugements sont envelopp�s dans une �criture riche en sous-entendus. Aux alti�res diatribes Jean Daniel pr�f�re les obscures clart�s de l'expression po�tique qui souligne les myst�res et incite le lecteur � prolonger la r�flexion.

T�cher de dominer sa pens�e plut�t que celle des autres, ne pas se laisser enfermer et louer l'esprit de cons�quence : tels semblent �tre les buts d'un homme oblig� au plus haut point par ses chances pass�es et pr�sentes, comme ses relation privil�gi�e avec l'auteur de la Peste et avec un pr�sident de la R�publique tourment� et intelligent, ou encore ses liens de respectueuse amiti� avec des artistes et des r�formateurs du monde entier.

Ce manifeste de fid�lit� qui t�moigne que parfois, avec le temps, rien ne s'�vanouit, n'est pas seulement un vade-mecum de chaude distance � soi-m�me, c'est aussi un livre o� un clerc partage le b�n�fice qui lui est �chu et peut-�tre plus encore une partie de sa charge.

Emma Le Clair