Toute la beaut� du monde Marc Esposito Anne Carri�re

Prix éditeur 16.77 euros

Le livre de Marc Esposito, cinquantenaire, brun, t�n�breux ancien directeur de Premi�re et fondateur de Studio, est un beau produit litt�raire, mais marketis�, strat�gis� et calibr�. Une magnifique couverture bleu ciel pr�sente l'auteur et invite au r�ve, une police suffisante laisse croire � la potentialit� de 300 pages de lecture. L'histoire est adoub�e par le ma�tre es romantisme pour femmes de tous �ges, Alexandre Jardin dit Fanfan pour les fans intimes. Il appara�t clair comme de l'eau min�rale, une Evian packag�e Millenium s'il vous pla�t, que Marc Esposito veut s'installer, le plus innocemment du monde, donc le plus sinc�rement du monde, dans toute la beaut� d'un monde, � la place enviable et convoit�e de l'�crivain tombeur de dames � la quarantaine obligatoire.

Qu'en est-il exactement ? Rien que de tr�s normal pour un roman digne de ce nom : un homme, Franck Vialat, narrateur de son �tat, viril, est litt�ralement terrass� d'amour pour une pauvre veuve �plor�e � l'accent m�ridional, Tina. Femme d'un seul homme qui a trouv� la mort trop soudainement, la belle Tina repousse plusieurs fois les assauts d'un homme, qui � force d'obstination, de patience et d'amour arrivera � ses fins, et d�crochera le baiser �poustouflant final. Entre temps, l'auteur nous transporte d'Arles � Bali, nous fait �couter du Francis Cabrel ou du Scorpions, nous fait fumer des joints, nous offre le soleil br�lant des lendemains alcoolis�s, nous monte sur plusieurs motos mais sans jamais r�ellement faire d�coller la teneur du r�cit. Pourtant la narration parfois f�brile et l'usage du style indirect qui se veut percutant parviennent � nous entra�ner. Et l'auteur se rattrape dans le clin d'�il : la perfection de cette histoire langoureuse et larmoyante, les soupirs, le cheminement int�rieur de Franck face aux rebuffades de Tina, le happy end glorieux. Le rose mielleux de l'ensemble nous invite � nous m�fier de ce qui est pr�visible, in�luctable, donc � nous m�fier de nous-m�mes, �tres sentimentaux si prompts � sombrer dans le ridicule lorsque les sentiments sont en jeu.

Toute la beaut� du monde garde un c�t� paradoxal : si les clich�s qui le peuplent en font moins un livre qu'un produit de consommation � caract�re culturel, ce roman n'en pr�sente pas moins divers points d'int�r�t : essentiellement pour une certaine cat�gorie de lecteurs aux go�ts et aux r�f�rences culturelles particuli�res et cibl�es, donc tout � fait respectables, de celles du pr�sent r�dacteur. Ainsi, le travail de Marc Esposito m�rite l'estime de la critique : son premier roman ne se situe certes pas sur les chemins balis�s, voire banalis�s, par l'intellectualisme rive Gauche. S'il existe, c'est que d'aucuns ont jug� bon de laisser la pens�e et la prose de Marc Esposito s'exprimer. Non sans une dose de po�sie et une volont� de dire tout le sinc�re de l'�motion, dignes d'�tre retranscrites. On s'inclinera devant cette d�cision.

J. B. V.