|  |  | � la recherche de l�aura perdue 
 |  |  | Tout le fer de la tour Eiffel Michele Mari
 Le Seuil.
 
      | Prix éditeur 22.00 euros
 
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 L�authenticit� serait-elle soluble dans la modernit� ? Puiser sans mesure dans le pass� esp�rant en extraire la
 substantifique moelle de l�origine du mal ou bien s�adonner �
 l�ivresse de la modernit� si souvent per�ue comme un
 synonyme de progr�s ? Sans nostalgie ou alarmisme
 syst�matiques, c�est, notamment,  � cette alternative que la
 lecture de Tout le fer de la Tour Eiffel nous invite �
 r�fl�chir.
 
 Montre molle de Dali, fleurs du mal de Baudelaire, points de
 suspension de C�line� Bric-�-brac aussi invraisemblable
 qu�imaginaire � premi�re vue. Et pourtant, ils constituent bien
 l�objet de l�affection de Walter Benjamin, historien d'art et
 philosophe, th�oricien des m�tamorphoses de l��uvre d�art �
 l�heure de sa reproductibilit� technique et fin analyste des
 passages parisiens tout de fer b�tis. Dans sa course effr�n�e et
 compulsive � ces reliques artistiques de pacotille, il croise Marc
 Bloch, historien reconnu, sp�cialiste du premier grand conflit
 mondial.
 
 Rencontre improbable et certainement fictive. Mais quoi de plus
 efficace pour restituer l�atmosph�re du Paris de
 l�entre-deux-guerres que de suivre deux amoureux de cette
 grande capitale culturelle de l��poque ? Michele Mari se livre
 alors � un grand exercice d��rudition dans lequel se multiplient
 r�f�rences artistiques, historiques et intellectuelles des ann�es
 30. C�line, Gallimard ou encore Saint-Exup�ry et Picasso se
 voient convoqu�s aux c�t�s de Renault et Citr�en. Peu � peu
 toutefois, le r�alisme c�de au fantastique. En d�pit de toute
 rationalit�, Paris se trouve peupl�e de nains malfaisants et de
 marionnettes anim�es de noirs desseins. La temporalit� s�en
 trouve par l� m�me boulevers�e puisque toute lin�arit� dispara�t
 au profit de souvenirs et d�anticipations inqui�tantes par leur
 dimension pr�monitoire.
 
 Mystification gratuite, pr�texte � l��talage d�un incontestable
 travail de documentation et de recherche sur le Paris intellectuel
 de l�entre-deux-guerres ? Michele Mari n��chappe certes pas
 totalement aux travers du cataloguage. Mais au-del� des
 citations et des allusions qu�il multiplie et restitue avec un
 incontestable brio � du cadavre exquis � la reproduction du
 phras� et de la stylistique de C�line, tout est ma�tris� avec talent
 et humour � c�est un v�ritable questionnement sur l�art � l�heure
 de sa reproductibilit� technique, la place de l�artiste et de
 l�intellectuel dans la soci�t� et son r�le de t�moin et d�alarme en
 temps de crise qu�il d�ploie. Benjamin autant que Bloch
 pressentaient la mont�e d�un mal qui sourdait depuis
 l�Allemagne. Leur clairvoyance ne les a cependant pas emp�ch�
 de figurer parmi les premi�res victimes... � les c�toyer au plus
 pr�s de leurs lubies et de leurs faiblesses � accumulation
 compulsive pour l�un, alcoolisme et manie des petites fiches
 pour l�autre�, on en oublie d�ailleurs leur caract�re de �
 c�l�brit�s �. C�est avant tout en tant qu�humains vuln�rables et
 effray�s face � leur finitude qui leur est abruptement rappel�e et
 r�v�l�e qu�ils nous apparaissent. Nous renvoyant ainsi � notre
 propre attitude face � la mort, Mari interroge la notion de fatalit�,
 de destin et de d�terminisme historique. Si les artistes avaient
 �t� plus �cout�s et non consid�r�s comme d�g�n�r�s, le cours
 de l�histoire en aurait-il �t� chang� ?
 
 Une chose est certaine, les amateurs de certitudes pr�f�reront
 sans doute s�abstenir car c�est bien le doute qui nous envahit �
 chaque page de ce roman. Foisonnant et d�routant il nous
 laisse aux prises avec notre conscience et avec la recherche
 d�une authenticit� salvatrice en ces temps incertains.
 
 Laurence Bourgeon
 
 
 
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