Opera Elena Botchorichvili Les Allusifs

Prix éditeur 11.00 euros

Demain la Russie. Op�ra : Un roman court, quelque part en G�orgie caucasienne, traitant des relations et amours de la population prise en otage par la guerre civile en toile de fond, mais que les autorit�s r�cusent lui pr�f�rant l�euph�misme conflit arm�. Quelques passages dignes d�anthologie�
"Partenaire de ce dossier : artslivres.com, �dition N�18, 1er avril 2005"


� Voil� qu�arrivent soudain des nuits chaudes comme les �treintes d�une femme. Voil� qu�arrivent � Tbilissi des mouettes venues de la mer. Oiseaux crasseux et tapageurs. Voil� qu�arrivent es r�fugi�s. Crasseux et tapageurs eux aussi. Et la d�sorganisation marche sur les talons de la guerre, pareille � l��pouse g�orgienne qui accompagne son mari �<.

Ainsi commence ce fin roman. On ne pourra dire qu�Elena Botchorichvili manque de talent pour ouvrir ses chapitres, ni m�me de po�sie et de sens adroit de la m�taphore. Cette premi�re favorable impression se confirme au fil des pages, � au plus fort de la canicule, il a gr�l�. Le ciel a envoy� des gr�lons de la grosseur d�un poing. Les voitures immobilis�es dans notre cour depuis la p�nurie de carburant en portent les cicatrices, comme des victimes de la variole. La gr�le a arrach� les fruits et les feuilles de mon arbre, qui va maintenant mourir dans toute sa nudit� ��

Et les pages s��gr�nent ainsi, avec des descriptions tendres et imag�es de son peuple, l�auteur �tant en effet n�e dans la r�publique caucasienne comme le laisse entendre son nom. L�industrialisation sovi�tique, bien qu�il n�y ait aucune consid�ration politicienne dans le texte autre que l�omnipr�sence du Comit� extraordinaire, n�a pas atteint ni d�velopp� toute les strates de la soci�t�, et certains habitants vivent dans les m�mes conditions que jadis.

D�ailleurs, cela est aussi valable pour le reste de la population, gu�re mieux lotie sur les plans financier et mat�riel. Que ce soit en raison de la gestion politique et �conomique du pays, o� des rivalit�s ethniques d�brid�es depuis la chute de l�URSS, les salaires ne sont pas pay�s : � nous n�avions pas �t� pay�s depuis six mois. J�ai vendu ma voiture, d�pos� l�argent � la banque, mais la banque a fait faillite. Ma femme et moi buvions du th� sans sucre le matin ; pour d�jeuner, nous faisions bouillir des pommes de terre. Pas de d�ner. Je buvais de l�eau avant d�aller au lit, pour emp�cher mon estomac de crier. Est-ce une vie, �a ? [�] Voyez o� nous en sommes r�duits : j�ai un dipl�me universitaire et me voil� tra�nant des sacs dans un march�, comme un revendeur. Il y avait l� plein de gens comme nous ��

Alors devant des pages admirables, que manque-t-il � l�ouvrage ? Loin de vouloir me substituer � l�auteur qui doit en outre bien conna�tre les r�alit�s qu�elle d�crit, on en peut qu��tre d��u que ces lignes cit�es soient dans une maille l�che. Certaines sc�nes apparaissent � l�improviste sans qu�on comprenne le lien avec la pr�c�dente, m�me si cela peut aider � illustrer la diversit� des situations. Car l� est le probl�me : on ne sent pas d�unit� romanesque, les tranches de vie et les consid�rations d�filent les unes apr�s les autres, bien �crites comme on l�a vu, mais sans r�elle logique autre que la th�matique en sourdine du �conflit arm�.

Ensuite, on est �galement d��u par la faible longueur du texte, 60 pages de texte, 45 si on soustrait les pages blanches et les vides. En fait, on sent partout que la plume et les connaissances de l�auteur avaient de quoi donner un roman superbe, et de bien meilleure consistance� Cela �tant dit, les nombreux extraits ci-dessus suffisent pour illustre la qualit� litt�raire de la plume, et � justifier qu�on s�y arr�te. C�est donc un auteur � surveiller

Philippe Cesse

Charles Patin O'Coohoon