#112 - Du 14 octobre au 05 novembre 2008

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Fin d�apr�s-midi

 Fin d�apr�s-midi
Grecia C�ceres
L�Eclose
Prix éditeur
16.00 euros

Un roman latino-am�ricain

Un roman tr�s complet sur la jeunesse, l�universit�, les amours, la religion, les conversations et les activit�s entre jeunes. L�auteur �tant p�ruvienne, il y a aussi force rappels historiques, le tout dans une langue sobre, claire et lucide, et dans une pr�sentation soign�e. Bravo.

Ce n�est pas le propos du livre, mais on le sent profond�ment p�ruvien dans sa modernit�, par certains termes ( par exemple l�cuma, un fruit tr�s pris� de la r�gion ) et rappels historiques. On y parle donc des Chiliens qui au XIXe si�cle amput�rent le P�rou d�une partie de son territoire au sud pour annexer ses mines, en interdisant au passage � la Bolivie toute sortie � la mer.

Il y a aussi quelques allusions � l�histoire pr�colombienne du pays m�ritant l�attention du lecteur occidental, qui souvent en ignore la richesse. Par exemple, les c�tes P�ruviennes sont naturellement d�sertiques en raison du froid Courant de Humboldt qui longe ses c�tes depuis l�Antarctique, interdisant l��vaporation et par cons�quent les pr�cipitations. Or des si�cles durant, les P�ruviens anciens avaient transform� ces vall�es arides en plaines vertes� Mais � depuis que les Espagnols ont mis le pied ici en cherchant � fonder une capitale proche de la mer, on ne sait jamais quand on doit ficher le camp, la d�sertification a commenc�. Tout le m�canisme d�licat que les P�ruviens avaient cr�� pour amener l�eau de la fonte des neiges, en se servant de mille canaux pour fertiliser la terre, tout cela fut saccag�. Les canaux se remplirent de broussaille au point de dispara�tre, recouverts par le sable, on abandonna le travail communal de nettoyage et on choisit d�autres formes de pillage. Qu�importe ce qui arriverait ensuite, l�important �tait de remplir les poches aujourd�hui (p.40) ��

L�Environnement social

Ces rappels � part, c�est surtout un roman sur les jeunes d�aujourd�hui, en �ge d�aller � l�universit�. L�auteur ainsi raconte leurs all�es � la mer toute proche, leurs �changes et activit�s universitaires. Et ce n�est pas sans sagesse que le p�re en souligne l�importance � sa fille : � ton travail, c�est d�aller � l�universit�, ma ch�rie. Pour le moment, c�est comme un travail pour toi et tu dois le faire comme il faut, parce que maintenant tu ne risques pas de mourir de faim, mais apr�s, s�il ne sort rien de productif de ce temps qui t�appartient � toi seule. Ce temps n�est pour personne d�autre que pour toi, mets-le � profit (p.105) �. On apprend aussi la rivalit� entre les deux grandes universit�s de Lima, la la�que Universidad San-Marcos et la tr�s catholique Universidad Pontificia, qui se font face des deux c�t�s de la m�me avenue.

D�ailleurs, le poids de l��ducation religieuse sur la sexualit�, f�minine notamment, transpire tout au long du texte : � les bonnes s�urs sont des �tres tr�s �tranges, complex�s, elles te transmettent d�s ta plus tendre enfance un regard sur le monde et les hommes� On accorde le moins d�importance au corps [�] Elles nous d�go�taient de tout, elles nous parlaient des hommes comme de l�ennemi, du diable [�] je te jure, tu �tais punie si tu te coiffais les cheveux, si ta jupe �tait trop courte, si tu te mettais du vernis � ongles ou un peu de brillant sur les l�vres (p.69) � � Les gar�ons, de leur c�t�, n��taient pas beaucoup mieux lotis : ceux � qui sortaient d�une �cole de cur�s disaient � peu pr�s la m�me chose, mais il leur restait au moins le sport comme porte de sortie pour les �nergies corporelles (p.69) ��

Ces passages sont importants, car ils expliquent une part de la soci�t� latino-am�ricaine, son hypocrisie et ses drames : � une fille sortie d�une �cole religieuse, comme mon amie Maga, �tait expos�e � tout, non seulement elle ne savait rien de rien, mais la contraception �tait taboue, inaccessible y compris au service m�dical de l�universit�. Ne connaissant pas leur corps, ni les filles ni les gar�ons ne pouvaient �viter l�exploration � l�aveuglette, surtout que, comme ils se croyaient tr�s adultes, ils n�abordaient m�me pas le sujet (p.55) � . Mais les hormones, elles, �uvraient en d�pit des conventions : � je n�en peux plus d��tre vierge (p.71)"

Et les cons�quences sont parfois dramatiques : filles-m�res, r�pudiation ou mariage forc� : � des tar�es qui en quittant l��cole devenaient folles, s�habillaient et se maquillaient comme des papillons pour attirer le m�le, pires que leurs m�res, sans aucun contr�le sur soi en priv�, qui pour la plupart se mariaient enceintes � vingt ans, pour calmer ensuite leurs ardeurs, �lever leurs enfants et se voir remplac�es, un beau matin, par une petite bonne femme du commun (p.70) �� Surtout lorsqu�on n�y a pas �t� pr�par�(e) :
� la m�re resta seule, d�sesp�r�e, � raconter ses souffrances � tout le monde, sans se rendre compte que les malheurs en cha�ne �loignent les gens comme les mauvaises odeurs (p.79) �.


Les Amours

Cela dit, le roman n�est pas un portrait noir de ces exc�s, m�me s�il ne se voile pas la face. En fait, il d�crit surtout le comportement normal des jeunes et leur d�couverte de l�amour : � les jours se passaient en �changes de petits billets, de po�mes d�dicac�s et jeux de mots. Bien entendu, tout pr�texte �tait bon pour se fr�ler, se toucher la main, s�appuyer sur une �paule (p.82) �� Parfois, on est confront� � des gens ayant plus d�exp�rience : � moi qui voulais simplement une oreille complaisante, j�affrontais le regard inquisiteur de quelqu�un qui avait d�j� fait sa route sur les chemins du c�ur (p.150) ��

Et comme la jeunesse ignore souvent son inexp�rience : � il n�y a pas de pire insulte � vingt ans que de s�entendre dire qu�on est �vide�, surtout quand on se consid�re particuli�rement profonde et spirituelle. Cela me fit l�effet d�une gifle, je devins rouge de rage (p.76) �. Les �changes soulignent cette immaturit�, qui use et abuse des clich�s et raccourcis, comme ici :
- Mais les femmes aussi peuvent choisir, parce que s�exhiber pour �tre choisie par le premier tar� qui passe et simplement parce que c�est un homme�
- Mais l�homme prend aussi un risque, la fille peut dire non.
- Hou l� l�, �a, �a n�arrive presque jamais, tu sais�

C�est ce manque de pr�paration � la vie que Grecia C�ceres semble d�noncer par la voix de ses protagonistes. Le livre n�a pas de relents f�ministes, mais certains passages rappellent que hommes et femmes ne sont pas aussi �gaux qu�on veut bien le croire : � une convention de plus, mais tr�s pernicieuse car elle substituait aux v�ritables protagonistes leurs copies conformes au mod�le de soumission consentie et r�ciproque. Que donne la fille ? Son corps, son temps et sa conscience, c�est-�-dire tout. Que donne le gar�on ? Il donne sa main, sa voiture et une visite chez sa petite amie avant sa bringue du soir. Il n�y a aucune exclusivit�, son corps et son temps continuent � lui appartenir et quant � sa conscience, comme il n�en a pas, il ne peut l�offrir � personne (p.83) �.

En fait, l�auteur semble tr�s lucide, et dit clairement ce qu�elle pense des transports humains : � tout est pr�texte � �crire, Maga, tu vois� Tout le monde joue � l�amiti� ou � l�amour, et au bout du compte, que reste-t-il ? Une feuille arrach�e � un cahier, des mots �crits � l�encre noire ou bleue, une d�dicace (p.52) ��
A m�diter.

Philippe Cesse



 
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