L'amateur de lib�rines Antoine Bu�no Gallimard

Prix éditeur 11.89 euros

Son taux d'employabilit� et son aptitude �pistoli�re sont �lev�s, son permis va lui permettre de passer la seconde : pour une premi�re publication chez Gallimard (collection L'Infini, sous l'�gide de Philippe Sollers), Antoine Bu�no d�bute sur la sc�ne litt�raire ainsi que son nom le laisse pr�figurer. Il double, et de tr�s de loin, les escargots de Bourgogne (vivants ou pas) qu'il affectionne, les chiens cam�s qu'il prend pour exemple et les pigeons qui s'enracinent sur les balcons parisiens. Il ne s'arr�tera pas, le dilettantisme qui aurait pu lui jouer des tours de lard et de cochon l'a heureusement �pargn� et lui permettra au contraire de continuer sur sa lanc�e.

Absence de narration au c�ur d'une com�die qui se joue entre le narrateur et lui-m�me ; il n'y a rien � raconter � l'autre pris au jeu d'un dialogue qui ne s'adresse pas � lui malgr� les apparences. Tout semble s'affronter sur une sc�ne int�rieure, cette coh�rence dans la magie des chiffres qui pr�sage un avant et un apr�s d�truit finalement ce qui aurait pu exister entre ces deux p�les. L'�v�nement attendu ne se produit jamais, et le coup de th��tre prend des allures de farces qui, s'ils elles n'ont pas de t�te, ont en revanche une queue. Et l'amateur de lib�rines de se tourner vers des femmes qui s'alignent et ne se distinguent que par de vulgaires num�ros, tour � tour d�sesp�r�s et indiff�rents, encombrants et insaisissables. Mais au fond l'amateur ne veut rien attraper et tout poss�der sans lever le petit doigt. Confort, privil�ges, gloire et fortune pour cet aristocrate qui ne quittera pas ses gants immacul�s. Un aristocrate qui craint cependant de n'�tre pas � la hauteur de ses esp�rances, tant sociales que sexuelles ; et inavouables tant elles paraissent d�fier le sens moral et chr�tien dont il ne veut pourtant pas s'affubler puisque le cynisme demeure sa force premi�re. Cependant ce sens aigu de la satyre et de l'auto d�rision ne l'emp�chent pas d'explorer les voies du lyrisme, et le combat du genre humain, s'il est vain, ne manque pas d'une certaine noblesse.

Le mouvements et les images introduites par l'esprit fertile de l'amateur sautent � la gorge du lecteur d�s les premi�res pages, et cette pseudo aventure qui se veut aussi �bauche de recette pour d�butants ambitieux se lit d'une traite. R�v�rence pour ce tableau qui renvoie dos � dos l'envie port�e au prestige opaque de l'�narque et une probl�matique s�culaire et si moderne li�e au corps de la femme, que l'amateur ne sait plus comment d�crire autrement qu'amput� apr�s avoir �t� silicon�. Des fl�ches habilement d�coch�es et il n'en faut pas plus pour assurer � l'auteur l'attention d'un public immerg� par l'abondance litt�raire de cette rentr�e 2000. Son aptitude � la description et � l'invention d'anecdotes burlesques ponctue une fresque qui se noue pour se dissoudre et mieux renouer lorsque " tout arrive ", et que l'amateur, dans sa course effr�n�e, se retrouve in fine en face de sa solitude et de ses d�mons. Il fait rire, hausser le sourcil et termine implacablement en s'affamant et en affamant l'autre, en an�antissant la moindre perspective d'issue.

Tout a �t� dit et pourtant rien n'a encore �t� exprim� : Antoine Bu�no a encore beaucoup de choses � dire, et cette esquisse pleine de cris ne r�v�le qu'un silence volontairement inviol� par cet amateur qui n'en est peut �tre pas un, si fort soit son attrait pour ces myst�rieuses lib�rines.

J. L. N.