#112 - Du 14 octobre au 05 novembre 2008

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Rien de grave

 Rien de grave
Justine L�vy
Stock
Prix éditeur
15.00 euros

Le deuxi�me roman de Justine L�vy pourrait �tre un roman d��t�. De ceux que l�on lit sur les plages, sans trop se poser de question. En imaginant parfois le regard de son p�re, B.H., � la lecture de certains passages. En s�amusant des jeux de correspondances entre personnages fictifs et personnalit�s people, celles dont les noms hantent encore nos d�ners en villes comme les couvertures glac�es de nos magazines ensabl�s.
Seulement voil� : le roman de Justine L�vy n�est pas de ceux-l�, pas du tout, loin de l�. Il faut oublier la ronde des personnalit�s, s�arracher � la grandeur de leur actualit�, se forcer � �couter une voix fine et continue qui finirait par ressembler � une plainte, pour se laisser prendre par le r�cit parfois poignant d�une jeune fille grave. Il y a ici pour nous une urgence, un devoir, une n�cessit� morale, car l�on s�apercevra tr�s vite que c�est seule que la pauvre petite aurait pu tranquillement se noyer, sous le vernis trop lisse des apparences et des jeux de miroirs.

Titanic vacillant

Sous les images, les maux, les vrais. Ceux que Justine pr�te � son double romanesque Louise. Ceux que Louise empreinte � Justine. L��touffement de sa vie : une histoire d�amour finie qui semble ne jamais pouvoir totalement cicatriser, une maman atteinte d�un cancer, une culpabilit� de dire sa propre souffrance, l�amour, encore et toujours, pas tout � fait � la hauteur de ses grandes esp�rances. Louise semble �ternellement enferm�e dans un �tau, un questionnement sans fin sur sa propre condition qui ne lui laisse aucune issue. Trop consciente de son inconscient, elle ne choisit pas mais se regarde choisir, ne fait pas, se regarde faire, ne dit pas, cherche le bon mot pour dire mieux.
On en est l�, � regarder se d�battre cette autre Kate Winslet, ayant �lu domicile dans un appartement de la rue Bonaparte comme sur un Titanic vacillant. Sauf qu�ici rien ne c�de, tout reste droit. Si l�on cherche des larmes, c�est entre les lignes qu�on les trouvera, car Louise ne pleure pas. D�s le tr�s beau d�but du roman, face � la mort de sa grand-m�re, elle ne peut se r�soudre � verser une seule larme. On voudrait qu�elle renonce, l�che enfin. On voudrait qu�elle envoie valser les fins de chapitres, ses amants et son papa. On voudrait qu�elle parte en voyage, qu�elle oublie tout pour mieux recommencer. On se dit qu�elle exag�re, cette pauvre petite fille riche, de se plaindre ainsi. Qu�elle ferait mieux de prendre de la hauteur, de respirer enfin, un peu. Mais rien n�y fait, c�est l� son impossible. Il faudra l�accompagner jusqu�au bout, l�aider � d�m�ler le fil, refaire l�histoire pas � pas. Remettre les mots � leur place, tranquillement, puisqu�il n�y a plus, pour elle comme pour nous, que cela � faire. De toute fa�on, il n�y a rien de grave�

Panser

Comme si le pire �tait d� j� venu, il s�agit maintenant pour Louise de g�rer au mieux le pr�sent en pansant - pensant - le pass�. La tension n�e de la rencontre entre ces deux n�cessit�s, dont le livre est une trace pleine de m�andres plus que le r�cit organis�, est magnifique de violence, elle aussi retenue. Entre le souvenir d�un amour fusionnel et quelques amants vite oubli�s, des col�res fulgurantes et les doutes de fin de journ�es, entre son p�re, sa m�re, et ses m�dicaments imaginaires, Louise se construit un �quilibre pr�caire qui finira par la sauver, un peu. Une voie qui lui est propre, celle de l�entre-deux, d�une r�tention �rig�e en philosophie tant elle semble cru, en esth�tisme tant elle est constante. Autocritique au scalpel de sa vie d�avant, son r�cit ne cesse d�osciller jusqu�au bout sans oser vraiment, et contre les apparences, choisir la voie de la r�demption.

Cet � Edifice de la rupture � comme dirait Christophe Donner, est pr�cis�ment tout ce qui fait la force du roman de Justine L�vy, lui-m�me enferm� dans un va-et-vient constant. Entre autofiction et roman, confession m�diatique et intimit� litt�raire, lui aussi h�site, ne choisit pas. Un entre-deux f�cond qui permet � Louise de reconsid�rer sa vie et de la placer � juste distance, � Justine de tout assumer, jusqu�� son identit� d�auteur : �C�est mon nom, L�vy, vous pouvez l�admettre � (page 168). Elle aussi. Si une autre Justine L�vy est n�e, lib�r�e de Louise, nourrie de son histoire retravaill�e, elle est cependant incapable de s�en �chapper : Justine restera Louise jusqu�au bout.
En sortant du roman, on r�alise progressivement combien cette histoire et le champ d�action quotidien de sa protagoniste sont n�tres. Combien cette g�n�ration imm�diate, la n�tre, celle qui doit d�cider, se retrouve aujourd�hui sacrifi�e sur l�autel des choix sans fins de ses vies, de ses morts, de ses plaisirs ou de ses souffrances, par le truchement de son propre regard. Comment malgr� tout, en pla�ant un � rien de grave � en postulat de d�part, elle arrive � avancer. Il faut doubler le regard de Louise, mettre en sc�ne � notre tour ce qu�elle est, c�est-�-dire nous, pour commencer � imaginer une autre vie.

Plonger avec Justine L�vy, oublier une r�alit� pour en trouver une autre. Naviguer avec elle. Reconstruire quelque chose. Assumer un chemin. Nous sauver aussi, un peu ; admettre la fragilit�. Lire Rien de grave avant l��t�.

Laurent Allen-Caron



 
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