#112 - Du 14 octobre au 05 novembre 2008

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Le T�moignage de la Litt�rature

 Le T�moignage de la Litt�rature
GAO Xingjian
Le Seuil
Prix éditeur
15.00 euros

Ces six articles de 1991 � 2001 avec les deux discours prononc�s � l'Acad�mie su�doise, montrent la constance du seul prix Nobel chinois. Les m�conna�tre emp�che s�rieusement de bien saisir l'ambition de cet �crivain profond et novateur. Les textes, denses et lapidaires, se recoupent mais s'�tayent, en rappelant d'abord cette v�rit� : � une oeuvre qui ne convainc pas son auteur lui-m�me ne pourra pas toucher le lecteur (p.126) �.


De la musique avant tout chose : le � courant de langage �

Gao Xingjian recherche � une langue pleine de vie � et � les sentiments humains �, dont l'expression et la tonalit� sont plus importantes que les mots qui construisent les phrases. � Le m�rite du langage est plus d'�voquer [que de d�crire] (p.93) �. D'ailleurs, �crire est d'abord une question de sens : � c'est la musique qui m'aide � entrer dans l'�tat et les dispositions � l'�criture et � trouver la saveur de la langue(p.89) �. En fait, les sept ans qu'il passa � r�diger la Montagne de l'Ame ne sont pas les seuls relents Flaubertiens : � je souhaite que mes oeuvres puissent �tre lues � haute voix (p.88) �. Car comme la qu�te du courant subconscient de Joyce ou Proust auxquels il rend hommage, Gao Xingjian recherche le langage naturel propre � la langue, "le courant du langage", en l'occurrence du chinois: � la sensation musicale de la langue est extr�mement importante (p.88) �. Mais il faut le parler un peu pour en comprendre tout le labeur, de forme comme de fond. Aussi:

1. se d�faire des figures grammaticales emprunt�es � l'Occident qui ont tant nui � la litt�rature chinoise qui crut bien faire en imitant les phrases longues et controuv�es ;
2. ensuite, puiser dans la saveur des caract�res monosyllabiques du chinois traditionnel, par opposition au bi-syllabisme "rampant"qui caract�rise le chinois moderne ;
3. enfin, n'utiliser que la richesse et la fra�cheur de la langue vivante ( mandarin, langues et dialectes r�gionaux ) en oubliant l'extr�me concision et la puissance �l�gante du chinois classique ( tr�s plastique et donc souvent ambigu ), ainsi que la myriade de chengyu, ces expressions de quatre caract�res qui l'�maillent depuis deux mill�naires.

Mais il ne s'agit pas de refuser tous les emprunts : � il faut distinguer l'absorption des langues occidentales et l'europ�anisation du chinois [...] mais pour ce qui est de ma propre responsabilit� envers la langue, je m'efforce de respecter les structures linguistiques inh�rentes au chinois (p.27), [...] j'estime qu'un �crivain n'est responsable qu'� l'�gard de sa langue (p.48) �. Sa pens�e repose beaucoup sur la longue et complexe histoire quadri-mill�naire de la Chine, qui a fa�onn� sa culture par des chemins tr�s divers, dont on trouvera moult r�f�rences aux r�centes d�couvertes arch�ologiques et courants de pens�e chinois...

Voil� donc autant d'apports consid�rables � la litt�rature chinoise, sinon mondiale, mais un travail de longue haleine sur la grammaire et le rythme naturels du mandarin qui, h�las, se perd en traduction, � combien plus que selon le c�l�bre � traduttore, tradittore �. Car lire Gao Xingjian en traduction est comme voir un tableau d'apr�s une description t�l�phonique ! C'est manquer l'essentiel ! Et il n'y a rien � faire... sauf � apprendre le chinois. � La litt�rature d�passe les fronti�res, mais elle brise tr�s difficilement les limites impos�es par la langue qu'elle utilise (p.98) �. En effet.

Sur le fond, La Montagne de l'Ame est une exploration du soi, avec une qu�te de l'inconscient qu'on retrouve chez d'autres auteurs. Plus novateur est le glissement du sujet de la premi�re aux deuxi�me puis troisi�me personnes du singulier, pour � d�placer l'angle de narration �. Il ne s'agit pas du proc�d� dans Rash�mon d'Akutagawa Ryunosuke, et repris ensuite avec succ�s par Lawrence Durrel dans ses Quatuor d'Alexandrie et Quintette d'Avignon, o� les m�mes sc�nes sont cont�es diff�remment selon les protagonistes. Ici, c'est le protagoniste qui est explor� diff�remment.


Il est interdit d'interdire...

Gao Xingjian fustige les th�ories et mouvements litt�raires : � la plupart [des -ismes] sont con�us par des th�oriciens qui fabriquent une th�orie et mettent un nom dessus (p.67) �. A ses yeux, ils d�voient la litt�rature de sa v�ritable mission : � [...] la critique litt�raire o� les innombrables -ismes et une multitude de d�finitions ont masqu� la litt�rature, dont on ne voyait plus alors les oripeaux, et non plus les oeuvres elles-m�mes (p.20), [...] la crise de la litt�rature occidentale a justement r�sid� dans le fait qu'elle s'�tait �gar�e dans la forme (p.30), [...] j'ai toujours nourri de grands doutes envers les th�ories qui fleurissent sur le roman et, globalement, je n'ai encore jamais constat� jusqu'� pr�sent qu'un bon romancier ait tir� profit de conseils �mis par des th�oriciens (p.64)". Si cette phobie des -ismes s'explique par leur abondance en chinois et leurs cons�quences sur lui, il ne faut pas oublier la manie en Occident de labelliser les auteurs : populaire, minimaliste, r�aliste, surr�aliste, n�o-r�aliste, contestataire, etc.

Mais ces -ismes ayant caus� la perte de milliers d'�crivains en Chine et ailleurs, l'auteur rappelle les qualificatifs successifs qui lui ont �t� coll�s, et qui le marginalis�rent progressivement jusqu';� devoir �migrer. En France, patrie de la libre expression. Car �crire est avant tout une aventure personnelle : � pour que chacun soit son propre ma�tre, il lui faut d'abord �liminer les -ismes qui ne lui sont pas personnels (p.14), l'�crivain ne peut se sauver lui-m�me qu'en fuyant le plus loin possible de ces disputes interminables et obscures (p.42) �. L'�crivain doit dissocier ses convictions politiques de son oeuvre, et il cite Hugo, Zola ou Camus... � je dois dire que je n'appartiens � aucune �cole, en politique comme en litt�rature, que je n'adh�re � aucun principe, pas m�me au patriotisme ou � un nationalisme quelconque (p.22) �.

Cela ne revient pas � ne pas avoir d'opinion ou de message � d�fendre : � les oeuvres qui traversent le temps sont bien s�r des r�ponses vigoureuses � l'�poque et � la soci�t� o� vivait l'�crivain (p.131) �, surtout dans un contexte actuel o� � nous sommes confront�s � un appauvrissement chaque jour plus fort de la pens�e, [...] l'alternative gauche/droite et le politiquement correct ont remplac� la r�flexion ind�pendante des individus (p.153), o� le march� de consommation nuit � la cr�ativit� puisqu'�crire est devenu un m�tier, � r�sultat malheureux de la division du travail dans la soci�t� moderne (p.130) �, qui doit produire r�guli�rement et dans le go�t du public.
.
Car Gao Xinjiang �crit pour lui, et pour la litt�rature per se : � je n'�cris que ce que je veux �crire, je ne veux pas satisfaire au go�t de qui que ce soit (p.35) �, et peu lui chaut qu'on le lise ou non : � si j'�cris, c'est pour moi, je n'ai pas l'intention de divertir autrui (p.38), [...] l'auteur n'a pas la moindre responsabilit� envers le lecteur, le lecteur ne doit pas non plus �tre trop exigeant envers l'auteur, lire ou ne pas lire d�pend enti�rement de son choix (p.40) �. L'auteur est un homme ordinaire, � un individu faible, un �crivain seul au monde, qui s'exprime par sa propre voix face � la soci�t� (p.24) �, mais qui doit faire entendre sa voix : � je consid�re la cr�ation litt�raire comme une sorte de d�fi lanc� par l'individu � la soci�t�. M�me si ce d�fi est infime, il constitue quand m�me une posture (p.22) �. D'o� la n�cessit� de rester en retrait de la soci�t� pour plus de recul : � la meilleure place pour l'�crivain est � la marge de la soci�t�, afin qu'il puisse observer calmement et proc�der � son introspection (p.43) �.

Claudio Sepulveda



 
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