Le Ghost Writer Youcef M.D. Diable Vauvert

Prix éditeur 19.00 euros

D�but septembre, les Inrocks ouvrent la saison litt�raire sur Y.B. En l�absence de pol�mique Houellebecquienne, Allah Superstar, roman stand-up (cf. notre article), a permis � la critique de trouver, � tort, un peu de subversion sur laquelle disserter. Rien de grave, d'autant plus que le jury du Prix de Flore lui a pr�f�r� Pierre M�rot pour Mammif�res (Flammarion). Rien de grave si ce n'est que, sur le m�me registre, la � superstar � en cache une autre, moins bourgeoise, en la personne de Youcef MD.

Auteur anonyme, Claude Andrieu s�est incarn� sous le pseudo Youcef MD, lui-m�me en construction d�un je. Troisi�me et dernier opus de l�autobiographie de Youcef, Le ghost writer raconte la jolie vie d�un marocain sous le coup de la double peine. De retour au � bercail �, dans ce pays qu�il n�aime pas, il faut survivre, revoir la t�te des parents, se faire un peu d�argent pour revenir chez soi, dans sa Maison de France, tout attendant d�sesp�r�ment la prochaine d�ception. Il en va d�une question d�honneur, pas de confort. Penser au bien-�tre, c�est d�j� le vivre un peu.

Le plus poignant de cette aventure sont les questions que Youcef ne se pose pas. Celles qu�il ne se pose plus. � Pas de plaisir, pas. Sinon celui des livres. Je veux dire ceux de maman. Elle a toujours eu de fort belles lectures. Ce fut son seul refuge. Des livres d�occasion, des livres donn�s par flan ou flan en arabe, untel ou untel en fran�ais. Des livres d�chir�s que les gens voulaient jeter. Maman les r�cup�rait et les recollait avec tout le respect qu�elle leur portait. Elle a toujours aim� lire, ma m�re. �a l�aidait � tenir. � Entre un fr�re islamiste et la l�chet� d�un p�re, il ne lui reste que ce biais-l�, sa m�re, abandonn�e, � l�origine de son go�t des lettres. A l�origine de ce qui le tient � la vie.

Contre tous, le m�rite de ce � n�gre � auto-promu nanti est le premier degr�. Dans l��lan narratif, dans la cause politique d�fendue, dans le style, MD r�fute le cynisme qui en a sauv� tant d�autres. Comme s�il fallait justifier en permanence la douleur de n��tre plus personne dans un no man�s world, le style est forc�, r�p�titif, ass�n�. � Je regrette, je. � Chaque page, le livre commence et se finit avec l�ambition vaine, de principe, d�illustrer le sens de l�Humanit�. � Tanger en fran�ais. Tanja en arabe. Cette ville est pleine d��trangers plein d�espoir. Le bas de la m�dina grouille de ressortissants d�Afrique subsaharienne. La ville est une esp�ce d�arche de No� pour personnes �chou�es. �a abonde de silhouettes qui s�affairent. Si j�osais, je dirais que �a ressemble � une procession de sous-hommes. � Si tout n�est pas � prendre (quelques poses, des refrains �cul�s, des r�f�rences attendues), le projet d��criture, int�gral, est � d�fendre. Apr�s Je r�ve d�une autre vie (Diable Vauvert, 2002) et Toute une vie pour l�aimer (L�Aube, 2003), Claude Andrieu s�est li� � son personnage, celui qui porte sa � beaut� insolente comme une impudente provocation � (Je r�ve�). Une relation durable. Malgr� quelques obstacles, le tandem a plut�t bien trac�.

Ariel Kenig