Accident nocturne Patrick Modiano Gallimard

Prix éditeur 15.00 euros

Modiano : le retour. Avec Accident nocturne, le voici qui fait sa rentr�e litt�raire apr�s la premi�re salve de romans parus en ao�t. Modiano n�a plus rien � prouver. Ses fid�les lecteurs retrouveront avec bonheur le laur�at du prix Goncourt 1978 pour Rue des boutiques obscures qui publie aujourd�hui son vingti�me roman en trente cinq ans de carri�re. Mais le jeune homme qui publiait � vingt-deux ans La Place de l��toile a t-il vraiment chang� ? Et n��crit-il pas toujours le m�me livre, comme s�accordent � le penser la plupart des critiques litt�raires qui au fil du temps, avouons-le, l�ont bien m�nag� ?
Patrick Modiano est un des rares romanciers d�aujourd�hui � b�n�ficier d�un cr�dit de sympathie extraordinaire, un peu comme J.M.G. Le Cl�zio autre pilier de l��curie Gallimard. Un roman de Modiano est avant tout un roman d�atmosph�re. On y trouve des descriptions d�un Paris qui n�existe plus, le parfum d�une �poque entre m�lancolie et nostalgie, avec ses caf�s, ses h�tels et ses rues dont on aurait peine � trouver leurs vrais noms aujourd�hui dans le bottin, des personnages qui ressemblent � des ombres et un myst�re qui ne cesse de s��paissir � mesure que le livre, toujours �crit dans un style, limpide, nous entra�ne sans brusquerie ni provocation, vers un climat de roman policier.

Le dernier roman n��chappe pas � la r�gle. Tout est bien en place et l�on se laisse prendre sans jamais l�cher un seul chapitre. On trouve bizarre ce gar�on, � un type assez banal qui avait le go�t du bonheur et des jardins � la fran�aise �, qui se fait renverser un soir par une voiture, au Palais-Royal et que l�on entra�ne, une chaussure abandonn�e sur la chauss�e, la main �rafl�e, � l�h�tel R�gina, le plus proustien des h�tels de la rive droite. Mais s��tonne t-on seulement de la pr�sence de cette femme portant un manteau de fourrure, une certaine Jacqueline Beausergent, que le narrateur voudra retrouver, comme dans un r�ve, pour achever une qu�te qu�il croit n�cessaire, absolue et vitale ? � C�est peut-�tre la fin d�un cycle. Un dernier livre sur une p�riode de ma vie. Maintenant, j�ai l�impression que se sera diff�rent �. Voil� ce que confiait Modiano � Livres Hebdo d�but septembre, lui qui s�est toujours refus� � �crire des r�cits biographiques, pr�f�rant le romanesque et l�illusion. � �crire une autobiographie m�a parfois tent�, ajoutait-t-il, mais je me suis toujours heurt� � cette mise en sc�ne de soi-m�me forc�ment artificielle. Pour arriver � une plus grande justesse, il faut avoir recours � la fiction. Et quand on n�est ni Nabokov, ni Chateaubriand, la fiction permet aussi d��viter le narcissisme dans lequel elle patauge souvent, en cr�ant un objet artistique qui alors, n�appartient plus au m�me registre. � � la fin du roman, v�ritable jeu de piste parisien, entre porte d�Orl�ans, Champs-Elys�es et Jouy-en-Josas. Jacqueline, enfin retrouv�e, d�clare au narrateur : � Mais non, je n�ai rien � cacher� La vie est beaucoup plus simple que tu ne le crois� � C�est cette simplicit� que Modiano a pass� son temps, en trente cinq ans d��criture, � d�jouer, pour le plus grand plaisir de ceux qui ont os� un jour ralli� son monde, son univers, unique et si attachant.


Gilles Brochard