#112 - Du 14 octobre au 05 novembre 2008

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La petite bijou

 La petite bijou
Patrick Modiano
Gallimard
Prix éditeur
14.48 euros

Il est souvent dit que Modiano �crit toujours le m�me livre, il est souvent dit que ce m�me livre est r�ussi. Il en va de m�me de La Petite Bijou, � nouveau une qu�te impalpable, � nouveau un livre nerveux, une angoissante obstination.

On parle toujours des errances, le plus souvent parisiennes, de Modiano ; la ville � l�oppos� des vies est la seule mati�re palpable dans sa pr�cision ; si tout est qu�te, tout est espoir d��tre reconstitu�, les villes sont des �vidences. Et les �vidences ressass�es �tourdissent. L�exc�s de d�tails agit comme les cercles concentriques qui tournent pour nous assoupir ; dans La Petite Bijou, c�est dans le m�tro, � la station Ch�telet, � l�heure o� la foule ob�it � la pr�cision de l�heure de pointe, que la narratrice rep�re un manteau jaune appartenant � une femme qui pourrait �tre sa m�re. Rien n�est moins s�r et pourtant celle qui fut surnomm�e la petite Bijou se met � suivre l�inconnue au manteau jaune. La tension de cette filature est � la mesure de l�espoir de l�h�ro�ne : retrouver sa m�re, recouvrer un pass�. Voil� le point de d�part, une couleur-lumi�re qui surgit, une �trange ressemblance, le souvenir d�un tableau et d�une enfance troubl�e, et la narratrice plonge avec fr�n�sie dans l�absolue n�cessit� de reconstituer son pass�. La puissance du r�cit repose aussi sur le fait que cette qu�te peut n��tre qu�un fantasme pur.

Le rapport fr�n�tique aux d�tails charme toujours, c�est une force adoucissante. Nous sommes entre l�Antoine Doisnel dans sa p�riode d�tective priv�e et Les Rats de Frank, nous sommes dans les pneumatiques et les num�ros de t�l�phone Passy 33-14 ; sans oublier les voix nocturnes qui gr�sillent pendant les �missions radiophoniques, la voix �tant toujours le principal vecteur du souvenir, un lien sui surpasse largement la m�moire visuelle et le flou des visages du pass�. Ce rapport aux d�tails, insidieusement, angoisse le lecteur. Il souligne par contraste l��vanescence des personnages. Ces derniers ont si souvent des identit�s incertaines, des noms qui sonnent faux, des noms d�artistes du pass�. Dans La Petite Bijou, les Valadier enveniment l�atmosph�re de leur fantomatique : ils ne semblent exister que pour ne pas laisser de traces. L�h�ro�ne qui est embauch�e pour garder leur fille ne cesse de remarquer des d�tails troublants, une ambiance pour le moins d�l�t�re. Les Valadier semblent en fuite comme si l�Occupation n��tait pas une p�riode d�limit�e ; on n�habite jamais vraiment o� l�on habite, les tiroirs sont vides, on est excessivement courtois, la mascarade est le propre des gens en fuite, le mensonge est souriant. Th�r�se, la petite Bijou, se sent proche de la fille qu�elle garde ; forc�ment, avoir des parents flous rapproche ! Et cet autre point commun : le besoin constant de marcher, le besoin surtout de ne pas rentrer. Toujours marcher, toujours marcher pour laisser le hasard nous r�v�ler des indices. Errer c�est la possibilit�, � tout moment, de trouver des preuves et des sources � son existence.

Une phrase rattache ce livre � l�ensemble des livres de Modiano, l��uvre. Elle est situ�e d�s les premi�res pages : � On continue de vivre une vie clandestine, apr�s sa vie �. Alors qu�il tourne inlassablement autour de ses th�mes, nous tournons autour de lui. Rares sont les �crivains qui modulent, et c�est aussi cette modulation qui fascine le lecteur de Modiano. Livre apr�s livre, nous progressons en sa compagnie, et l�acharnement solidifie. La Petite Bijou nous fait progresser dans le myst�re Modiano, c�est un livre majeur (certes moins qu�a pu l'�tre Dora Bruder), car Modiano d�finit ses errances : ce sont les errances d�un clandestin. Le h�ros chez Modiano poss�de un livret de famille incomplet et marche avec l�angoisse d��tre arr�t�. Il ne faut jamais oublier ce qu�il a �crit dans Livret de famille :

� Je n�avais que vingt ans, mais ma m�moire pr�c�dait ma naissance. J��tais s�r, par exemple, d�avoir v�cu le Paris de l�Occupation puisque je me souvenais de certains personnages de cette �poque et de d�tails infimes et troublants, de ceux qu�aucun livre d�histoire ne mentionne. Pourtant, j�essayais de lutter contre la pesanteur qui me tirait en arri�re, et r�vais de me d�livrer d�une m�moire empoisonn�e. J�aurais tout donn� au monde pour devenir amn�sique �.

Ainsi, Modiano est toujours tourn� vers l�origine et au-del� de l�origine. Nous avons toujours l�impression de cette vie ant�rieure int�rieure, et que la vie actuelle est une vie clandestine, une vie d�apr�s la vie. La petite Bijou est en ce sens l�arch�type de l�h�ro�ne modianesque, elle vit en marge de la soci�t�, elle est dou�e pour la filature, elle ne pourrait se r�v�ler que si son pass� se r�v�lait. Elle ne peut vivre tant que le souvenir de ce qui s�est pass� se recompose. En m�moire, il faut conserver cette phrase de Ren� Char que Modiano a d�pos� en exergue de Livret de Famille : � Vivre, c�est s�obstiner � achever un souvenir �. Modiano s�obstine.

David Foenkinos



 
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