Jours sans faim Lou Delvig Grasset

Prix éditeur 14.00 euros

Le livre de Lou Delvig ne changera sans doute gu�re votre fa�on d��tre ou de voir mais il jette une lumi�re sur une maladie non pas inconnue, mais peu comprise, l�anorexie.

�g�e de 19 ans, Laure avait tellement faim de vivre qu�elle s�est laiss�e mourir. Elle n�est plus qu�une carcasse qui sent la mort � battre dans son ventre � lorsqu�elle accepte d��tre hospitalis�e et tente de gu�rir. Cette remont�e des Enfers est un v�ritable parcours du combattant o� il n�est d�autre ennemi que soi-m�me. Pendant trois mois, la jeune fille passe ses journ�es entre quatre murs, entour�e de malades, d�infirmiers, de docteurs. Pendant trois mois, elle r�apprend � se nourrir, absorbe avec effort les viandes, l�gumes, g�teaux et � suppl�ments � de toutes sortes, se bourre avec application, luttant pied � pied contre le souvenir enivrant du je�ne. Alors, � elle se sentait de mieux en mieux, plus l�g�re, plus pure aussi. Elle devenait plus forte que la faim, plus forte que le besoin. Plus elle maigrissait, plus elle recherchait cette sensation pour mieux la dominer. � Sa peau grise et ses os pointus disaient et sa souffrance et sa puissance. En domptant son corps, elle avait impos� sa volont�, elle �tait parvenue � ma�triser quelque chose dans ce monde fuyant, encore peupl� des fant�mes de l�enfance.

Jours sans faim est le r�cit d�une d�sintoxication. Car le culte du je�ne, devenu une obsession autodestructrice, est une forme de d�fonce comme une autre. Un moyen d�oublier. De s�exalter. Un apaisement, aussi. Face � un pass� trop douloureux, un avenir angoissant, l�incertitude perp�tuelle, certains, plus souvent certaines, se murent et s�affament. Le livre de Lou Delvig d�crit une exp�rience �minemment personnelle, un moment fondateur de toute une vie. R�alit� si forte et si insoutenable qu�on ne peut la garder pour soi. Il faut l�inscrire noir sur blanc, graver les �v�nements sur le papier. Par besoin d�exorciser. De comprendre. De partager.

La confession est �mouvante et l�auteur par le plut�t bien de ce s�jour de la derni�re chance. A vrai dire, le rythme du texte, son aisance, semblent presque trop �tudi�s. Parfois, cela donne au r�cit plus d�habilet� que de force. Le tout est plut�t bien l�ch�, en somme. A l�oppos�, par exemple, du Pavillon des enfants fous de Val�rie Val�re, cri �trangl� d�une jeune fille enferm�e dans une clinique psychiatrique et priv�e de distractions, de libert� et de contacts tant qu�elle ne s�est pas d�cid�e � se gaver comme une oie. La r�alit� est ici plus brutale et le ton suit, noir, rageur, obstin�. Il n�est pas interdit de pr�f�rer au recul de Lou Delvig l��criture rugueuse de Val�rie Val�re, sa r�volte sans concessions et son absence de fard, ses phrases bancales d�ado, jamais revues, ni corrig�es.

Minh Tran Huy