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Les Heureux du monde
| | La splendeur des Lansing
Edith Wharton
Flammarion
   | Prix éditeur
19.82 euros
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"Qu'est-ce qui dure ? Eh bien, l'emprise des choses dont nous croyons pouvoir nous passer. Les habitudes survivent aux pyramides. Les petits conforts, le luxe, l'aisance�, et puis d'abord et avant tout, le pouvoir de s'arracher � la monotonie, � la morosit�, aux contraintes, aux laideurs." C'est ce que d�clare Strefford, convaincu que l'argent seul donne ce pouvoir, � son amie Suzy Lansing. Et tout le probl�me des Lansing tient effectivement � l'argent, ou plut�t au manque d'argent. Nick et Suzy �voluent dans un milieu cosmopolite, mondain, richissime, et vivent aux crochets d'amis plus fortun�s. Leur mariage r�cent est peut-�tre une folie, mais une folie soigneusement planifi�e : ils se donnent un an. Un an � s�journer dans des demeures princi�res pr�t�es par les uns et les autres. Un an de plaisirs gr�ce aux (gros) ch�ques distribu�s en guise de cadeaux de mariage. Un an pour d�couvrir un parti "en or" et divorcer, suivant le pacte mi-s�rieux, mi-fou, qu'a propos� Suzy � Nick.
Nous sommes bien dans l'univers luxueux, tout en impostures et perfidie souriante, d'Edith Wharton. Les personnages n'encourent plus les foudres des m�disances du Temps de l'Innocence, mais reste le th�me des faux-semblants, des coulisses malpropres que dissimule une sc�ne chatoyante de fourrures, bijoux et soieries. Nick et Suzy restent prisonniers des contraintes mat�rielles, comme Lily Bart dans Chez les Heureux du monde. Prisonniers des caprices d'un monde qui s'il les accepte et les caresse parfois, peut les rejeter demain, par oubli ou lassitude. Peut-on vivre la vie des autres, avoir leurs habitudes, leur apparence, � coup de robes mendi�es sans en avoir l'air ? Aller d'une demeure somptueuse � une autre alors qu'aucune ne vous appartient ? Tout se paie, en ce bas monde, surtout chez les riches. Suzy accepte donc de rendre service � l'amie qui pr�te un palais v�nitien aux Lansing, Ellie Vanderlyn. Chaque semaine, Suzy poste � M. Vanderlyn une lettre �crite � l'avance par son �pouse afin de donner l'illusion que cette derni�re est toujours � Venise alors qu'elle est partie voyager avec son amant� Une petite bassesse en entra�ne une autre, et de fil en aiguille, l'estime de soi, l'orgueil, la dignit� s'effritent peu � peu. L'amour aussi. L� est le nerf de l'affaire : Nick et Suzy s'aiment d'un amour sinc�re, fond� sur une estime r�ciproque, mais ils aiment aussi le luxe, qui ne va pas sans compromis. Satisfaire ces deux passions � la fois est loin d'�tre �vident : s'ils veulent la libert� pour leur amour et pour eux-m�me, ils la veulent brillante, dor�e, opulente.
Edith Wharton suit les d�ambulations de ses h�ros, ensemble et s�par�s, en usant d'effets de sym�trie : le lecteur partage alternativement les points de vue, les croise, comprend les d�calages, compare les r�actions des personnages confront�s � de semblables tentations. Le r�cit est �maill� de r�flexions �l�gantes et f�roces, mais aussi d�chirantes de clairvoyance : "Voil�, c'�tait ainsi. La faute, incontestablement, n'en revenait ni � lui, ni � elle, mais � l'univers o� ils avaient grandi et au m�pris qu'ils lui vouaient, sur le plan moral, alors qu'ils en d�pendaient mat�riellement. La faute en revenait aux dons mal exploit�s de Nick, aux principes mal assur�s de Suzy, � ce quelque chose qui, chez l'un et l'autre, n'avait pas assez de force pour r�sister ni assez de souplesse pour c�der." On retrouve la technique des points de vue, la finesse de l'analyse, la satire des milieux mondains et fortun�s, bref la virtuosit� habituelle � un �crivain qui excelle � brosser une galerie de portraits, d�crypter les codes d'un milieu, en montrer la cruaut� feutr�e. La plupart de ses h�ros ont �t� broy�s par cette s�duisante machine mondaine, mais l'auteur a dot� Nick et Suzy de beaucoup plus de lucidit� et de force. Ils ne sont pas dupes de leur monde et sont pr�ts � en jouer le jeu. Leur amour se retrouve ainsi confront� aux partis plus avantageux, aux incompr�hensions mutuelles, aux services humiliants impos�s par des "amis" qui n'oublient jamais les faveurs accord�es�
La Splendeur des Lansing, chronique d'une chute annonc�e, chute non plus sociale (comme celle de Lily Bart), mais morale et amoureuse ? N'oublions pas que le trompe-l'�il est une des manies �et un des grands talents- d'Edith Wharton� Minh Tran Huy
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