Le jardin de la villa Molini Rose Tremain Fallois

Prix éditeur 18.29 euros

Tout au long de ces vingt nouvelles, Rose Tremain, auteur du Don du roi et du Royaume interdit (prix Femina �tranger 1994), nous fait ressentir la fragilit� de l'existence. Au c�ur de chaque histoire, une image qui peu � peu se charge de sens : ailes d'un moulin brassant le vent, fine couche de glace � la surface d'un lac, brasier de brindilles, �ventail qu'une jeune femme secoue devant son visage, hermine se faufilant sur un terrain de croquet... Un geste, un objet, un animal, deviennent le symbole de toute une vie. Une vie insaisissable, toute en espoirs fr�les, tendant toujours plus, tandis qu'elle s'�coule, vers l'absence, le manque, ou la disparition.

L'auteur noue et d�noue les destins, obscurs ou glorieux, d'hommes et de femmes saisis � un moment clef de leur existence, soit qu'ils vivent ce moment, soit qu'ils prennent soudain conscience ce qu'ils ont v�cu. Une adolescente peu g�t�e par la vie raconte son aventure avec un homme mari�. Une po�tesse qui en son temps connut la gloire quitte la maison o� elle a toujours v�cu. Un horloger tombe amoureux d'une jeune femme tandis qu'elle lui parle d'une pendule � r�parer. Un homme autrefois sourd parcourt le monde pour en enregistrer les bruits, un couple d'Anglais moyens part pour une Floride r�v�e, une veuve d�cide de descendre les chutes du Niagara� Galerie de portraits qui nous m�ne de l'Italie baroque � l'Angleterre de l'apr�s-guerre, de la bataille d'Azincourt � l'Am�rique d'aujourd'hui : le recueil est un prisme aux facettes infiniment nombreuses, infiniment changeantes. Toutes, pourtant, renvoient � ce m�me sentiment d'�ph�m�re et de perte de rep�res.

R�duire le livre � un guide sur le th�me " O� allons-nous, qui sommes-nous, pourquoi vivons-nous ? " serait cependant une erreur. Les nouvelles de Rose Tremain ne sont pas, contrairement � ce qu'affirme la quatri�me de couverture, des " contes philosophiques ". Elles ne d�livrent pas de le�ons. Elles concentrent l'essence d'une existence, chantent sans fioritures sa beaut�, sa d�tresse, sa cruaut� ou sa vacuit�. Elles ne nous apprennent rien � proprement parler, elles nous rappellent, sans jamais appuyer le trait, ce que nous avons tendance � occulter : le fait que la vie n'est jamais balis�e, qu'il n'est rien de fixe, ni d'�ternel. Une chance ? Peut-�tre. Et, par d�finition, un risque. Risque de perdre un mari, un enfant, la femme que l'on aime. Risque de perdre la m�moire, la foi, l'esprit. Risque de se perdre soi-m�me.

Derri�re la vari�t� des situations et des �poques, des �ges et des cat�gories sociales, des �tres s'efforcent de vivre. Tous poursuivent ou ont poursuivi un songe comparable � celui du chanteur Mollini : " Il souhaitait que le plan du jardin refl�t�t une philosophie simple et optimiste. Sa vie, pensait-il, toute de d�couvertes, de r�v�lations, de surprises, se projetait dans l'avenir, sans jamais de retours en arri�re. Elle ne se limitait pas � un seul dessein, � une unique destination ; elle en contenait une infinit�, s'encha�nant les unes aux autres, toutes diff�rentes. Ne se r�p�tant pour ainsi dire jamais : cela, il ne l'aurait pas permis. Et m�me � la fin de sa vie, il imaginait de nouveaux paysages, des perspectives grisantes. Le jardin qu'il allait cr�er serait incroyablement vari�, complexe et, par-dessus tout, beau. "

Voyez vous-m�me s'ils sont parvenus � donner une certaine r�alit� � leurs r�ves...

Minh Tran Huy