Acide tryptique Lilan Monty 00h00.com

Prix éditeur 15.09 euros

Il est des livres comme des d�clarations de vie, d'amour ou de guerre. C'est la mort que Lilian Monty, jeune �crivain de 32 ans, a choisi de d�clarer.

Acide triptyque se d�cline � la fa�on d'un tableau. Normal, direz-vous, le protagoniste principal est un peintre. A regarder le livre, on a l'impression qu'il a �t� taill� sur le mod�le d'une �uvre d'art. Trois volets s'articulent et rappellent les temps de l'existence de Serge Zelco, artiste de la m�lancolie et du spleen.

A priori, la simplicit� est de mise. Monty veut �voquer un suicide. Il en d�taille buts et proc�d�s avec une pr�cision de chirurgien qui rebute et parfois d�lite dans le digressif. Zelco n'aime pas le monde qu'il s'efforce de contempler. La folie transformatrice de l'artiste en r�volte, la conviction in�branlable que la vie est ailleurs. C'est donc notre vie que Monty d�cortique, le regard de Zelco devenant le pr�texte d'un constat unanime : l'effroyable nullit� du monde. Il ne veut plus se laisser p�n�trer par ce qui peuple un univers d�cadent : l'absence de r�action. Dans ce triptyque plus aigre que doux, les hommes sont compar�s � des fourmis minuscules qui �rigent leurs r�ussites minables en troph�es dont le grotesque les aveugle et nous tue.

Tuer l'autre jusqu'� en oublier qui tu es. Point de salut, Monty nous noie, nous �touffe et cr�e avec de simples mots un malaise si fort que la v�rit� qu'il sugg�re revient de fa�on obs�dante : " Et si c'�tait vrai ? " VRAI, l'Art le demeure et c'est l� le seul �lan salvateur que le lecteur, abattu, retire de l'ouvrage. M�me si les femmes sont seulement des objets de procr�ation � la merci d'instincts masculins trop au lit pour �tre honn�tes, m�me si les gens d'Acide triptyque ne voient que par leur existence d'individualistes, GRAND est l'ART. Le message est d�cal�, la coh�rence pas toujours clairement �tablie mais ce souffle de vitalit� prodigue enfin ce tr�sor dont tous r�vent : la foi. Croire en demain o� tout est r�alisable et accompli. Croire en celui qui posera son regard, courrouc� ou approbateur, sur ces mots, et qui ira transmettre leur �motion par del� les pages. L'Art se mue en cet espace o� tous se retrouvent et dont personne " ne peut s'extraire en en sortant indemne ". L'Art, cet absolu sublime " devant lequel l'homme exprime son d�sarroi ". Finalement, une main est tendue pour offrir � cette vie l'infime part d'�bahissement n�cessaire � son souffle. Mais cette main �voqu�e est celle de l'artiste, un �tre singulier qui jamais ne se donne aux autres dans une existence qu'il recr�e pour mieux en oublier les imperfections tranchantes. Monty est d�cid�ment de ceux pour qui la vie est ailleurs. Plus en nous que parmi nos semblables.

Kafka �crit qu'une �uvre d'art " doit �tre la hache qui brise la mer gel�e en nous ". En ce sens, Acide triptyque s'immisce entre les parois de nos havres sentimentaux pour en d�chirer la certitude heureuse. Mais la mer ne jaillit pas. Elle se g�le une fois encore et de l'enchantement de l'Art, au-del� d'un maniement courageux des mots, na�t la peur de l'aire dans laquelle il rebondit : la vie, celle que l'ouvrage nous apprend tristement � fuir � d�faut d'avoir humainement voulu l'approcher.

Céline Mas