#112 - Du 14 octobre au 05 novembre 2008

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d�sinscription
 
Zarathoustra danse, Sollers �crit

 Une Vie Divine
Philippe Sollers
Gallimard
Prix éditeur
20.00 euros

Le rire est un malin plaisir qu�on prend avec une conscience
pure

Nietzsche, Le Gai savoir

Apr�s ses passions du XVIII�me si�cle, Philippe Sollers
surprend en faisant de Nietzsche le pr�texte ideal � un roman
clair sur la libert�, et notamment celle, absolue, de
l��criture.


Quand un texte fait de l�effet, il n�y a plus rien � en
dire.
Formul� il y a trente ans � propos de H (livre de Philippe
Sollers), l�aveu de Roland Barthes, ravissant de justesse et
d��l�gance, pourrait �tre un pr�alable � tout commentaire de
livres importants. Une Vie Divine est de ceux-l�. Important
pour qui ? Pas pour l�ensemble des lecteurs mais pour chacun
d�entre eux. Point de �lectorat� pour Philippe Sollers, point
d�individus regroup�s en masse, point de social ni de collectif.
Jamais de discours. Une parole. La litt�rature comme un
pneumatique clandestin, d�une bouche � une oreille, direct et
discret. Plus que les autres, Sollers s�adresse � moi, � toi, la
grande rousse derri�re, ou encore toi, le petit brun � gauche. Et
il a l�air de te vouloir du bien. Admets que c�est rare. Alors de
quoi te parle t-il dans ce livre ? De Nietzsche, de lui m�me, de
l��criture, des artistes et des philosophes, du monde
d�aujourd�hui, un peu, et de beaucoup d�autres choses que tu
n�entendras pas ailleurs qu�au creux de ces cinq cents pages
g�n�reuses, denses et fra�ches. De l�art d�exercer, r�ellement,
sa libert�, surtout. Et justement, c�est accompagn� de cette
amie de longue de date qu�il entreprend de soustraire Nietzsche
au clerg� des philosophes, grands ordonnateurs, si prompts �
verrouiller la parole au nom m�me de la libert� de penser. La
vision orthodoxe et officielle qu�on a produit du penseur
allemand va donc flancher sous les caresses de la litt�rature.

Le Gai savoir

Nietzsche dangereux pr�curseur du nazisme ? M�lomane
douteux, amateur de Richard Wagner ? Niezsche, morbide,
lourd, embarrassant ? Pas pour le narrateur d�Une Vie Divine,
un philosophe-�crivain atypique. Avec deux femmes libres et
l�g�res comme compagnes de route, il arpente la vie du
Surhomme, ses lieux, Turin notamment, et examine ses lettres,
celles de ses proches, amis, amantes, m�res ou soeurs, et ses
livres, �videmment. � partir de ces mat�riaux �l�mentaires,
Sollers reconstitue soigneusement jusqu�aux sensations, aux
repas, aux nuits de sommeil. Il r�tablit Nietzsche dans son
corps, vivant. Il le ressuscite. Le bronze est fondu, plus de figure
historique mais un nouveau personage, Monsieur N., M.N. dans
le texte, revigor� par l��criture, revenu de l��ternit� pour parfois
visiter les petites femmes de Paris au XVIII�me si�cle, ou
observer l�europ�en d�aujourd�hui� Un passant consid�rable,
au del� du temps et de l�espace. Une conscience gaie, riant de
la fatalit�. Ou d�lirante, ivre d�une libert� radicale..
La technique de Sollers en la mati�re est �prouv�e : il cite en
abondance ou plut�t, montre, avec ses �microscopes�, dans son
�laboratoire�. Il remet l��crit en circulation, en sc�ne, lui r�invente
des perspectives, remet � la port�e, pour broder un nouveau
tissu, un nouveau texte. Barthes, l� encore : �Communiquer avec
le monde, c�est traverser les �critures dont est fait le monde,
comme autant de citations dont l�origine ne peut-�tre ni tout � fait
rep�r�e, ni jamais arr�t�e�. L��criture comme mouvement
permanent dans la trame du temps et du monde : ce livre est
une preuve suppl�mentaire que Philippe Sollers en a quelque
ma�trise.

L�Eternel Retour

Car �l��crivain du oui absolu�, comme Philippe Sollers se d�finit
lui-m�me, reste l�un des seuls � placer � ce point l��criture (et
donc lui et le lecteur) au-dessus du vacarme. C�est un esprit
errant fait corps, un danseur de temps, averti de l�absurdit� de
l�univers et lass� des fracas de la com�die humaine : Et ce
globe minuscule, � la surface duquel, dans une chambre au
soleil, je trace ces petits caract�res, tourne sur lui-m�me � la
vitesse de 27 000 kilom�tres par seconde. Une. Voil�. Et vous
voudriez que je m�int�resse aux convulsions sociales de mon
temps ? Migraine.
Et pourtant, au fil du roman, les
convulsions sont apais�es en quelques phrases, autant de
respirations d��vidence. La litt�rature d�pressive ? Les
angoisses mill�naristes ? La guerre des sexes ? L�embarras
des corps ? Le r�gne des sciences ? La France qui tombe ?
Tout ce qui pr�tend encombrer la vie y trouve son compte. Au
final, la m�me solution pour tous les temps : l��ternel Retour
Nietzsch�en, synonyme pour l��crivain de libert� de vivre, de
cr�er et de jouir. Et pour cela s�oublier soi-m�me, jusqu�� son
nom, c�est � dire ignorer ce que les autres font de vous, et
devenir ce que l�on est. S�abstenir de voir bien des choses,
ne pas les entendre, ne pas les laisser venir � soi, premier
commandement de la prudence, premi�re preuve qu�on n�est
pas un hasard mais une n�cessit�. Le mot courant pour cet
instinct d�autod�fense s�appelle le go�t.
Mot d�cisif. Le
philosophe frileux et imbib� de social y d�tectera, lui, un
nihilisme politique suspect.

Ecce homo

Alors pour Sollers il faut choisir son camp. Le monde n�ayant
aucun sens, autant le consid�rer comme gratuit
. Il a choisi,
depuis longtemps, le camp du bonheur libre par principe. Celui
de la gaiet�, du jeu, des plaisirs, de l�art et de l�individu contre la
soci�t�. Celui d�une Vie Divine de litt�rature et d��criture o�
Sade, Rimbaud et Baudelaire sont convoqu�s. Mozart est l�,
bien s�r, Haydn �galement, Ben Webster, m�me : L�art
comme seule force de r�sistance � toute volont� de nier la vie�
L�art comme activit� m�taphysique de l�existence
. Le style
est a�rien, calme, degag�, pr�cis. Les traits de lumi�re se
cueillent en fines poign�es. Une Vie Divine vote sans
r�serve pour toi, la grande rousse et toi, le petit brun, �petit
animal mal domestiqu� (qui a) une chance, oh tr�s minime, de
t�en sortir�. Un appel � la libert� et � la vie. Un de plus de la part
de Sollers ? Oui, mais celui-l� est �tonnant de d�termination
sereine, comme un doux face � face. Un leg g�n�reux et, d�ores
et d�j�, un pr�cieux compagnon.

Marc Delaunay



 
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