J�r�mie ! J�r�mie Dominique Fernandez Grasset

Prix éditeur 19.00 euros

Un �tudiant d�cide de s�installer quelques mois en Ha�ti
pour y retrouver trace de la grand-m�re d�Alexandre Dumas.

Fabrice Jaloux pr�pare un m�moire autour de l�auteur de La
Reine Margot. Il fait auparavant un voyage � Rome. Les
gradins du Colis�e et les mus�es de peintures donnent tout de
suite lieu � d��rudites digressions. � son retour, le jeune
�tudiant d�couvre, de mani�re presque fortuite, le pass�
franquiste de son p�re. Un d�tour par l�Espagne, c�est encore
autre chose mais c�est, en cons�quence, aussi inscrit au
programme. Ayant crois� Jaloux dans la cit� antique, une bande
de volontaires h�t�rog�nes l�entra�nera dans une mission
pr�sum�e humanitaire en Ha�ti. Le narrateur les suivra,
flanqu�s de leur louche avocat, n�en d�plaise � sa fianc�e
Karine, elle-m�me pourtant courtis�e par ailleurs. Fabrice
Jaloux rencontrera le tiers-monde, l�attachement � Dumas bien
pr�sent dans les coeurs et Narcisse, sorte de Vendredi, peintre
� ses heures, qui sera son guide sur l��le exsangue, parcourue
de bandes arm�es et soulardes. Plut�t que des autochtones,
Fabrice Jaloux fera mieux la connaissance des b�n�voles,
l�italien Marco ou la belge Florence. Mais surtout le russe Boris
avec qui il �changera longs regards et consid�rations sur la
Boh�me, Prague, la dictature sovi�tique, et autres sujets un peu
d�cal�s sous les cacaotiers � une pens�e tout de m�me pour
Pouchkine, autre Alexandre, autre mul�tre. Fabrice et Boris
finiront � deux doigts de partager la m�me moustiquaire.

Dictionnaire des pr�noms

On compte quatre Alexandre entre l�arri�re grand-p�re, qui
�migre vers la chaude et encore appel�e St-Domingue pour y
faire fortune dans une plantation nomm�e� Monte-Cristo, et
l�acad�micien, fils de l��crivain r�cemment admis au froid
panth�on. Dominique Fernandez nous soutient que l�a�eul
traitait ses esclaves avec bont�, belle mani�re d�oxymore. Apr�s
lui avoir fait quatre enfants, Alexandre-Antoine Davy de la
Pailleterie revend la g�nitrice, C�zette Dumas, et ses petits mais
s�en garde un � gauche qu�il fera rapatrier en France. Le
sang-m�l� insistera plus tard pour porter le nom de sa m�re et
le portera haut, au point d�insupporter Napol�on � qui d�plaira
ce militaire r�fractaire aux ordres et � de la couleur de son
tabac �. Le g�n�ral Thomas-Alexandre Dumas, p�re de
l�employeur d�Auguste Maquet, est n� � J�r�mie, nom biblique
s�il en est (et joli nom parmi d�autres, sur cette �le o� l�on voit le
jour � Abricot, Savane-Zombi, Chantal ou Saut-d�eau. Et qui donc
n�aimerait pas avoir son adresse � Trou-Bonbon ?). Le
prolifique chantre de la cape et de l��p�e s�escrimera quant � lui
� assumer ses origines.

Tintin au Congo

Qu'on adh�re ou non aux vues de l�auteur et aux comparaisons
rapport�es � la France bariol�e d�aujourd�hui, on peut ressentir
un certain malaise quand le docte Jaloux d�fend son romancier
favori en le d�crivant anim� d�une � �nergie primitive �.
Un ange passe, mais non sans avoir crois� dans le m�tro �
les peuples anciennement colonis�s � � la fianc�e Karine
elle-m�me est effray�e d�avoir �t� � accost�e par un Noir
�, en plein Paris ! Le p�riple en Ha�ti ne nous �vite pas de
tomber dans le panneau et les mis�reux y sont �videmment
bonne humeur, m�me � lapant � � merci pour eux ! �
l�eau dans des flaques. Les habitants, bien s�r indolents et qui,
on suppose, tant qu�on y est, ont le rythme dans la peau,
s�expriment dans un p�nible petit-n�gre : � si toi y tenir�
�. Une transcription de l�accent local ne nous est pas
�pargn�e (� c�est ben ag��able de revoi� une figu�e �),
mais l�auteur appr�cie aussi l�accent suisse. Quand est
�voqu�e la pr�tendue � facilit� des femmes noires �, la
panoplie est compl�te. Le narrateur, d�ailleurs, est soudain
g�n� et s�admoneste lui-m�me : � ne crains-tu pas de
donner par cette exaltation de la pauvret� heureuse, dans le
mythe du bon sauvage ? �. Trop tard, le mal est fait. Il fallait y
r�fl�chir avant. Aucun ha�tien ne devrait se reconna�tre dans les
portraits sans caract�re que brosse ici Dominique Fernandez.
Tous ces manquements � la subtilit� contrarient le plaisir mais
si l�on accepte de passer outre ce catalogue d�inconvenances,
on trouve dans ces pages, d�un naturalisme pr�cis et
m�ticuleux, le romanesque enlac� � l�Histoire pour une
contredanse o� nous est cont� avec force le pass�
r�volutionnaire d�Ha�ti, ses carnavals ruraux ou sa religiosit�
haute en couleur.


Olivier Ngog