Rencontre avec Nabe

Interviews
Marc-Edouard Nabe est de retour à Paris. Après 7 mois d’absence. De silence, malgré sa réputation d’agitateur à la langue, ou plutôt au Bic, trop bien pendu : auteur de Journaux intimes (éditions du Rocher), l’écrivain n’a jamais épargné personne. Et surtout pas les personnalités des sphères littéraire et médiatique qu’il a fréquentées pendant longtemps.

Publiés en moyenne dix ans après les événements, les écrits de Nabe l’ont mis à mal avec bon nombre de personnes citées dans ses Journaux provocateurs et sarcastiques ; mais qui ont également réuni autour de lui une communauté de « fidèles » admirateurs de son œuvre, quête extrême de la subjectivité la plus pure.

Le dernier ouvrage édité a fait mouche. Nabe s’est exilé. Revenu, il s’est confessé. Costume sobre et petites lunettes, la discrétion même enrobée d’une écharpe noire savamment et négligemment nouée autour du cou.




Alors, ces vacances en Grèce ?

Mais ce n’était pas des vacances ! Je suis parti parce qu’il le fallait, tout un ensemble de signes me l’enjoignait. Des réactions suite à la parution de mon dernier Journal. L’unanimité autour de mon départ : la dernière phrase que j’ai entendue en France, c’était « va crever à Pathmos ». Et j’avais besoin de m’isoler, de rompre avec le cercle infernal de l’installation. De déconstruire tout. Ce départ constitue jusqu’à présent le plus gros risque de ma vie. Je n’ai plus rien, tout est à refaire.

Mais quand même, vous n’avez pas choisi la destination la plus désagréable pour vous reconstruire…

Vous savez, le cadre, ok, mais je suis resté dans une solitude incroyable. La solitude que je cherchais vraiment. Entre des grecs qui ne parlaient pas un mot d’anglais et leurs chèvres… Il s’est passé parfois des semaines sans que je parle à quiconque. C’est dangereux. Il y a une pente mortifère, pleine de folie, dans laquelle je suis bien content de ne pas être tombé. Tout ce que je souhaitais, c’était l’intériorisation. Pas forcément pour écrire différemment. Pour apprendre à me supporter, à me voir et à m’entendre.

Et ça va mieux ?

Plutôt.

L’intériorisation s’est-elle déroulée plus efficacement lorsque vous êtes passé à votre retour par Rome, Padoue, St Jacques de Compostelle, Hawaii ?

Mais il s’agissait de recontruire toute une voie bien particulière, celle de St Jean, qui est l’homme des Ecrivains, l’homme du Verbe ! Et puis, j’ai sauté la dernière étape. Et même si le système de mécennat fonctionne, ce n’est pas là que j’irai. Ma place est à Paris, j’ai des choses à faire ici et maintenant.

Alors c’est quoi, cette histoire de mécennat ?

Comme je vous l’ai dit, je suis dans une entreprise de reconstruction. Et évidemment de poursuite de mon ouvrage intellectuel et artistique. Mais le problème vient du fait que je refuse de recommencer « ma vie d’avant ». Je ne veux plus de ce système d’appartenance à un milieu figé et superficiel lorsqu’il est envisagé de manière collective. Un milieu qui propulse certes au début, mais qui s’avère trop vite emprisonnant. Je veux être libre et indépendant. Libre de dire et d’écrire ce que je veux. Et créer un nouveau système d’encouragement aux artistes, qui passerait par une aide financière du public, constitué pour l’occasion en mécène. Je n’appartiens à personne et mon œuvre est à tout le monde, mais il faut me permettre de la continuer.

Où ça, à Hawaii ?

Ca arrangerait pas mal de gens je crois. Remarque qu’ils préféreraient sans doute me payer pour que j’arrête tout. Je n’ai rien envie d’arrêter. J’ai des missions, l’écrivain a des missions. Et je suis sur un chemin que je veux explorer jusqu’au bout. Cela peut se réaliser grâce à un soutien de gens qui croient à l’intérêt intellectuel et spirituel de mon travail.

Vous croyez que ça a de l’intérêt, les potins littéraires ?

Ce que je veux livrer, c’est surtout un témoignage d’époque. Ma réflexion est un peu plus large que celle qui porte sur les potins littéraires. Je raconte par exemple la naissance de mon fils seconde par seconde. Puis sa petite enfance. Et bien je crois que cela fait partie des choses importantes de mon ouvrage, en tout cas pour lui. Et les autres peuvent aussi puiser certaines clés de mon travail personnel, j’en suis persuadé.

Donc vous aimez ce que vous écrivez ?

Excusez-moi, mais là, je vois l’heure tourner, et la petite vieille chez qui je loge pour trois jours ferme très tôt ses quatre verrous. Il faut vraiment que j’y aille… Au fait, je n’ai pas de téléphone, mais vous pouvez toujours m’envoyer un message à partir de mon site. Quelqu’un me le fera bien parvenir…

Jessica Nelson


Nabe
Ed.
0 p / 0 €
ISBN:
Last modified onvendredi, 01 mai 2009 22:58 Read 5234 times