Naso lituratus

Chroniques
Laurent Schweizer serait-il plus que finaud ?

Ma brillante qualité de critique me portera sans conteste à donner mon assentiment sur la question.

Laurent Schweizer livre un premier roman époustouflant.

Il faudra voir dans ce mot toute l'étendue de la finesse de ce jeune auteur. On s'explique :

Naso Lituratus est d'abord et ensuite. Mais plus précisément, sa couverture Actes Sud est d'un orange au moins aussi délirant que le thème du poisson argenté qui inonde de son mystère les pages du livre. Naso lituratus comme une lecture anachronique de la vie, comme une écriture lacrymale qui met du temps avant de se mouvoir dans la tourmente.

Naso lituratus comme la lente descente flottante vers cet abîme refluant qu'est la conscience détériorée.

Mais derrière les mots se cache toujours une vérité qui fait mouche : d'accord, les premières pages du Naso sont longuettes, d'accord le style fait semblant de s'épancher en naïveté, et pour être très franc, Laurent Schweizer nous égare parfois dans la lancinance de son propos. Ca, c'est pour le côté Laurent Schweizer puceau de la littérature : on doute.

Et puis vient la lame du tréfond qui balaye tout sur son passage : page 100.

Et là, autant le dire tout de suite, c'est de mortification et de béatitude dont il est question : l'aliénation s'introduit petit à petit à l'intérieur du roman, à enrayer la pensée, à démolir le discours, à casser les rythmes : à gêner.

Processus initiatique s'il en est, l'univers mental reconfiguré aux confins de la folie et du délire psychiatrique se révèle d'une étonnante justesse, forcément enjolivée par la maladresse voulue et travaillée du style de l'auteur : des phrases simples, cassantes, blessantes. Des phrases qui font mal au service d'idées et d'images qui font tout aussi mal.

A la limite de l'identification, à la bordure de l'autobiographie, Laurent Schweizer, le Suisse, Laurent Schweizer, le juriste, Laurent Schweizer l'aliéné réussit son pari : il fait ressentir. Toujours dans la justesse : l'histoire d'une photographe connue qui plonge dans l'absurdité des songes sans lendemains qui coupent les repères, à en devenir fou, ou artiste, ou fou artiste.

Alors soyons juste : Naso Lituratus est le prélude d'une grande œuvre. Laurent Schweizer est à la décimale de son talent.

Jean-Baptiste Vallet

Naso lituratus
Laurent Schweizer
Ed. Actes Sud
200 p / 16 €
ISBN: 2742730796
Last modified ondimanche, 28 août 2011 19:39 Read 1935 times

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