Dans son dernier film Holy Lola, Bertrand Tavernier observe sans concession le processus de l'adoption. Loin des d�bordements lacrymaux pr�fabriqu�s, l'�motion vous submerge. Vraie. Inoubliable.

Une maison vide : le t�l�phone sonne. R�pondeur : � le docteur X est actuellement en cong�... �. A�roport de Phnom Penh, Cambodge. Un couple de Fran�ais sort de l'avion, un peu excit�s, un peu perdus, �trangers. Pour combien de temps sont-ils l� ? Nul ne le sait : l'adoption en Asie, comme partout, est un v�ritable parcours du combattant. Isabelle et Jacques sont sur la derni�re ligne droite : si un orphelinat a des enfants adoptables, ils peuvent �tre parents en quelques semaines, pass�s les tracas administratifs.
La cam�ra fouille les visages, les �motions. Toute une communaut� fran�aise de parents en devenir se retrouvent � l'autre bout du monde et partagent, parfois malgr� eux, angoisses, doutes, peurs et joies. L'un d'eux nous retient : le visage poignant de cette femme seule qui n'en peut plus de sa solitude, de cet amour qu'elle porte en elle et qu'elle ne peut donner.
Au del� de tout, il y a l'attente. Insupportable. Insurmontable. On pourrait en crever. On est pr�t � tout pour qu'elle cesse.
A l'�cran, la complicit� douloureuse de Jacques Gamblin et Isabelle Carr� est palpable. D�sempar�s, fragiles, bouleversants. Comme � son habitude, Tavernier n'oublie pas de filmer le pays, la population, mettant en exergue ces ponts provisoires qui s'�tablissent parfois sur un simple regard, une main tendue, un sourire �chang�. Le plus �tranger � soi n'est pas toujours celui qu'on imagine. Du cin�ma de Tavernier il s'agit moins de d�magogie que de g�n�rosit�. Cette g�n�rosit�, on la retrouve dans le Cambodge, ce march� d'adoption; o� l'intol�rable n'a pas de visage... La cam�ra bouge beaucoup, le coeur aussi.
Deux heures d'images fortes, des mots frappants, de silences bavards. On en ressort le ventre tordu. Holy Lola n'est pas un grand film, mais c'est un film dont on se souvient. Pas si souvent.

Ma�a Gabily