Art mineur pour les snobs, la science-fiction est en train de perfuser la litt�rature hexagonale. Inflammation temporaire ou chronicisation en vue ? Par Laurent Simon

Qu�on le veuille ou non, un style est en train de na�tre. Une sorte de � french touch �, un peu l��quivalent du paradigme Daft punk en musique dans les ann�es 90. Incroyable mais vrai, la science-fiction se territorialise en France. Pas la � hard science � ni le � steampunk �, certes, mais certains codes de ce genre boutonneux se distillent dans la litt�rature mainstream � jusque dans la Blanche chez Gallimard � si l�on en juge � la profusion d��uvres qui s�en sont inspir�es durant l�ann�e litt�raire �coul�e. Et puisqu�il faut avoir quelques raisons d��tre fier de nos auteurs, avouons qu'ils sont en train de cr�er un style nouveau, pop et �litiste � la fois, tr�s souvent m�tin�e d�anticipation sociale. N�oublions pas que les Fran�ais adorent la politique et l�analyse : l�intellectualisme a ses bons c�t�s. L'invasion "nerd" n'est pas pour demain: Ici on r�fl�chit.
La pr�sidentielle a �t� propice � ce foisonnement prospectif, les Frances tiraill�es de Benjamin Berton et Jean-Eric Boulin, respectivement dans Foudres de guerre (Ed. Gallimard) et Suppl�ment au roman national (Ed. Stock) en t�moignent d�une mani�re tr�s � avouons le : trop � � Sciences po �. Plus largement, cette tendance marque le retour de l�imaginaire dans la narration : il �tait temps ! Fichage g�n�tique, castration chimique des p�dophiles, d�tection juv�nile de la d�linquance � le fameux rapport de l�Inserm � l�air du temps n�a jamais �t� aussi � biopolitique �. Alors forc�ment �a inspire.

A l�avenir, laisse venir

Petite particularit�, qui ne r�sistera peut-�tre pas aux statistiques, les femmes sont en premi�re ligne : Anna Borrel (Expiration, Denoel), Elise Fontenaille (Unica, Stock), Catherine Zribi (Bienvenue � Bathory, Verticales), C�line Curiol (Permission, Actes Sud). Sans oublier C�line Minard, l�immense C�line Minard, artiste transgenre qui avant son Dernier monde (Denoel, encore) avait fait de la SF au sens strict dans La manadologie (Ed. MF), son deuxi�me roman. L�ombre des Commandeurs n�est jamais tr�s loin : l�univers de C�line Curiol fait furieusement penser � celui du s�minal Ray Bradbury dans Fahrenheit 451. Et JG Ballard ou Philip K. Dick ne sont g�n�ralement qu�� un pas. Les anglo-saxons ont pour l�instant un petit temps d�avance, on pourra citer Margaret Atwood, James Flint, Douglas Coupland, entre autres. La chance de la � french touch � est finalement de n�avoir � s�extraire d�aucun magist�re si l�on excepte celui, massif, de Michel Houellebecq : Pierre Pelot, Barjavel, Michel Jeury ou Pierre Boulle sont artistiquement morts pour la SF depuis longtemps. Tout cela fera peut-�tre sourire les grands anciens, comme Maurice G. Dantec qui nous a ass�n� son chef d��uvre annuel, Grande junction chez Albin Michel. 2007 ne d�rogera d�ailleurs pas � cette ponctualit� d�horloge atomique avec Artefact, toujours chez le m�me �diteur. Les amateurs ne manqueront donc pas de jeter un �il � la prochaine rentr�e : Technosmose de Mathieu Terence (Gallimard), ou Zone de combat de Hugues Jallon (Verticales) seront l� pour prouver que l'imaginaire se porte bien et, accessoirement, que Zone ne se trompe jamais.

Laurent Simon