Joncour et Zeller : idoles du pire ?

Interviews
Ils sont amis. Florian Zeller, en lice pour l'Interallié, a 25 ans. Serge Joncour, en lice pour les prime-time, en a 42. Le premier publie son troisième roman, la Fascination du pire. Le second en est à son sixième, L'Idole. Islam, sexe et télévision : voilà les thèmes de cette rentrée Flammarion. Interwiew croisée...



A part le même éditeur, qu'avez vous avez en commun ?

Florian Zeller: Il y a deux ans, on habitait dans le même quartier mais du coup j'ai déménagé pour être sûr qu'on n'ait plus rien en commun ! Après, il est allé au Dilettante, tout allait bien. Et là, il a rappliqué chez Flammarion. Sérieusement, le seul point commun que nous avons, c'est précisément de n'en avoir aucun.

Serge Joncour: Ce qui nous rassemble surtout, c'est l'humour. Moi, je vis Florian avant tout comme un être drôle et ce n'est pas nécessairement l'image qu'on en a, mais c'est le type avec qui je me marre le plus. Faire un trajet pour rejoindre la gare de Metz alors qu'il n'y a pas de bus et qu'il fait 40 degrés, c'est un moment de rigolade absolu.

Quel regard portez vous sur le livre de l'autre ?

F.Z.: J'ai toujours beaucoup aimé Serge. C'est parce que j'aimais ce qu'il faisait que nous nous sommes rencontrés, grâce a ses livres. J'avais lu son premier roman, il y avait une écriture au service du comique et non pas un comique au service d'un livre. A chaque fois qu'il sort un livre, je le lis avec bienveillance, curiosité, attention. J'aime son travail. Je le trouve drôle et tous mes souvenirs de lecture sont associés au rire, même si les livres ne sont pas comiques par essence.

Comment vivez vous la promotion ?

S.J.: Il y a des moments ou je dissocie complètement le fait d'avoir écrit un livre et d'en parler, mais c'est la règle du jeu. La promotion, c'est concilier deux attitudes. L'écrit et l'oral. Par moment je suis habité par la parole. D'autres fois, je reste silencieux. Et pour la promo, c'est terrible. Il y a un temps où l'on écrit un livre. Ensuite on en est redevable. Il y a des jours où l'on pense que son livre mérite d'être défendu, d'autres où l'on a envie de le cacher.

F.Z.: Le grand luxe, c'est d'écrire un livre puis de s'en détacher. On ne peut pas adopter sciemment l'attitude du " je n'écris que pour moi ". On est obligé de justifier notre publication, de la commenter. Bien sûr une promotion n'est jamais un moment plaisant, mais en même temps, dire que c'est déplaisant est stupide. On est dans une situation où l'on est jugé. Les doutes nous envahissent. On est fragilisé. Mais le pire, c'est l'indifférence, quand elle nous interdit d'exprimer des plaintes sur la promotion.

La Fascination du pire, traite de l'islam, l'Idole, de la célébrité. Deux thèmes trop actuels ?

S.J.: C'est un exercice sur l'absurde, qui est aujourd'hui affleurant. Je vois des gens célèbres et je ne sais même plus pourquoi ils le sont.

F.Z.: A ce sujet, j'ai une anecdote. Je prenais un café avec un journaliste de télévision. Pendant l'entretien, une fille dit à son père "Oh regarde, c'est le monsieur qui fait la météo". Quelques minutes plus tard, une vieille femme l'interpelle en disant qu'elle avait lu tous ses livres, alors qu'il n'a jamais écrit la moindre ligne de sa vie.

S.J.: Je voulais justement travailler sur ce quiproquo là. Dans mon livre, j'ai poussé l'exercice un peu plus loin, pour en faire un matériau romanesque, créer un personnage célèbre malgré lui. Le roman est parti de cette observation et j'ai poussé le trait.

F.Z.: Pour mes deux premiers romans, je n'avais pas le désir que l'on puisse les résumer à un thème. Dans La Fascination du pire, je voulais allier le romanesque au monde des idées. On n'écrit pas sur un thème. On bâtit un roman à partir de constatations... Puis le romanesque s'installe. Il est le tissu du livre. Ou alors, on fait du journalisme.

Est-ce que vos romans sont nés d'un fantasme, celui d'un voyage flaubertien en Egypte pour La Fascination du pire ou celui de la célébrité pour L'Idole ?

F.Z: Je ne pense pas. Ce voyage en Egypte, c'est déjà la narration. Il ne fait pas parti de la genèse de l'écriture. En fait je n'en sais rien et je ne sais pas si je veux le savoir d'où viennent les choses. Pour Serge c'est plus simple, il rêve depuis toujours de présenter la météo. Il n'y arrive pas alors il fait un livre sur la célébrité. (Rires)

S.J.: Moi j'ai un point de vue très basique. Un livre, tu l'ouvres, soit tu sens le personnage exister et tu souhaites l'accompagner. Ce qui était le cas pour le voyage de Florian. Soit rien ne se passe et on arrête. Quand on écrit, on prémédite beaucoup de choses. Mais on n'est jamais sûr du résultat.

Justement, lorsque l'on fait un livre sur la célébrité rapide, est-ce qu'on regarde la télé réalité ?

S.J.: Oui je la regarde un peu pour voir ce que les autres regardent.

F.Z.: Tu sais que les mecs qui regardent des pornos disent la même chose !

S.J.: Mais c'est tellement diaboliquement primitif qu'on veut savoir qui va gagner. Ce sont des émissions très flatteuses. Quand on regarde Koh Lanta on se dit qu'à la place du mec, le requin on l'aurait cassé en deux ! La télé est un outil de travail bien qu'aujourd'hui, je lutte pour l'éteindre. Il y a du voyeurisme là-dedans.

On est en pleine période de rentrée littéraire. Y a-t-il des romans que vous avez particulièrement apprécié ?

S.J.: Il est difficile d'être lecteur en période de promotion. Il y a des livres que je mets de côté et que je lirai dans deux mois. Une Vie française de Dubois par exemple. De toute façon il n'y a qu'un bon livre dans cette rentrée littérature...

F.Z.: ...et il est publié chez Flammarion...

Maïa Gabily et Charles Patin O'Coohoon

Zone Littéraire correspondant


Serge Joncour et Florian Zeller
Ed. Flammarion
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ISBN:
Last modified onlundi, 28 février 2011 15:50 Read 7433 times