#116 - Du 27 mars au 20 avril 2009

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Antoine Bello, parano mais presque


Une organisation secr�te tirant les ficelles de l�Histoire, le Consortium de falsification du r�el, un h�ros id�aliste, l�Islandais Sliv Dartunghuver� et le 11 septembre 2001 au centre de tout. Dans cette suite tr�s attendue des Falsificateurs, Antoine Bello, un �crivain pas comme les autres puisqu�il est multimillionaire et sarkozyste, tire le meilleur parti des th�ories de la conspiration pour inventer la sienne. Mais qui est vraiment Antoine Bello ?

Le 11 septembre prend une place toute particuli�re dans Les Eclaireurs, Sliv quitte la petite Histoire pour se colleter avec la grande... Malgr� l'�vidence de la question, je vous la pose tout de m�me : pourquoi le "nine-eleven" est-il abord� avec autant de d�tails ?

J�ai tout de suite su que le 11 septembre tiendrait une grande place dans ce livre. D�s lors qu�on retrouvait Sliv au d�but des ann�es 2000, il me paraissait impossible de ne pas en traiter. Car enfin, on ne peut pas falsifier la r�alit�, pr�tendre fa�onner l�histoire et ne pas se sentir concern� par les �v�nements du 11 septembre qui, � de nombreux �gards, marquent un avant et un apr�s : la premi�re attaque sur le sol am�ricain, le d�but officiel de la guerre entre l�Occident et l�Islam, etc. Pour autant, je tenais � trouver un angle nouveau pour raconter ces �v�nements. Je ne voulais pas que Sliv soit a New York ce jour l� et qu�il assiste aux attaques en direct. D�o� l�id�e qu�il soit au Soudan, au milieu d�une famille quasi int�griste, entour� de ses amis, mais � qui il ne peut pas r�v�ler qu�il a particip� � la cr�ation d�Al Qaida.

O� �tiez vous ce jour-l�, � la minute pr�cise o� vous avez appris pour les impacts ? Et, en tant que romancier et citoyen franco-am�ricain, qu'avez vous ressenti ? Pour la premi�re fois, la r�alit� d�passait de loin la fiction.

Le 11 septembre, j��tais � mon bureau � Paris. A 14h50, j�ai re�u un coup de fil de la patronne de notre filiale am�ricaine, situ�e sur Broadway a 300 m�tres du World Trade Center, qui m�annon�ait qu�un avion avait percut� une des tours. Elle ne savait pas encore s�il s�agissait d�un attentat ou d�un accident. Tout le staff s�est mass� aux fen�tres et a vu en direct l�impact contre la deuxi�me tour. L�, le doute n��tait plus permis. Les quarante personnes ont �vacu� les locaux et sont rentr�es chez elles � pied dans les cris et la fum�e. Ce sont ces fameuses images que Sliv voit � la t�l�vision dans les Eclaireurs. Pour la petite histoire, nos bureaux �tant si proches du WTC, ils ont �t� ferm�s pendant dix jours. Je suis retourn� a New York un mois plus tard, un peu comme Sliv qui rencontre Harvey dans le livre au mois d�octobre. Ce que je raconte est vrai : on sentait une odeur de br�l� et les d�combres fumaient encore.

Sans �tre tr�s �loign� des romans d'espionnage, Les Falsificateurs/Eclaireurs n'en est tout de m�me pas un : il n'y a pas deux camps qui s'affrontent ! N'avez-vous pas �t� tent� d'opposer le CFR � un ennemi h�r�ditaire ?

Il serait difficile d'envisager un ennemi h�r�ditaire pour le CFR dans la mesure o� il suffit de r�v�ler l'existence du CFR pour l'an�antir. Je trouve plus int�ressant de regarder le CFR se d�battre face � ses propres d�mons.

Vous n'�tes pas un �crivain comme les autres : vous faites du roman populaire avec une certaine complexit�, habitez New York, votez � droite. �crit-on diff�remment loin de Saint-Germain-des-pr�s ? Mis � part l�humour, on ne peut pas dire que le style soit votre pr�occupation premi�re... l'histoire prime-t-elle avant tout ?

L'histoire ne passe pas avant tout mais elle est clairement l'�l�ment le plus important de mes livres et j'ai toujours davantage appr�ci� les auteurs qui partageaient cette conception de la litt�rature. Pour autant, je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites sur le style. Lisez mes deux premiers livres et vous verrez que je peux accorder beaucoup d'importance au style. Je pense juste que le sujet des Falsificateurs impose un style lin�aire, tr�s lisse, presque invisible. On peut pas falsifier efficacement si l'on cherche � se faire remarquer. De m�me, il me semble qu'un style trop litt�raire d�tournerait le lecteur de la qu�te du sens, qui reste le sujet principal du livre.

On vous sent tr�s proches de Sliv... Falsificateur, est-ce un peu la vie r�v�e de Antoine Bello ? Avez vous avez rat� une carri�re de d�miurge que vous rattraperiez dans l'�criture ?

Je ne crois pas avoir (encore) rate ma carri�re de d�miurge. J'ai toujours envisag� ma vie sous le signe de la cr�ation : cr�ation d'entreprise, �criture, cr�ation d'un site Internet et d'une communaut� de membres sur rankopedia.com. Cela dit, c'est au travers de l'�criture que je me sens le plus libre.

L'Islande tient une place particuli�re dans le livre. Est-ce le c�t� "� part" � � la fois g�ographiquement et historiquement � du pays qui vous a attir� pour choisir la nationalit� de votre h�ros ? Y �tes-vous d�j� all� ?

Je ne connais pas l'Islande : je n'y suis jamais all�. De mani�re g�n�rale, je m'efforce toujours de parler de choses que je ne connais pas. J'ai parl� de la Patagonie dans les Falsificateurs mais j'y suis all� pour la premi�re fois la semaine derni�re. J'ai choisi de rendre Sliv islandais car je voulais qu'il vienne d'un petit pays et, tant qu'� faire, pourquoi ne pas choisir le plus petit ? Je voulais �galement qu�il ne soit pas marqu� par une repr�sentation du monde fran�aise, am�ricaine ou chinoise. J'ai v�cu quelques mois en Su�de et j'avais �t� frapp� de voir que les Su�dois, m�me s'ils aimaient leur pays, portaient un regard beaucoup plus frais et ing�nu sur le monde.

Vous disiez qu�"on peut pas falsifier efficacement si l'on cherche � se faire remarquer" �crire est-il donc un acte de falsification ? Un bon �crivain est-il un bon menteur ?

�crire n'est pas forc�ment un acte de falsification. Ce que je voulais dire par-l�, c'est que je tenais � une certaine ad�quation entre le fond et la forme de mon roman. Je suis Sliv. J'invente Sliv et le CFR qui eux-m�mes inventent le Timor Oriental. Sliv est tenu � une certaine neutralit� dans son style. Il me semble que, par transitivit�, cette neutralit� s'impose � moi �galement. Un �crivain n'est pas un menteur, c'est un conteur. Il n'a de comptes � rendre � personne. Mieux, il existe un contrat entre l'auteur et le lecteur : le premier raconte ce qu'il a envie de raconter et le second croit ce qu'il a envie de croire. Deux �uvres illustrent bien cette id�e : dans Le Meurtre de Roger Ackroyd, c�est � la fin que l�on d�couvre que l'assassin est le narrateur. Le lecteur est souffl� car, pendant tout le livre, il pensait "s'il �tait coupable, il nous le dirait". Mais pourquoi le ferait-il ? M�me principe dans Usual suspects. L'histoire est racont�e par Verbal Kint � le nom n'est �vident pas anodin � et � la fin, on s'�tonne que le narrateur se soit r�serv� le beau r�le !

Les th�ories de la conspiration ont toujours �t� dans l'air du temps, depuis le Protocole des sages de Sion jusqu'au 11 Septembre. Vous en �tes-vous inspir� pour Les �claireurs / Les falsificateurs ?

Je ne suis absolument pas client de ces th�ories. Le plus souvent, ceux qui les propagent sont d'une grande malhonn�tet� intellectuelle. Ils nous expliquent que Cheney et la CIA nous cachent des choses et ont sc�naris� la r�alit� alors qu'ils font exactement la m�me chose et instruisent des proc�s � charge en n'utilisant que les �l�ments qui servent leur interpr�tation. Il est �videmment n�cessaire, et m�me salutaire, d'examiner les faits historiques avec un regard critique mais il faut le faire avec une scrupuleuse honn�tet�. Ce n'est pas le cas des Messan, Bigard et autres charlatans.

Vous avez fond� Ubiqus, une soci�t� qui emploie maintenant pr�s de 400 salari�s. En quoi votre travail � la r�daction de compte-rendus de r�unions d'entreprise � vous a-t-il inspir� l'id�e de la falsification ? Vos clients doivent �tre inquiets : il n'y aurait pas de meilleure falsification que celle d�un compte-rendu !

Le m�tier de r�dacteur n'est pour rien dans la naissance du CFR. Cependant, il a puissamment aliment� les Falsificateurs et les Eclaireurs. De m�me que Sliv para�t toujours surinform� sur n'importe quel sujet, le r�dacteur Ubiqus assouvit sa curiosit� naturelle en participant � des r�unions extr�mement diverses : le lundi, il couvre la pr�sentation des r�sultats d'Axa, le mardi, un colloque sur la pollution atmosph�rique, le mercredi un symposium sur l'alop�cie androg�n�tique, etc. Chaque fois, il s'expose � un nouveau microcosme et � un nouveau jargon. Je me rends bien compte que les r�unions jouent toujours un grand r�le dans mes livres : c'est, dans les organisations, le lieu o� le pouvoir se conquiert, s'exerce et se fait renverser. Quand, comme moi vous avez assist� � des milliers de r�unions, vous apprenez � reconna�tre les jeux d'alliance, les compromis dans la formulation des motions, etc. Cela dit, je tiens � rassurer les clients d'Ubiqus. Nos r�dacteurs sont absolument impartiaux et ne s'amusent jamais � d�naturer un compte-rendu ! L'entreprise n'y survivrait d'ailleurs pas longtemps...

Avec une telle trame, vous pourriez multiplier les suites... Pourtant, quelque chose me dit que vous ne le ferez pas. Pourquoi ?

Naturellement, je pourrais �crire encore plusieurs volumes des aventures du CFR. Mais vous avez raison, je ne le ferai sans doute pas. Si j'�cris encore un opus, ce sera le dernier et il s'attachera � �lucider l'�nigme du personnage de Lena. En tout cas, cela n'arrivera pas avant plusieurs ann�es. J'ai envie d'�crire d'autres choses dans l'intervalle.

Quels sont vos projets ?
Je ne sais pas encore. Plusieurs th�mes trottent dans ma t�te mais aucun n'est assez avanc� pour que je me lance. Mes projets maturent toujours lentement. Il faut du temps pour passer d'une id�e � des personnages et � des situations.

Propos recueillis par Laurent Simon


 
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