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Labro et l�Inquiet



Stopper net le dictaphone, pos� sur la table basse de son bureau, apr�s l�entretien. Puis se risquer : � Je serais assez tent� d�intituler mon portrait Habemus Labro �. Son ami, qu�il nomme Alain M. dans Tomber sept fois, se relever huit, le tient en effet pour le garant moral du journalisme en France et l�a fait Pape de tous ces rapporteurs de la chose vue. Comme le cardinal qui, � Rome, proclame � habemus papam � � l��lection du disciple de Pierre, il conviendrait d��crire, en France, � nous avons Labro �. Et derri�re le titre se d�voileraient les images et les actions que le public conna�t de cet homme qui a v�cu. L�Am�rique d�abord, o� l��tudiant devient �tranger, apprend la th�orie du journalisme dans une universit� de Virginie, rencontre la diversit� des hommes et des femmes, abat des arbres dans les montagnes du Colorado, parcourt les routes de Kerouac, s�impr�gne d�une langue dont les structures se retrouvent dans son style et au d�tour de l�entretien (� it doesn�t matter � quand Labro n�a cure). L�Alg�rie ensuite, o� le jeune homme d�cide de partir au-devant de l�Histoire comme Norman Mailer dans la guerre du Pacifique, o� il vit ce qu�on appelait du doux euph�misme � les �v�nements �, et que l�auteur, plus tard, dans une fresque g�n�rationnelle, voudra exposer, brut, cru, nu : la guerre. France Soir, o� le journaliste d�crit et explique, r�dige et informe, dans des textes pr�curseurs de ce qu�il nommera � le journalisme litt�raire �. Le cin�ma, o� l�homme cr�e avec cette volont� de combiner le ressort de l��crit (raconter une histoire) et du journalisme (donner � voir), dans l�admiration de Melville qui s�en ira en sa pr�sence. RTL, o� le boss dirige une �quipe mais collectionne aussi les r�unions et les lignes de comptes, sachant qu�il adopte l� une posture qu�il ne voudra jamais imposture.

Et puis un tunnel blanc, o� l��tre entame une travers�e sans mettre � celle-ci de point final, dans une exp�rience de mort approch�e. � En fran�ais, cela donnerait comme initiales EMA, et [�] je m�aper�ois que c�est le mot � �me � � l�envers. Hasard� � (La Travers�e, Gallimard, p.35). Enfin une chute, un ab�me, une broyeuse � qui, au centre du ventre et de la poitrine, tourne et fouille et farfouille et fait vriller l�amertume et le doute �, dans lesquels l��tre tombe, entre septembre 1999 et mai 2001, et qu�il racontera en novembre 2003. Cette description en cascade de verbes coordonn�s (toujours l�action, chez Philippe Labro), donnant l�impression d�une r�p�tition crescendo, qui lie le physique de la poitrine et le doute de l�esprit, rel�ve d�un morceau vrai du r�cit mentionn� : Tomber sept fois, se relever huit (Albin Michel, citation p.49).

� � donc c�est insupportable �

Se risquer donc � lui soumettre ce titre, en m�lant l�attente de l�approbation et la complicit� d�un moment. \"Habemus Labro\". Il sourit, un peu amus�, un peu g�n� un peu pein�, peut-�tre ? Et se dire que ces deux mots latins n��voquent, encore et toujours, que l�ic�ne rendue par les miroirs m�diatiques, alors que l�homme vient de se d�voiler et d�expliquer son �criture, vient de reconna�tre l�isolement parfois, quand sa d�marche litt�raire n�est pas per�ue derri�re les th�mes dont s�emparent des commentateurs. Se reprendre, alors. Pour comprendre. Tomber sept fois, se relever huit s�ancre dans le travail souterrain de la douleur, qui l�exprime par des descriptions quasi-cliniques et des images plus au-del�. L�auteur de La Travers�e choisit sa comparaison : � La mort est l�arr�t des fonctions vitales. Avec la d�pression, les fonctions vitales s�arr�tent, sauf que l�on est toujours vivant� donc c�est insupportable �. D�j� le pr�fixe in- s�invite dans les paroles de Labro� on le retrouvera. La d�pression atteint l��tre dans son unique int�grit�, corps et esprit appr�hend�s de mani�re globale : � Je n�ai pas un corps, je suis mon corps ; je n�ai pas une intelligence, je suis mon intelligence ; que les c�tes souffrent traduit cette souffrance psychique �. Dans une tentative d�appr�hender s�par�ment les deux v�cus, Labro se rappelle alors le corps pris � dans un �tau � et � le magma jaillissant dans la t�te �.

Face � l�Angoisse

Mais derri�re la d�pression se cache l�Inqui�tude (toujours le pr�fixe n�gatif �in, contre lequel se dresse la lutte) et le r�cit devient introspection quand l�auteur se rem�more cet instant, sur un bateau en partance pour les �tats Unis d�Am�rique. Face-�-face avec lui-m�me, un miroir lui r�v�le sa solitude, �cho de celle du p�re, d�couverte plus tard dans une lettre : � j�ai eu brutalement la certitude du vide, la r�v�lation d�un n�ant. Une incompr�hensible bouff�e d�angoisse s�che et blanche. Une peur qui m�a saisi. � haute voix, j�ai prononc� ce mot : Papa ! � (Tomber sept fois�, p.156). All�gorie d�une d�cision : apr�s cette rencontre cruciale avec l�Angoisse et la n�gative In-qui�tude, le jeune �tudiant reconna�tra les gratte-ciel de New York qui se hissent devant lui et, au jour levant, d�cidera de se relever, de se tenir debout, d�agir : se souvenant du p�re qui lutta en silence, � c�est pour tuer [la face empoisonn�e de l�Inqui�tude] que j�ai autant boug�, autant fait, �crit, voyag�, dirig�, cr��, diversifi� � (p.157). Tels sont, en quelques lignes, sa chute la plus intime et son redressement par l��clectisme, colonne vert�brale d�une vie, pour combler une attente renouvel�e, une � insatisfaction � dans laquelle le pr�fixe n�gatif s�est �galement insinu�.

En relisant les notes de l�entretien, reconna�tre alors que le dernier ouvrage de Philippe Labro traduit en creux sa d�pression comme la pointe avanc�e de cette Inqui�tude. Le � je � de maintenant s�adresse parfois au � tu � de la p�riode mais l�auteur qui dit � je � se tourne aussi vers son lecteur, puis tend des clefs � qui veut le comprendre, lui qui sait qui il est, apr�s les �preuves, apr�s les r�flexions : � je sais d�o� viennent les choses, d�o� �a vient. Mon �a, je le connais �. Son p�re, sa m�re, sa fratrie, son besoin d�amour et de reconnaissance des deux parents, son approche de la vie comme une lutte. Et dans le pr�sent, sa femme qui a su prendre les initiatives, son fils, sa fille, pour lesquels le r�cit devient d�claration.

En lisant des livres de Labro

Mais celui qui veut lutter contre l�Inqui�tude, qui aspire donc � la qui�tude, sait que l��criture ne peut se vivre sans douleur. Philippe Labro pense donc que l�investigation intellectuelle qui fonde la psychanalyse peut st�riliser l�activit� cr�atrice, nourrie des questions et non des r�ponses. L�auteur de L�Etudiant �tranger fondera ainsi de nombreux romans sur ses trajets d�existence, ses exp�riences v�cues, mais pr�cise le ressort de son �criture : � il y a ce que l�on sublime en tant que romancier [�] et il y a la v�rit� v�cue � l�instant [�]. La nostalgie dore la parure � (p.209). Dans cette mise en fiction de la r�alit�, il jouera avec le r�el et le cr�� : � ni vrai, ni faux mais v�cu � (Malraux, La Condition humaine). Le v�cu restera la matrice de ses �uvres � pr�s de la peau � (expression que Philippe Labro emprunte � Fran�ois Nourrissier), que l�on ouvre Des Feux mal �teints o� se m�lent m�moires d�une p�riode et autofiction, ou ce qui put appara�tre comme une fiction pure, Manuella. �mois d�une adolescente de quinze ans, le roman puisait ses sources dans la r�alit� d�un adolescent - l�auteur peut-�tre - racont�e dans Quinze ans.

Le style s�est progressivement �pur�, � tel point que les adjectifs et les adverbes furent chass�s du pr�sent r�cit, de l�aveu m�me de l�auteur. Alors qu�une des t�ches de ce r�cit �tait de chercher comment d�crire la d�pression, le lecteur pouvait s�attendre � la mise en sc�ne de cette prospection, dans des successions de mots tendues vers le bon terme. Mais s�il reconna�t avoir jou� avec certaines accumulations d�adjectifs dans ses premiers romans, qualifiant par exemple des passages de L��tudiant �tranger de � for�t de sens, de couleurs, de mots et d�adjectifs �, Philippe Labro pr�cise qu�il recherchait alors la musique des mots, priorit� dont les derniers sujets ont impos� l�abandon. Lire le raccourcissement des phrases, la disparition des pl�onasmes souvent d�lib�r�s, et entendre cependant le m�me rythm�n�blues, dans l�amour avec April � joue contre joue, bouche contre oreille, [�] respirant nos peaux, nos cheveux, la nuque, la naissance de l��paule � (L��tudiant �tranger, Folio, p.111) et dans le mal de vivre renvoy� par un autre miroir, o� l�on se sent � regard� par du vide et du noir, l�absence de toute humanit�, de toute gr�ce, toute croyance � (Tomber sept fois�, p.45).

Mais reconna�tre l�unit� d�une plume � ses constantes, comme cette �criture de rupture, inspir�e de techniques de Godard, quand Philippe Labro quitte la syntaxe acad�mique pour celle d�une autre langue (l�anglais) ou d�un autre art (le cin�ma). Une telle cassure coupe le lecteur quant aux portraits des parents succ�dent, au d�but du chapitre 25, pour mieux renouer avec la difficult� crasse du quotidien, les mots secs : � Le Prozac, cette saloperie [�] n�a rien donn� �. Et d�celer les th�matiques parcourant toutes les �uvres, comme cette notion de la pr�carit� de l�existence, si pr�sente dans ce roman qui contient les trames de tous les autres : Des feux mal �teints. Comme l�inqui�tude trouve son paroxysme dans la d�pression, cette fragilit� se d�voile brutalement dans le suicide, ses tentatives, et son obsession, qui noircissent chaque roman de Labro qui, face � la mort, sait qu�une puissance autre est mais se � refuse � l�appeler Dieu �. S�bastien, avant de rencontrer la fatalit�, s��tait so�l� d�interrogations sur les modalit�s pour adoucir, peut-�tre, l�affrontement, dans un passage foisonnant aussi po�tique que minimaliste : � Est-ce que cela se passerait dans une maison pr�s de la rivi�re [�] Ou bien sur le sommet d�une colline? [�] Et quand cela se passerait-il ? En hiver, en �t�, au printemps ou en automne ? En janvier, en mai ou en septembre ? [�] Et quoi ? � (Des feux mal �teints, Folio, p.298-299). Plus tard, en �cho, le temps restera question : � �tait-ce le mois de mai ? � (Tomber sept fois�, p.173)

Au stylo, sur de grandes feuilles de papier bleu ciel

Et surtout, avec l�observateur sensibilis� � sa n�cessit� de voir pour (d)�crire, regarder. La peinture behavioriste de personnages crois�s ou invent�s, souvent all�gories de caract�res ou de conditions sociales, permet � l��crivain de marquer sa filiation : on rencontre aussi bien Lumi�re (au nom si proche de cette clart� recherch�e dans la ligne ou dans les termes) ou Franklin Gidden, S�bastien ou Manuella, et on se rappelle la filiation revendiqu�e d�Ernest et de Victor.

Reprendre ses notes pour un portrait, r�agencer, relire et parfois, comme Philippe Labro retrouve une notation sur son carnet qu�il tient r�guli�rement (Tomber sept fois�, p.153), reconsid�rer ce que l�on a appris. R�diger, d�sormais � l�ordinateur, alors que Philippe Labro �crit au stylo sur de grandes feuilles bleu ciel achet�es dans la boutique o� se fournissaient Proust et Colette, un portrait. Et, pour �tre vrai dans l��criture, pour sugg�rer l�intime d�une lutte sur soi, titrer : � Labro et l�Inquiet �.

Olivier Stroh



L\'entretien de Zone : Labro conna�t tout le monde...

 
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Grégoire Hetzel 
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