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La grande � bouche molle

 La grande � bouche molle
Philippe Jaenada
Juillard
Prix éditeur
19.67 francs
317 pages
© Juillard , 2001

"Il y a ceux qui entrent dans le wagon comme des b�liers en col�re. Sans laisser � ceux qui descendent de descendre, ils se ramassent sur eux-m�mes, serrent les dents, baissent la t�te (� la fois pour percuter plus efficacement les trop mous qui leur barreraient le passage et pour ne pas risquer de croiser le regard agac� ou �tonn� de leurs victimes (la moindre pause dans leur course vers le bonheur (le strapontin), le moindre balbutiement en r�ponse � "Vous pourriez vous excuser, non ?" risqueraient de leur faire perdre de pr�cieuses fractions de seconde au profit d'un b�lier moins scrupuleux, mieux entra�n� � la p�n�tration en milieu humain)), ils chargent � l'aveuglette et foncent contract�s vers une place assise. Si un obstacle se pr�sente, ils ne le contournent pas, ils poussent, ils poussent, jusqu'� ce que l'obstacle s'�carte en haussant les sourcils et en secouant la t�te avec d�go�t pour laisser la boule de rage opini�tre poursuivre sa route de peine. Le paradis atteint, le b�lier s'assied tr�s vite (on ne sait jamais, une anguille peut surgir de nulle part) et, n'assumant pas son comportement ridicule, continue � regarder par terre pour d�samorcer les regards accusateurs qui l'�pinglent. On devine qu'il a honte mais ne peut s'emp�cher de jubiler : " Vous aimeriez l'avoir, hein, mon strapontin ? Trop tard ! Vous vous �tes bien moqu�s de moi quand je fon�ais, mais maintenant vous vous en mordez les doigts, vous donneriez n'importe quoi pour �tre � ma place. Il fallait vous r�veiller plus t�t ! " Alors qu'�videmment tout le monde s'en fout. En de rares et �mouvantes occasions, deux b�liers touchent au but exactement en m�me temps (le plus souvent, l'un des deux a quelques centim�tres d'avance sur l'autre et cela suffit � lui assurer la victoire : il passe l'�paule et se d�m�ne comme un forcen� pour faire suivre le reste du corps en agitant furieusement la t�te). Lorsque deux adversaires, que ni le chronom�tre ni la position plus ou moins avantageuse du corps ne peuvent d�partager, se retrouvent devant une place vide, c'est le drame. Dans un premier temps, ils se refusent � admettre l'impossible. Ex aequo ? Non... Toujours t�te basse et poings serr�s, chacun des opposants pousse nerveusement contre l'autre, en grognant dans sa t�te et en se tortillant dans l'espoir insens� de se faufiler ou de trouver un point faible dans la carapace de l'ennemi, afin de le d�s�quilibrer et de s'ouvrir une br�che vers le strapontin. Ils donnent toutes les forces et l'�nergie qui leur restent au bout du chemin. Quel spectacle ! Mais, au fond d'eux-m�mes, ils savent bien que c'est vain. Cette fois, l'obstacle est de leur trempe, il ne s'effacera pas comme ces rigolos qui encombraient le terrain pr�s des portes. C'est un professionnel. Le combat est dans une impasse. C'est alors que les b�liers doivent se r�soudre � faire ce que ne fait jamais un b�lier : lever la t�te. Et l�, tout va tr�s vite. Durant une ou deux secondes, ils se regardent dans les yeux, sans bouger un cil, tendus � l'extr�me. C'est poignant. Mais la d�cision se fait tr�s vite. Les deux rivaux sont d'une force �gale, mais psychologiquement, il n'en va pas de m�me. Il ne faut qu'un court au instant au plus timide, au plus peureux, pour percevoir la puissance et la d�termination qui brillent dans le regard de son bourreau. Il ne demande pas son reste, s'�carte aussit�t, et doit aller se m�ler piteusement aux g�ants debout qu'il a percut�s en entrant, tandis que le vainqueur, arrogant et s�r de son droit, s'installe sur le strapontin comme un roi. Oh ! comme le b�lier vaincu fait peine � voir ! Il est seul au milieu de ceux qu'il consid�rait comme de minables quilles � bousculer, et qui le d�visagent � pr�sent avec m�pris, ricanant de sa mis�re. Il n'a pas fait le poids, mentalement. Un regard l'a terrass�. Il est faible, veule, rong� du matin au soir par le doute, malgr� sa force physique. G�n�ralement, les b�liers sont des femmes de cinquante � soixante ans, ou de petits messieurs au cr�ne d�garni."

Philippe Jaenada



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