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06

Jan

2008

Le point sur Madelaine
Écrit par Laurence Bourgeon   
Madelaine Delisle, couturière talentueuse, est désormais âgée. Victime d’une curiosité acrobatique, elle chute de son balcon. Un saut suffisamment long pour se remémorer sa vie et nous la faire défiler le temps de ces pages, sous toutes ses coutures…

Lorsque Madelaine fait son entrée dans le monde, elle ne semble rien avoir à envier à Cosette. Si elle n’est pas directement maltraitée, sa mère l’est certainement. Malade et délaissée par son mari, elle meurt alors que Madelaine est encore toute jeune. Son père l’abandonne à son tour aux mains de religieuses. Hors de question néanmoins pour Madelaine de s’enfermer dans la bigoterie ni de s’apitoyer sur son sort puisqu’elle cherche à tout prix à éviter de reproduire la soumission maternelle. Son passage au couvent ne fait donc que durcir son caractère et la conforter dans l’idée qu’elle est différente des autres. Cette ténacité à la marge sera d’ailleurs le marqueur de sa vie pour de nombreuses années. Elle gagnera en effet la confiance de madame Volladier, couturière à Limoges, dont les apprenties fuient habituellement l’ire au bout de quelques jours. Car, bien vite, elle s’échappe du couvent et prend la voie de l’apprentissage. Demeurant insensible aux mots durs, elle développe son imagination et attise sa créativité à la vue des gravures et photographies de modes amassées dans le grenier de sa propriétaire. Des passages touchants au cours desquels on a l’impression de feuilleter ces revues des années folles avec le même plaisir que la jeune fille tellement les descriptions soignées et le vocabulaire précis permettent à ces évocations visuelles de surgir des pages.
Mais plus encore que par ces dessins, c’est par le regard des clientes qu’elle apprend : en appréhendant le changement, la joie qui s’instille dans leurs yeux lorsqu’elle parvient à les transformer grâce à une savante création couturière. Apprivoisant coutures, points et tissus, c’est cette lueur qu’elle va désormais chercher à faire surgir en s’appliquant à chaque modèle.

Robe, jupe, corset, caraco, soie, mousseline, satin…

Passé cette période d’apprentissage et refusant toute forme de stagnation pour elle-même comme pour les autres, elle décide de quitter ses « petites » clientes de la « petite ville » de Limoges friandes de « petits métrages » et de tenter sa chance dans la capitale afin de se permettre enfin de penser grand.
Soudain, alors que son existence semblait quelque peu déconnectée des événements historiques, l’actualité la rattrape : la seconde guerre mondiale éclate. Mais là encore, elle semble comme en retrait, tellement les créations et la vie de son atelier l’absorbent. Si elle connaît ce conflit, c’est plus à travers les restrictions de tissus et la sollicitation croissante de vêtements confortables pour ces dames qui assurent les arrières en prenant le relais des hommes envoyés au front, qu’elle le perçoit. Loin des champs de bataille, Madelaine y trouve une source de stimulation de sa créativité, contribuant à sa manière à l’effort de guerre. Cette dernière la rattrapera néanmoins en la personne de Tadeuz, son deuxième amour après la couture : jeune médecin rescapé des camps de concentration, joyeux à ses heures mais hanté par les images noires de la déportation… Ce qui le mènera à rechercher les voies d’une entrée en politique.
Loin de tout cela, Madelaine s’obstine à créer des modèles toujours plus pratiques et plus confortables. Plus que tout, elle abhorre l’artifice inutile et l’engoncement. La cliente est reine, mais elle lui doit beauté et allure. Non pas comme une forme de soumission mais bien au contraire comme un service. A sa petite échelle, elle se voit comme investie d’une mission envers la condition féminine : sans slogan ni poing levé, asservir le tissu au service de la liberté des femmes. L’aspect ne doit jamais le céder au confort.
Bien que refusant toute instrumentalisation ou implication politique, le parcours de Madelaine, qui croise les chemins des plus grands créateurs de la mode française du XXè siècle, illustre ce balancement permanent du statut de la haute couture entre création presque artistique, voire porteuse de revendications citoyennes – notamment pour la femme - et son adéquation, ou non avec la vie quotidienne. Madelaine se verrait presque comme la moins macabre des Parques, telle une Clotho qui tisse ne serait-ce que certains fils des destinées humaines, pourvoyeuse de confort et d’un joyeux superflu. Un rôle qu’elle prend tellement à cœur qu’elle a tendance à négliger sa fibre maternelle, comme si le trop-plein d’affection qu’elle porte à ses créations textiles la privait de la disponibilité pour accomplir son devoir filial… En témoignent les énumérations de tissus et de tenues, emplies d’une délectation comparable à celle que l’on peut éprouver devant une vitrine de pâtisseries.
Dressant un portrait de femme à la fois tendre, moderne et intransigeante, Claire Wolniewicz nous dévoile l’envers des paillettes d’un univers que l’on ne connaît souvent que fugacement au travers des défilés et qui ferait presque regretter l’ère du prêt-à-porter.

Laurence Bourgeon

Le temps d'une chute
Claire Wolniewicz
Ed. Viviane Hamy
160 p / 15 €
ISBN: 978-2-8785









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