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01

Déc

2007

Ecrire des images
Écrit par Julien Canaux   
Ecrire des images… Pour Ilan Duran Cohen, c’est dans la boîte ! On avait aimé son film, La confusion des genres (2001) : une œuvre à part, sur les méandres du désir et la difficulté d’aimer. Et dans Les Petits fils, film sorti en 2004, Duran Cohen faisait la part belle à la sensibilité… Ecrivain, réalisateur : derrière la plume de l’auteur, et sous la casquette du cinéaste, se cache une vraie nature enjouée. On s’amuse alors à rapprocher l’art du roman et celui du long-métrage, et on accède à la nature d’un artiste généreux… A l’aube de la parution de son dernier roman, Face aux masses, l’auteur-scénariste-réalisateur revient sur les mécanismes de son écriture et se confie, humblement et avec humour, sur les relations qui unissent forcément l’écrit et l’écran. La littérature et le cinéma, deux orientations d’un même désir ? A l’image ou sur le papier, peut-on tout écrire, tout montrer ? La réponse se trouverait-elle dans l’expression « film d’auteur » ? Eclairage et entretien, sans projecteurs…

Ecrire un roman, monter un film… Deux expressions différentes d’une même volonté artistique ?

Pour moi, le scénario n’est pas une forme d’art… Ce n’est pas quelque chose de fini, c’est intermédiaire, c’est comme un plan pour faire un film. Le film, lui, est une forme d’art – si tant est qu’on arrive encore, aujourd’hui, à faire un film «artistique», ou un «film d’auteur». La vraie écriture, à partir du scénario, se fait surtout dans la mise en scène, et dans le montage… Le scénario, ce n’est donc qu’un élément technique du processus. Lors du tournage, les comédiens peuvent ensuite donner du relief à la phrase… Dans le roman, ce qui donne du relief, c’est le lecteur : avec toute son imagination, ses fantasmes, il se fait son propre film. Et finalement, le lecteur devient son propre metteur en scène. Un roman ouvre beaucoup plus de champs à l’imagination !


L’écriture du roman serait-elle bien plus satisfaisante que l’écriture d’un script ?

Je me considère plus comme écrivain que comme cinéaste… Quand je mets en scène, je sens bien que je ne suis ni Coppola ni Scorsese ! Ma force, je pense, est de savoir diriger les comédiens : et ça, bizarrement, je le tiens de l’écriture des livres. Approfondir des personnages par la psychologie… Quand on écrit un livre, on a en tête le lecteur – même si on n’écrit pas pour lui. J’écris par nécessité, et non par obligation… Je ne fais d’ailleurs jamais rien de créatif par obligation. J’ai mis cinq ans pour réécrire un livre (depuis Mon cas personnel, sorti en 2002). Pour moi, sur le plan créatif, il est bien plus facile de faire un film que d’écrire un bouquin : pour un film, vous vous entourez des meilleurs, c’est une équipe. Et là, vous vous retrouvez « face aux masses »… Dans l’écriture d’un livre, je ne pars jamais d’une idée « physique » ou visuelle d’une scène. Je pars plutôt d’une envie d’exprimer quelque chose, d’un sentiment, d’une idée. Dans Face aux masses, c’était une envie d’exprimer un sentiment face à l’époque que je vis. Pour un film, je peux partir d’un personnage, d’une envie purement visuelle...

Dans le roman, vous faites preuve d’une grande liberté : jusqu’à critiquer, à travers l’humour, notre société pourrie de marketing… Déconstruire l’ère de la consommation : un rêve que vous nourrissez ?

Je pense que ce serait une utopie totale de vouloir la déconstruire… La liberté de l’écrivain, c’est de poser des questions, et de s’adresser à certains thèmes sans forcément vouloir tout casser. Je ne suis pas un homme politique ; ce qui est bien, c’est par exemple de mettre le doigt sur la consommation telle qu’elle est aujourd’hui et d’illustrer le tout de façon fictionnelle. Je suis moi-même un hyper-consommateur ! J’adore acheter, dépenser… L’espace du roman n’est pas un essai, ou un pamphlet politique. On a de plus en plus peur d’écrire des romans qui ne soient pas dans la mouvance de ce que les gens pensent… Il ne faut pas avoir peur de la création. Et puis je suis tout sauf un activiste : j’aime simplement dire ce que j’aime et ce que je n’aime pas… D’ailleurs, en tant que réalisateur, et si je schématise, c’est parfois un peu trop ça : on est assis dans un fauteuil et on dit « ça j’aime », ou « ça, j’aime pas ». (Ilan Duran Cohen esquisse un grand sourire.) En gros, les meilleurs travaillent pour vous et vous, vous dirigez en disant oui ou non…


Dans Face aux masses, on est à la fois dans l’humour et la lucidité. Vous définissez-vous comme un auteur engagé ?

Oui, le roman est engagé, mais encore faudrait-il que je sache moi-même vers quoi ! Mis à part vers l’indépendance, vers la liberté de s’exprimer et de créer… Le grand enjeu d’aujourd’hui se joue d’ailleurs là-dessus : car comment arriver à exister, à s’exprimer pleinement face aux choix des « masses » ? Face à l’opinion ? Je suis engagé là-dessus : car tout ce qui est intellectuel et créatif est trop souvent suspect, et donc marginal. On se retrouve ensuite avec tout ce qui est fait pour plaire à la masse : alors que non, la masse n’a pas forcément raison. Dans le cinéma, c’est sûr qu’il faut plaire aux masses : le cinéma, c’est le risque zéro. Alors que le roman ne coûte rien, le cinéma coûte hyper-cher. Heureusement, grâce à l’écriture, je sais tendre vers des films qui ne coûtent pas très cher… J’ai donc une liberté d’expression. De toute façon, je ne souhaite pas faire un transfert vers un grand cinéma public et multiplex. Ce n’est pas quelque chose que je sais faire.


Dans le roman, le personnage du jeune stagiaire, Jonquille, est un peu comme le symbole d’une jeunesse désenchantée… Et si l’on prend l’un de vos films, La Confusion des genres, on trouve aussi des personnages qui sont comme atterrés par la vie…

Jonquille, c’est la jeunesse qui ne veut pas perdre face, qui a peur de se tromper, qui ne s’engage pas, ou qui s’engage sur des questions de l’ordre de : « Est-ce que j’appartiens à la masse ? Est-ce que je suis à l’extérieur de tout ça ? » Il se complait dans le doute, l’androgynie, la passivité… (Un silence.) Mais c’est vrai, je pense être très très proche de Jonquille. C’est aussi une constante dans tous mes bouquins : je déplore que tout doive être défini, classé et rangé dans un tiroir… Mes personnages sont toujours un peu en marge de la définition. Avec le recul, c’est ce qu’il y a de commun à mon « œuvre » (petite grimace d’humilité). Mes personnages ne sont pas vraiment « atterrés », peut-être sont-ils surtout dépassés… Ils n’y arrivent pas, quoi, malgré leur bonne volonté ! Ils ne savent pas par quel bout prendre la vie, ni comment s’engager… Ils font toujours tout de travers. Ce sont des dyslexiques existentiels… Mais bon, ils font des efforts.

Dans Face aux masses et dans La Confusion des genres, les répliques font mouche : l’art du dialogue est-il majeur ?

C’est un travail sur le rythme et les sonorités… Le dialogue, ce n’est que de la sonorité et du rythme. Cela doit être très proche de la réalité telle que je l’entends dans la vie. L’art du dialogue, c’est le plus difficile. Je ne cherche pas à plaire : ni au lecteur, ni au spectateur. Il faut que ça me plaise à moi, comme quelqu’un qui composerait une musique. Je cherche la justesse, et le sens de la justesse, tout le monde l’a. La question n’est pas de se mettre à la place du lecteur, mais de savoir interagir avec quelqu’un en face… La difficulté, c’est de ne pas écrire des machins lisses et débiles qui serviraient à communiquer avec tout le monde !


Quelques mots sur le désir… Désir frustré, désir frustrant, de toutes les orientations sexuelles : dans votre œuvre, il est partout !

Chez moi, à l’image, le désir est toujours très cru. Sur le papier, il est beaucoup plus subtil, moins frontal, plus intimiste. Moins dans la souffrance, aussi : quand je passe à l’écran, visuellement, c’est moins charnel et plus « dans l’obligation de ». Dans les livres, le désir est beaucoup plus… jouissif. Quand on écrit, on reste dans le fantasme. A l’écran, finalement, on ne fait que montrer…


Sur le tournage des Petits fils, vous avez complètement réunifié l’écriture du roman et celle du scénario. Sur ce film, vous avez même évoqué le fait « d’écrire des images » !

A cette époque, je voulais écrire un bouquin et je n’y arrivais pas. Je n’avais pas envie. Mais je voulais faire un film, aussi, et j’avais une histoire, il y avait un scénario. J’ai tourné pour la première fois en caméra DV, et ça m’a permis de tourner en permanence, sans avoir le carcan du scénario initial que l’on doit mettre en images… J’écrivais aussi pendant que je tournais ! Je soufflais aux comédiens des phrases à dire, des choses s’ajoutaient… L’expérience a été très libératrice par rapport au processus de mise en scène. Pour les deux films qui ont suivi, j’ai beaucoup plus appliqué ce que j’ai appris en faisant Les Petits fils qu’en faisant La Confusion des genres, qui était plus académique, finalement. Pour Les Petits fils, il y avait cette grand-mère et son petits fils, et ils étaient tellement fabuleux, tellement beaux… C’est vrai que j’aurais pu en faire un bouquin ! Mais ils étaient tellement dramatiques visuellement que ça ne pouvait appartenir qu’au film de fiction.


Et si vous deviez faire le « pitch » de votre dernier film, Le plaisir de chanter, dont le tournage s’est achevé cet été ?

C’est une comédie d’espionnage, sur fond de troisième guerre mondiale, où les corps, les âmes, et surtout les voix, se débrident… (Grand éclat de rires) Ça, c’est du pitch ! Ça me ressemble !


Face aux masses le 4 janvier 2008, chez Actes sud.

Julien Canaux


Ilan Duran Cohen
Ed.
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