Rencontre avec Élisabeth Butterfly

Interviews
Moi, écrivaillon amateur et journaleux, j'ai rencontré Elisabeth Butterfly, écrivaine et journaliste professionnelle, pour lui faire faire une expérience étrange : sa première interview. Pour un premier livre Lolita Go Home. Compte rendu d'une expérience très "première fois".


L’intrigue de votre roman se passe à Cambridge, où vous avez fait des études de Science Politique. C’est une sorte de vengeance personnelle ?

Pourquoi une vengeance ? L’année que j’ai passée là-bas était agréable et studieuse. Elle ne ressemble pas à ce que je décris. La ville de Cambridge est avalée par le campus, tout y est pensé pour les études. Dans Lolita, go home ! j’ai fabriqué un univers romancé en accentuant la façon dont les étudiants sont enfermés dans leur propre sujet de recherche, et ne parviennent pas à en sortir, à communiquer avec les autres. Ce confinement devient alors poétique.
Par ailleurs, je voulais me moquer de cette université dont les Anglais sont si fiers. Et s'il existe de nombreuses satires de la société française, il n'en existe pas de la "bonne" société anglaise qu'incarne si bien l'Université de Cambridge. Cet aspect du roman, cette réappropriation, insolente, d'une tradition typiquement anglaise de satire sociale, type Oscar Wilde, a beaucoup plu à Florent Massot, mon éditeur.


Votre style est à la fois sérieux et ironique, inquiétant et léger, une sorte de « Club des cinq » pour adultes, c’est ce que vous vouliez écrire ? « Le club des cinq en troisième cycle »

Le style fait entièrement référence à Nabokov, tout en évitant que le lecteur qui ne connaît pas Nabokov soit gêné dans sa lecture. J'ai ainsi puisé dans ses métaphores décalées, dans sa façon de tutoyer le lecteur, dans ses provocations sociales. C’est pour cela que le style est à la fois recherché et léger, mais reste avant tout un pastiche.

Votre titre : « Lolita, go home ! », est aussi celui d’une chanson bien connue. Est-ce un heureux hasard ou bien un mariage forcé entre Nabokov et Gainsbourg ?

C’est un mariage forcé. En utilisant le concept erroné Nabokov = Gainsbourg, il s'agit d'évoquer les souffrances d'une jeune femme face aux stéréotypes sociaux, et ici, d'une française. Car, malgré nos efforts, malgré l’Europe, les barrières culturelles tiennent solidement.
C’est un constat d’échec, car ce n’est pas parce que « Lolita » a fait Cambridge que Cambridge lui a transmis une culture élitiste internationale, "européenne". C'est pourquoi elle rentre chez elle, en France. Heureux hasard, le titre de cette chanson est en anglais, accentuant le paradoxe.

Combien de temps avez-vous mis à l’écrire ?

J’ai mis un an, il est même parti une fois entièrement à la poubelle.

Comment ça à la poubelle ?

L’écriture demande beaucoup de travail, la structure d'un roman est en perpétuelle évolution. De plus, j’ai essayé de ne laisser que les passages essentiels, de ce fait le roman n’est pas très épais. J’ai enlevé quasiment 150 pages, la concision étant mon objectif.

Dans votre roman, il n’y a pas de sexe, c’est anti-commercial non ? Etait-ce volontaire ?

Oui. D'une manière générale, toute la littérature qui utilise et revendique le sexe m’effraie. Ce qui ne m'empêche pas de m'intéresser à une littérature érotique, plus sensuelle.
Dans Lolita, il y a un côté charnel qui se substitue au sexe, on entrevoit des rapports ambigus entre les personnages. J’aime bien suggérer et le lecteur imagine ce qu’il veut. J’aime l’idée de réserve sexuelle ; lorsque le sexe est exhibé, je trouve que ce n’est plus intéressant. Mai 68 est terminé depuis bien longtemps, et il faudrait s’en rendre compte. Pour résumer, j’ai voulu faire quelque chose de suggestif et pudique.

Et le deuxième ? Sera-t-il aussi divertissant, caustique et chaste ? Ou bien allez-vous, vous aussi, faire semblant de vouloir choquer pour vendre plus ?

Mon travail est un travail de long terme, de réflexion. J’essaie de trouver un style en adéquation avec le propos de mon livre, avec son univers. Ainsi j’aime beaucoup Corto Maltese pour cela, je voudrais entraîner le lecteur dans des univers qui ne lui sont pas familiers. Je voudrais qu’on puisse ouvrir mes livres pour passer un bon moment et réfléchir sur le monde. Je cherche à ce que mes romans transportent, transcendent, sans ennuyer pour autant, et en toute modestie ; d’où le style léger. La lecture doit avant tout être une chose plaisante. Et un roman n'est pas un traité de philosophie.

alexandre Millet


Elisabeth Butterfly
Ed.
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Last modified onlundi, 04 mai 2009 21:41 Read 4308 times