Toutes pour une

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C’est à regret que Zone-Littéraire manque généralement de temps pour évoquer l’écriture théâtrale. Mais quand l’auteur est jeune, talentueuse, et publie sa première œuvre, on peut se mobiliser pour que sa parole soit entendue par le plus grand nombre.

De formation littéraire et théâtrale, Nadia Xerri-L., 35 ans, écrit et met en scène ses propres textes. Actes Sud-Papiers a publié en avril sa première œuvre, un triptyque constitué de trois courtes pièces, construites comme autant de moments de la vie d’une (jeune) femme.
Comme Sofia Coppola au cinéma - qui souhaitait avec Virgin Suicides, Lost in Translation et Marie-Antoinette, mettre en images trois stades du sexe faible, de la jeune fille à la jeune femme – Nadia Xerri-L. s’intéresse à l’être féminin, à sa façon de ressentir, de s’exprimer, ou de se taire, bref, à son intimité.

Dans son triptyque, deux femmes blessées se partagent la première et la dernière affiche. Tout d’abord Ava, qui dans Solo d’Ava, est la jeune femme veuve. Son monologue s’ancre dans la détresse de la perte, de l’après-Lui et finit par questionner les convenances : est-ce obscène d’avoir toujours le goût de la nourriture quand on a perdu celui de la vie ?
Boîtes et solitudes abrite le personnage de la jeune femme quittée. Bien sûr, elle souffre : elle le dit ; elle se souvient d’Eux : il lui répond parfois – une des voix de son esprit perdu ; elle attend (des)espérante un retour : il ne reviendra pas.
Entre ces soliloques, deux jeunes femmes, deux sœurs qui s’affrontent et s’adorent, se séparent et se retrouvent. L’Une de l’autre (joué au théâtre de la Villette à Paris en mai dernier) est un pur moment de bonheur. Revenues dans la maison familiale à l’heure de l’héritage, Lila et Dahlia se rappellent l’enfance et règlent leurs comptes avec tendresse. Qu’il est parfois dur à vivre l’amour filial, qu’ils sont souvent difficiles à tenir ces rôles d’aînée et de cadette... Mais le plus intenable finalement n’est-ce pas la vie l’une sans l’autre ?

Dans cette première œuvre, la langue travaillée et vivante nous séduit, son ton alternativement tranchant ou lancinant, sa traversée régulière par d’heureuses références musicales. Toujours poignante, la fêlure commune est là qui s’exprime ou se devine mais la vie ne disparaît pas. Comme autant de visages de la féminité, ces quatre jeunes femmes sont un peu toutes les femmes et aucune à la fois, comme si les multiples éclats féminins qui les composaient ne l’étaient que d’une façon, propre à chacune. Gageons que Nadia Xerri-L. ne souhaitait pas viser à l’universalité de ses héroïnes mais à leur humanité. Pari réussi. A quand les hommes ?

Maïa Gabily

L'Une de l'autre
Nadia Xerri-L.
Ed. Actes Sud
90 p / 15 €
ISBN: 02980592
Last modified onmercredi, 24 juin 2009 23:46 Read 3653 times