Tempête sous la Coupole

Enquêtes


Depuis le 10 mai 1981, Valéry Giscard d’Estaing s’ennuie.

Successivement futur chef de la droite française, futur candidat à un retour à l’Élysée, futur Talleyrand au Quai d’Orsay, futur Président de l’Europe unie, Giscard n’en finit pas de s’imaginer un avenir. Aujourd’hui, il voudrait donc ajouter une nouvelle teinte aux trois couleurs républicaines devant lesquelles, en 1974, il était si fier de poser pour la photographie royale… pardon présidentielle. Mais l’ancien chef d’État ne pouvait pas choisir le rose (trop socialiste), l’orange (trop service de téléphonie mobile) ou le jaune (trop vaticanesque). Son choix se porta donc sur le vert, celui de l’habit des Immortels.

Mais certains de ceux-ci devinrent verts de rage à l’annonce de cette nouvelle. Et le débat politique alors s’invita dans le sanctuaire des lettres : jeudi 13 novembre 2003, dans le Figaro littéraire, le secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie française Maurice Druon dénonçait ainsi une candidature plus politique que littéraire. Giscard a eu beau envoyer son projet de constitution pour l’Europe aux locataires du Quai Conti, on ne peut s’empêcher de se rappeler que le même homme avait commis un roman aux passages platement érotiques (Le Passage), loin des Mémoires d’espoir de De Gaulle, ou même de La Paille et le grain de Mitterrand. Et même si les écrivains ne sont pas les seuls à siéger à l’Académie, et même si Pierre Messmer occupe déjà le fauteuil n°13 et Roger-Gérard Schwartzenberg brigue le siège de Georges Vedel, et même si Giscard laissera sûrement une marque européenne dans l’Histoire, sa candidature semble être celle d’un homme en quête de reconnaissance, au moment où l’honneur d’être le premier « Président » de l’Europe unie semble s’éloigner, et alors qu’il semblait avoir laissé entendre au Conseil constitutionnel (où il peut siéger de droit en tant qu’ancien Président) son arrivée prochaine.

Et l’on se souvient aussi que Valéry Giscard d’Estaing pose sa candidature au fauteuil de Léopold Sédar Senghor, aux funérailles duquel Jacques Chirac et Lionel Jospin n’avaient pas daigné se rendre, trop pris (peut-être) par leurs campagnes électorales. Un ancien Président de la République pour succéder à un écrivain dont la mort fut presque oubliée par cette même République ? Et Valéry Giscard d’Estaing s’était-il rendu, lui, aux funérailles de Sédar Senghor, au Sénégal ?

Olivier Stroh



Zone Littéraire correspondant



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