Comme elle respire

Chroniques
Comme elle respire ...elle est
Elle ment... comme elle respire. L'héroïne du premier roman de la jeune romancière américaine Julianna Baggott, Lissy, est une ado déjantée dont la langue n'en finit pas de fourcher.

Issue d'une union dont on ne sait jamais qui est le géniteur, l'enfant avance à travers les faux-semblants et mensonges des adultes dont l'imprégnation la pousse à agir de la même façon.

Pygmalion revisité par les caresses trompeuses du monde des sous-entendus, Lissy a quinze ans quand elle voit son père se faire la malle avec une jeune guichetière rousse, Vivian Spicy.

Mais il n'y pas de haine ni d'animosité farouche entre l'ado rebelle et perdue et la maîtresse qui court, éperdue, dans les bras de son vieux beau. Presque une attraction pour celle qui parvient à vivre selon les lois de la passion. Cet artifice relationnel qui fait fonctionner le roman sur le mode tendu de la répulsion inachevée et de la séparation élégiaque entre la gamine et son père est suffisamment désinvolte pour teinter l'histoire d'une vitalité revigorante.

Par principe, la jeune femme qui introduit la faille dans un amour vieux de trente ans nous fait horreur. La levée collective des valeurs, l'acharnement à mettre en avant ses jambes de gazelle devant les rides de la quadragénaire aigrie a tendance à soulever l'aiguillon de notre désapprobation. Mais Lissy, narquoise et sombre aussi, ne s'abandonne pas à dépecer les amertumes de sa mère.

Elle les entend et les prend avec elle, les com-prend. Elles deviennent des sœurs, des amies, des alliées dans ce tourbillon de la vie américaine privée de repères. La relation entre la mère et la fille emporte tout. Si pure. Si forte. Si l'une ou l'autre avait été un homme, elles se seraient probablement désirées. Même si des secrets resteront bien gardés de bout en bout, les âmes des deux femmes de ce roman se cogneront les unes dans les autres avec le clapotis de la fusion et un peu de tristesse au bout.

Tristesse d'imiter la vie de sa mère. Elle avait eu Lissy avec un Anthony Pantuliano fantasque et absent. Lissy, elle, aime Peter un homme marié puis Church. L'un des deux deviendra le père de son enfant.

Maladresse d'un premier roman, peut-être, mais fraîcheur d'un tempo de mots frénétique, et simplicité émouvante d'un élan de vie dans cette histoire de salauds que les jeunes filles fuient pour se réfugier dans les bras de leurs mères.



Céline Mas

Comme elle respire
Julianna Baggott
Ed. Flammarion
302 p / 20 €
ISBN: 2080679643
Last modified ondimanche, 28 août 2011 19:43 Read 1672 times

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