#116 - Du 27 mars au 20 avril 2009

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C'est pour offrir ?

 C�est pour offrir ?
Ronald Curchod et Benoît Reynaud
L�Ampoule
Prix éditeur
19.00 euros


C��tait entendu. Depuis le Nouveau Roman, ultime et supr�me contestation du roman balzacien, l�intrigue et l�illusion donn�e au lecteur de VIVRE � et non pas de lire � une histoire reprenaient leurs droits dans la litt�rature fran�aise. Depuis les derniers et �nigmatiques Soubresauts (1989) de Beckett, au texte d�pouill� � l�extr�me, l�histoire revivait. Et l�on vissa l�Ampoule (ci-dessous, retrouvez notre article Ces �diteurs qui montent !). Et l�image, et les textes, et la typographie revinrent d�sar�onner le lecteur, pourtant bien tranquille dans sa position assise et dans sa lecture passive.

Dans tous les sens

Publi� aux �ditions de l�Ampoule, C�est pour offrir ? interpelle, d�s son titre, le lecteur. V�ritable OLNI (Objet Litt�raire Non Identifi�), l�ouvrage use de la m�taphore de la bo�te pour �voquer le livre mais se pr�sente comme un cadeau. � la question du titre, Beno�t Reynaud, auteur des textes, et Ronald Curchod, cr�ateur des images, r�pondent donc � oui �. Mais alors, � ce cadeau, � toi, lecteur, de rendre la monnaie de la pi�ce ! H�ritiers du sociologue Marcel Mauss, qui �tudia les actes de don et de contre-don, Reynaud et Curchod demandent � celui qui tient leur livre entre les mains d�agir, c�est-�-dire de d�celer les r�f�rences litt�raires, de d�couvrir les �uvres qu�ils se sont amus�s � pasticher ou dont ils se sont inspir�s (r�ponse en fin d�ouvrage), d�appr�hender les textes dans leurs diff�rentes typographies� Exercices sains pour nos cerveaux lents par ces temps de torpeur estivalo-caniculaire !

� �crire �, � lire � et � le livre � deviennent donc dans cet OLNI un don, son contre-don et une bo�te, objet du don. Le lecteur (donataire) remercie alors l�auteur (donateur) de lui avoir offert son livre � lire (le don ou la bo�te) en comprenant ce que celui-ci veut dire� comparaison malicieuse dans cette publication de l�Ampoule qui se fonde sur une approche s�miotique de la litt�rature, c�est-�-dire sur l��tude des signes, du langage et des processus de signification. La s�miologie fran�aise �tant fond�e sur un syst�me binaire signifiant/signifi� (rappelez-vous vos cours de philo de terminale sur le langage : toute notion se fonde sur ce que l�on veut dire � la chose qui pousse dans les champs avec un tronc et des feuilles � et ce qui permet de le dire � le mot � arbre � - ), l�image de la bo�te subsume toute la th�orie en une g�niale m�taphore : le contenant rec�le un contenu que l�auteur veut vous offrir, le livre contient un/des message/s qu�il vous faut d�couvrir gr�ce, notamment, aux images amplificatrices de sens.

Dix-sept textes embo�t�s

La d�marche s'applique � ce que vous tenez entre les mains : dix-sept textes s��talant chacun sur une page enti�re format � paysage � (dans le langage � Propri�t�s de l�impression �). Dix-sept textes monomaniaques car ne traitant que de bo�tes, chacun mari� � l�image � d�une bo�te, qui occupe quand � elle la page paire de chaque couple de � textimage �. Le premier texte, par exemple, se fonde sur le premier vers d�un po�me de Mallarm�, po�te connu pour employer des mots images plus �vocateurs que descripteurs (� La chair est triste, h�las ! et j�ai lu tous les livres �). S�adressant directement au destinataire du texte, � l�image de Butor dans sa Modification, il demande au lecteur de s�approprier l�objet, en un sens d�en �tre aussi le cr�ateur : � lui de comprendre les jeux de sonorit�s li�s au champ lexical du cadeau (� Caisse donc ? Coffret vous ? �, � �crin-�cran-d�crit � qui, par les traits d�union, vise � ne faire de ces trois id�es qu�un seul signifi�). Pas �tonnant -�trange- et tourdissant que Quignard (laur�at du Goncourt 2003), qui a toujours cherch� � porter la langue � ses possibilit�s extr�mes de rompre avec le d�j�-dit, devienne alors une r�f�rence.

Parodie de petite annonce c�toie alors pastiche de jeu t�l� autour de ce que peut comporter une bo�te-myst�re (le schmilblick est-il un �uf� ou sa version fl�trie, son image parodi�e ici : une noix ?). Questionnaire de Proust d�tourn� et exercice de math�matiques succ�dent � un texte sur No�l, moment symbolique des cadeaux sous le sapin qui trouvent leurs traductions rassembl�es dans l�image d�une bo�te verte � �pines. M�taphore bien sentie de la petite lettre marqu�e dans un coin, sur le papier cadeau, pour d�terminer le destinataire du don : all�gorie de la s�miotique o� le signe d�note une r�alit�, donne un indice quant � une situation donn�e.

�gal aboutissement dans le texte consacr� � la disparition p�recquienne du E, avec un dialogue entre deux personnages sur-excit�s (aux antipodes du Bartleby de Melville, toujours tent� de dispara�tre et mod�le pour un Perec toujours int�ress� par l�absence au monde), une multiplication des situations d�action, des paroles surnum�raires (la fameuse � racontouze � de Perec)� Mais la r�f�rence au texte premier s�amplifie d�une augmentation de sens permise par la mise en page et par l�intervention de l�image, dans une application directe du projet �ditorial de tous les livres des �ditions de l�Ampoule. Ainsi le dessin figurant sur la page adverse au texte pr�sente une bo�te trou�e qui sc�narise ainsi la disparition du E du livre originel mais n�est pas sans rappeler que � peretz � en h�breu signifie � trou �, trou par lequel la lettre s��vada pour cependant r�appara�tre dans l�espace typographique du texte, puis dans le texte suivant qui s�accorde les m�mes outranci�res tricheries avec l�orthographe que le roman originel et n�utilise que la seule voyelle retrouv�e : � Elle qe berce qelqe spleen s�v�re �. Et l�image de l� encore servir le sens d�un texte sexuellement connot�, � l�image des Revenentes de Perec : deux bouts d�un lombric noir �mergent d�une bo�te emplie d�eau et c�est l�interrogation : � Exemple ? Sexe dress� ? Fesses serr�es ? �

Simples questions parmi les nombreuses, les jubilatoires, les foisonnantes interrogations que l�on arrive � se poser soi-m�me face � un dessin �nigmatique, pour comprendre l�articulation de l�image et du texte, pour d�celer la transformation de la r�f�rence aux nombreux textes supports, invit� que l�on est � aller les lire ou les relire pour ensuite revenir au travail d�orf�vre des auteurs de C�est pour offrir ? Quignard, Rimbaud, Proust, Mallarm� Perec, Dante, Breton�. la Bible, Butor, Queneau� une notice de magn�toscope, une sc�ne de No�l, un exercice de maths� Curchod, Reynaud, des images, des polices de caract�res� le tout dans une bo�te� On vous l�emballe ?

Olivier Stroh



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