#112 - Du 14 octobre au 05 novembre 2008

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Xavier Houssin en interview




Xavier Houssin, r�dacteur en chef adjoint � Point de Vue, s'est �loign� des rois et des reines pour signer un premier roman (?),La Balade de Lola. A dix-sept ans, il publiait une plaquette de po�mes, mais � dix-sept, reprend-il avec humour, "On n'est pas s�rieux". N� en 1955, il lui fallut attendre encore quelques ann�es et un coup de fatum (en lequel il croit profond�ment) pour �crire l'histoire d'un p�re qui revient sur la mort de sa fille. Houssin, "papier sur le coin de la table de cuisine et pied sur un fauteuil Louis XV", nous parle de sa marelle litt�raire (� lire pour vous en convaincre), moderne et poignante.

Pour aborder un th�me aussi lourd, il fallait un d�tonateur... Qu'est-ce qui vous a pouss� � �crire ce livre ?

Il vient de quelque chose que je porte en moi depuis longtemps. Il a fallu que je rencontre mon �ditrice et qu'elle me tire par le ventre pour pour que le texte sorte. J'avais des notes, j'avais travaill� mon sujet, mais sans le destiner r�ellement � un livre. David Rousset, dans Les Jours de notre mort [Ramsay, �puis�, ndlr], raconte une anecdote � l'�poque des camps. En vidant une chambre � gaz, un jeune commando retrouve une petite fille vivante : elle �tait rest�e dans une bulle d'air form�e par le corps de ses parents. Ce r�cit m'avait boulevers�, et quelques ann�es apr�s, il y eut cette histoire de la premi�re victime de la guerre du Golfe. On racontait qu'une fille isra�lienne �tait morte �touff�e par un masque � gaz que ses parents lui avaient serr� trop fort. Bref, j'ai vite compris que les enfants �taient toujours en premi�re ligne. Pendant ce temps, ma fille, 18 ans, allait atteindre cet �ge o� l'on part de la maison. Alors j'ai revisit� son enfance. Et quand on pense � la mani�re d'�lever un enfant, on agit dans ce paradoxe o� l'on lui livre des choses plaisantes tout en ne cessant de le faire participer � notre fantasme de pr�vention.

Vous ne pensez pas qu'il faille confronter un enfant � une r�alit�, certes parfois terrible, plut�t que de le prot�ger � outrance ?

J'ai beaucoup de mal � s�rier les choses, � th�oriser l�-dessus. Les enfants ne sont pas innocents, c'est s�r. Ils ont leur propre fonctionnement, leur acuit�, et devant des situations difficiles, ils se font leur personnalit�. Ceci dit, il reste en eux une part de magie. Je pense souvent � ce truc de Lewis Caroll, dans la pr�face de L'autre c�t� du miroir, souvent mal traduite d'ailleurs, o� il dit que nous ne sommes que des enfants vieillis qui pleurent le soir avant d'aller dormir. On porte le deuil d'une enfance qui doit durer jusqu'� neuf, dix ou douze ans, qui s'efforce � croire ce qu'on lui raconte. A cet �ge, on habille la vie avec de couleurs diff�rentes, et c'est terrible, les gens qui arrachent �a � l'enfance. Peut-�tre que c'est une vision archa�que, mais les �tapes sont � respecter. Les Pharisiens, qui sont en apparence "clean" mais en v�rit� des pourritures, jurent que si vous faites du mal � l'un de leurs petits, il vaut mieux que vous damner parce que vous serez jet� en enfer. D'une mani�re g�n�rale, violer l'enfance, c'est intol�rable.

Pourquoi ne pas �tre pass� par le roman pur ?

Je voulais commencer � raconter des trucs autour de mon histoire - �a reste quand m�me une histoire -, autour d'autres personnages, la m�re... mais cela me parassait d'une fausset� absolue. La narration, souvent, casse la v�rit�. A l'inverse, dans les ann�es 80, un roman posthume, Un tablier rouge de Michel Henin [88, Actes Sud, � ne pas confondre avec Le Tablier rouge, d'Alberto Vigevani, 1994, Rivages, ndlr], m'a boulevers�. C'est l'histoire d'une petite fille tuberculeuse dans un sanatorium qui comprend qu'elle va mourir. Il y a une v�rit� dans le style : c'est �crit avec des pauses, de vrais blancs dans le texte, qui correspondent � sa respiration difficile. En ce qui concerne La ballade de Lola, c'est une vraie fiction, mais pas un roman. Pour moi, un roman, c'est avec des personnages, une construction, etc..., et dans la structure qui s'est impos�e � moi, ce n'�tait pas un roman. Dans les ann�es 30, l'�diteur aurait trouv� un truc � mettre, mais �a ne se fait plus. D'ailleurs, j'ai l'impression qu'on n'�crit plus vraiment de romans. Sans doute est-ce tr�s difficile d'en �crire aujourd'hui...

C'est un peu provocateur, comme propos...

On �crit plus d'histoires que de romans. Les gens racontent leur vie, �a ne me d�range pas, mais ils appellent �a "roman" et �a me g�ne. Ils jouent avec �a et �a me para�t malhonn�te et hasardeux. C'est pour cela que je sens que je dois me justifier par rapport � �a, m�me si ce n'est pas un vrai probl�me.

Vous qui �tes critique litt�raire, quelle id�e avez-vous de la litt�rature aujourd'hui ?

La litt�rature que j'aime aujourd'hui, c'est celle qui est dans la v�rit� - quand j'ai dit �a, j'ai l'impression de ne pas avoir dit grand chose. Disons que la v�rit�, ce n'est pas la v�racit�. Je pr�f�re �tre dans ce qui ne s'est pas vraiment pass�, mais en restant au plus proche des �motions pour les transmettre. Et si pour La Ballade de Lola, plein de gens l'ont lu en se demandant si l'histoire m'�tait arriv�e, c'est que j'ai du mettre des choses beaucoup plus personnelles que je pensais.

Personnelles, mais � la fois universelles, si l'on en juge le ressenti ?

Ce livre est cathartique, mais en dehors de ma propre histoire, j'ai vu que beaucoup de parents s'associaient � �a. Un mois avant son accident vasculaire c�r�bral, Truffaut [1932-1984, ndlr] entend l'histoire d'une fille morte d'un accident vasculaire c�r�bral, elle aussi, �crivant � ses parents "C'est la chose dont j'ai eu le plus peur toute ma vie". Je ne sais pas comment on peut l'interpr�ter, mais La Ballade de Lola est une mani�re de dire : "Voil�, ce sont les choses dont j'ai eu le plus peur jusqu'ici."

Parlons de votre style. Le journalisme a-t-il influenc� votre approche de la litt�rature ?

C'est un peu compliqu�, mais le journalisme m'a donn� de la libert� dans l'�criture. Dans le journal assez particulier o� je travaille, j'ai toujours gard� le choix des sujets que je traitais. Point de Vue, c'est du papier sur le coin de la table de cuisine avec le pied sur un fauteuil Louis XV. Entre les deux, il y a un intervalle absolu. Il est lu par des gens tr�s diff�rents, mais sans les prendre pour des imb�ciles. Et au niveau de la culture, on ne va pas raconter des �neries. Moi, j'ai toujours voulu �crire, et le journal me paraissait le plus simple pour gagner ma vie en �crivant. Cela n�cessite une distance par rapport au monde et une rapidit�. C'est comme un devoir qu'il faut faire, avec tant de signes... c'est une forme quasi oulipienne, et �a lib�re. Quoiqu'il arrive, j'ai toujours �crit. Toujours jet�, aussi.

Propos recueillis par Ariel Kenig


 
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