#112 - Du 14 octobre au 05 novembre 2008

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Entretien avec Beno�t Duteurtre


Pourquoi avoir �crit ce livre ? D�ou vient-il ?

Ce livre est li� � plusieurs exp�riences, ou plut�t au rapprochement de plusieurs exp�riences. Il y a d�abord des �l�ments de mon adolescence au Havre, des souvenirs du port d'o� les bateaux partaient vers New York. Plus tard, je suis all� � New York et j�y ai retrouv� certains �chos : le port transatlantique, les paysages du Havre peints par Claude Monet au Metropolitan Museum. Il y avait pour moi comme un jeu de correspondances entre ces lieux. Mais c'est aussi un jeu de correspondance avec Paris, la ville ou l�on "monte" quand on est un jeune havrais, la ville de l'esprit "moderne" qui a longtemps inspir� New York. Mon livre est une r�verie et une fantaisie autour de ces lieux-l�.

Tu parles beaucoup de la modernit�

Oui, j�ai une th�orie sur la modernit�. La modernit� �tait � l�origine un ph�nom�ne d�affranchissement, de lib�ration, de d�couvertes extraordinaires. Mais elle s�est transform�e en un syst�me oppressant et ferm� sur lui-m�me. Et pas seulement dans l�art. Dans le domaine techniques par exemple. Au d�but, la voiture, l'avion offraient la possibilit� de se d�placer davantage, de voyager, d�aller plus vite, etc. Aujourd'hui, cela n'est plus qu'un syst�me de surproduction. Le monde est noy� par les voitures. L'indusrie du tourisme est devenue la n�gation m�me de l�id�e de voyage� Il y a dans mon livre un regard sur cette banlieuisation g�n�rale et sur ce qu�est la France aujourd�hui. Un pays qui vit dans une esp�ce de cassure entre son discours culturel et sa r�alit� si banale.

N�est-ce pas un regard en r�action ?

Non. Je ne cesse d�expliquer que je n�aime qu�une chose dans l�esprit moderne, c�est l�esprit de libert�, de contestation, d�insolence. Ce que je n�aime pas, c�est la modernit� �rig�e en syst�me. C�est ce que j�attaque dans mon livre, la modernit� incontest�e et imp�rative.

Alors que r�ponds-tu � l�imp�ratif irrationnel de Rimbaud : Il faut �tre absolument moderne ?

D'abord, j�ai toujours pr�f�r� Verlaine � Rimbaud� Rimbaud, c'est la r�f�rence oblig�e, ses po�mes sont placard�s dans le m�tro, on lui consacre des sites et des t-shirts et en faisant cela, on se croit "absolument moderne". Les pseudo-artistes imitent continuellement ce qui a d�j� �t� fait un si�cle plus t�t en s�imaginant qu�ils font quelque chose de nouveau. On fait du Marcel Duchamp en �tant persuad� que c�est � absolument moderne �. Pour moi, c�est absolument acad�mique. Aujourd�hui, il me semble plus insolent, en litt�rature, d'oser un vrai r�cit des temps modernes que de jouer �ternellement avec le langage et la d�construction.

Que t��voque le terme de vaudeville ?

J�aime assez cette tradition. D�ailleurs, j�ai �crit un livre sur l�Op�rette pour montrer qu'Offenbach et ses successeurs ne sont pas des ringards, mais des insolents ! Ce n�est pas par hasard non plus si j�ai appel� mon premier roman L�amoureux malgr� lui, en r�f�rence � Moli�re. Je me suis toujours senti proche de cette tradition qui regarde la soci�t� avec ironie, cruaut� et all�gresse, plut�t que d�une tradition plus noire et plus s�rieuse. Tous les grands romanciers que j�aime ont une sorte de g�nie comique : Balzac, Maupassant, Proust ou C�line. L�art du roman et le regard ironique sont li�s dans leur essence.

A cette dimension vaudevillesque, tu ajoutes aussi le fantastique. Est-ce qu�on peut vraiment parler du r�el et de la modernit� avec ces formes ?

Dans Le voyage en France, j�ai voulu pratiquer tous les degr�s de narration, de l�autobiographie pure jusqu�au fantastique pur, en passant par l�auto fiction et le conte. Ce livre est presque construit comme une suite de nouvelles, ou du moins comme quelque chose d�interm�diaire entre le roman et la nouvelle. Je voulais que chaque chapitre soit autonome, mais que l'ensemble forme un r�cit coh�rent dont la construction ressemble un peu � la forme de l�existence, sans v�ritable but, mais avec une diversit� d'�pisodes.

Tu as quelques mots durs pour la litt�rature narcissique et f�minine�

Oui. Voil� encore une vieille resuc�e du si�cle. On nous dit que c�est compl�tement nouveau, ce ton radical, cette veine exhibitionniste. Moi, je ne trouve pas �a nouveau du tout. Et m�me si c��tait nouveau, il me semble que cette litt�rature ne conduit pas tr�s loin. Ce go�t de l�introspection, de la psychologie, ces confessions sexuelles sont d'une terrible monotonie... Effectivement, c'est une litt�rature en grande partie f�minine, mais pas seulement. Il y a souvent derri�re un discours de revendication extr�mement agressif envers les hommes. Aujourd�hui, selon les Catherine Breillat, ce serait aux femmes d�exprimer leur violence et aux hommes de s�excuser pour les souffrances du pass�. Moi, je ne me sens pas coupable du pass�, et je n'ai pas de compassion pour les souffre-douleur. Je n�aime pas ce pour quoi elles �crivent. J�ai une conception beaucoup plus ludique de l�art.

Et toi, alors, pourquoi �cris-tu ?

Il y a une phrase de Beckett : � bon qu�� �a �.

C�est une fa�on un peu facile de r�soudre la question, non ?

C�est vrai. J��cris parce que je crois � la possibilit� du plaisir litt�raire. Aujourd�hui, le monde de l'art est envahi par les discours, il se commente sans fin lui-m�me, avec beaucoup de s�rieux. Il tourne autour de la question, comme pour oublier que les ressorts du plaisir litt�raire restent toujours un peu les m�mes : le r�cit, les personnages, l'humour, l'intrigue... Personne n'a le courage de mettre la main dans cette p�te l� � qui constitue pourtant le propre de l'art du roman et peut nous conduire � la jubilation.

Donc jubilation ?

Oui.

Et qu�est-ce que tu penses personnellement de ton roman ?

Ah ! Forc�ment, j�y suis attach� puisque c�est le dernier que j�ai �crit. En un sens, c�est mon plus vieux projet, un livre tr�s important pour moi. Mais rien ne dit que les projets les plus ambitieux donnent forc�ment les meilleurs livres ! J'esp�re, mais ce n�est pas � moi de juger.

Propos recueillis par F.Z.


 
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