#102 - Du 01 septembre au 20 septembre 2007

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Les Miscellan�es de Mr Berr�by


La maison Allia f�te ses 25 ans. Il en aura fallu moins � G�rard Berr�by, son fondateur et directeur, pour effacer la marque de c�ramique sanitaire du m�me nom et assoir une maison d��dition au catalogue de plus de 400 titres. D�ailleurs Allia en latin ne signifie t-il pas � diff�rent �. Entretien�

A pr�s de 25 ans, � quoi ressemble Allia aujourd�hui ?

Allia est comme un label de disques. On ne conna�t pas un nouveau groupe qui sort un album, mais on se dit que la maison en a sorti d�autres qui �taient bons, donc il faut le d�couvrir. �a, c�est vraiment important. Il y a un travail de connexion qui am�ne les lecteurs � un autre domaine qu�ils ne connaissent pas.

Comment avez-vous construit cette maison ?

A la cr�ation d�Allia, en 1982, j�ai publi� un volume. D�s 1992, j�ai publi� douze livres par an pour passer ensuite � 15 puis 20 et 25 tr�s vite. Il y a une existence juridique de la maison depuis 25 ans mais l�existence r�elle se situe plut�t en 1990 quand j�ai publi� un premier in�dit, Le Temps du sida, de Michel Bounan. Les choses se sont faites au fur et � mesure, mais je n�avais aucune ligne sinon celle de publier ce que je voulais. Editer � travers Allia reste une d�marche personnelle tout � fait subjective et une d�marche entrepreneuriale. Il y a beaucoup d��diteurs sur la place, qui font un tr�s bon travail, mais qui sont des �diteurs salari�s. Quand on est salari�, on se doit de maintenir, � travers sa politique �ditoriale, un certain nombre d��quilibres internes et externes � la maison d��dition. Ici, je le dis d�une mani�re un peu provocatrice, c�est le r�gne du n�importe quoi. Je n�ai pas d��quilibre � r�aliser. La question �conomique est primordiale, mais je n�ai pas � chercher de consensus avec qui que ce soit. C�est comme je veux, avec les auteurs que je veux. Quand on pense qu�en France, 60 � 70 % des ouvrages sont publi�s � travers un syst�me de r�seaux, de cooptations, de relations�Je ne suis pas capable de faire quelque chose si je ne le sens pas. C�est tr�s injuste mais il y a des gens dont la plume ne me revient pas. Quand j�acquiers les droits d�un Nick Toshes qui �crit Hellfire, la biographie de Jerry Lee Lewis que je fais traduire, je ne dis pas qu�il a fait un travail de recherche philologique extr�mement rigoureux, mais il a une �criture compl�tement hallucin�e qui me fait plonger.

Publier des textes aussi vari�s tout en gardant une grande coh�rence dans le catalogue est-il viable ?

Evidemment je suis confront� au probl�me de l�argent. Je n�ai jamais compris la s�paration, typiquement fran�aise, entre les choses nobles et les choses vulgaires, entre les choses propres et les choses sales. C'est-�-dire les livres et l�argent. Pour �tre tr�s clair, il n�y a chez moi aucune s�paration. Je trouve que les probl�mes d�argent ne sont absolument pas sales. Etre �diteur, c�est �tre commer�ant. Si on veut �tre un �diteur ind�pendant, il faut avoir une capacit� commerciale. Vendre un livre est quelque chose de tr�s important. J�ai pour mission de trouver des lecteurs aux livres que j��dite. Par exemple, pour Ars Grammatica, de David Bessis, je me bats comme un lion et au final cet excellent livre trouve son public.

Quelle est la politique d�Allia en ce qui concerne ses auteurs ?

Chez Allia, on refuse de publier un auteur qui a d�j� �t� publi� dans une autre maison. A une ou deux exceptions pr�s, mon catalogue contemporain n�est constitu� que d�auteurs dont j�ai �dit� le premier livre. Et je suis d�cid� � syst�matiser cette politique. Les contrats sont tr�s simples, ce sont les contrats de la Soci�t� des Gens de Lettres. Il n�y a pas d��-valoir � la signature du contrat. Je ne signe que sur manuscrit achev� et pour un seul livre.

Ce qui est plut�t in�dit dans l��dition�

Certains vont dire que chez Allia, ce sont des escrocs, ils payent mal� Evidemment, quand je prends une premi�re traduction, je la paye moins cher que celle d�un traducteur confirm�. La deuxi�me un peu plus ch�re et � la troisi�me, il rejoint le tarif normal. Pourquoi ? Parce que lorsqu�on a affaire � une premi�re traduction, il y a un travail de relecture voire de r��criture � effectuer et c�est �galement l�occasion de lancer les traducteurs.


O� vous situez-vous par rapport aux maisons sp�cialis�es dans les textes philosophiques ? Comment voient-elle le succ�s d�Allia ?

Quand on publie Leopardi ou Pic de la Mirandolle, on constate l�opposition fonci�re, th�orique et analytique, intellectuelle et morale avec ce que font les autres. Nous essayons de montrer les choses de mani�re diff�rente, simplement on ne fait pas de d�claration publique, on publie des livres. Par exemple, il y a quelques ann�es, nous avons publi� un sinologue suisse, Jean Fran�ois Billeter, qui n��tait absolument pas connu. Et puis cet auteur a commenc� � prendre du poids, nous avons naturellement publi� ses deux livres suivants. Je le retrouve un jour et il me dit qu�il y a un sinologue fran�ais qui commence � l�agacer. Mais qu�on ne peut rien dire sur lui puisque Fran�ois Jullien est une institution. Quelques mois plus tard nous sortons Contre Fran�ois Jullien. Ce dernier choisit de r�pondre dans un livre, sans finesse aucune, et passe � c�t� de la pol�mique. Cette r�ponse para�t dans la collection L�Ordre philosophique au �ditions du Seuil, dirig� par Barbara Cassin et Alain Badiou. On s�aper�oit que le travail de publication sur la philosophie chinoise que nous faisons s�oppose � celui d�une certaine intelligentsia parisienne. On a choisi Jean-Fran�ois Billeter presque en contrebande et maintenant �a fout un bordel pas possible sur la place. Il doit y avoir quelque part quelque chose de pourri l�-dedans pour provoquer de telles r�actions...
Revenons � Leopardi : quand on a publi� Zibaldone, la pr�face faisait dix pages et �tait faite par un jeune homme de 30 ans, Bertrand Schefer. A l��poque, on nous a dit qu�en principe, pour faire cette pr�face, il fallait prendre le directeur du d�partement italien de la Sorbonne. Ecrire une pr�face, ce n�est pas un pr�texte au couronnement d�une carri�re.

Vous incarnez une opposition � la mainmise de certains universitaires�

Je publie un livre de Marx, Critique de l��conomie politique qui est un texte de jeunesse. Dans les ann�es 60, des institutions comme Althusser, Ranci�re, Balibar se proposaient de � lire le Capital � en le ch�trant de la premi�re partie du chapitre consacr� au Caract�re f�tiche de la marchandise. Partie qui servit � Guy Debord pour forger sa notion de � spectacle �. Ces gens voulaient enlever ce chapitre pour pr�senter un Marx adulte d�barrass� des influences h�g�liennes� On leur trouve une certaine autorit�, des positions que nous tentons de faire tomber. Je ne d�clare de guerre � personne mais je veux faire les choses autrement.

Faire les choses autrement c�est aussi lancer une collection d��crits philosophiques � faible co�t ?

Quand on a commenc� � faire entrer dans la collection � 6,10 � des textes philosophiques, on nous disait que pour ces textes, il n�y avait plus de lecteurs en poche et qu�il fallait les vendre � 40 �. C�est le cas pour Giordano Bruno : on a publi� deux trait�s traduits du latin, in�dits en fran�ais. Quand Les Belles Lettres �ditent les �uvres de Giordano Bruno � 50 et 60 �, nous, nous les sortons � 6,10 �. R�sultat nous les avons vendus � 7 000 et 5 000 exemplaires. Tout comme il est possible de sortir un premier roman � 6,10 �.

Comment enrichissez-vous votre catalogue de titres aussi riches que Melville ou Miller tout en faisant un coup �ditorial avec les Miscellan�es ?

Quand je vais acheter les droits d�un livre � l��tranger et que je vois qu�il y a d�autres �diteurs, je me retire. Ce qui m�int�resse par-dessus tout c�est de faire des choses que les autres ne font pas. Il faut innover. Et puis il ne faut pas oublier qu�on �dite aujourd�hui des livres pour les nouvelles g�n�rations. On ne fait pas les livres comme on les faisait il y a trente ans. Editer c�est �galement comprendre son �poque, capter les aspirations. Ce qui forge la conscience du m�tier d��diteur, c�est le courage. Le courage de se mettre � dos des institutions enti�res. Le vrai travail intellectuel passe par cette bataille. En ce qui concerne les Miscellan�es de Mr Schott, quelle surprise �a a �t� sur la place quand on a vu un �diteur comme moi le publier. C�est une baffe aux maisons habitu�es aux best-sellers.

Que pr�parez-vous pour la rentr�e de septembre ?

Nous sortons un premier roman, P�le sang bleu, d�Aliz� Meurisse, une jeune auteur de 21 ans. Nous publions �galement L�agent de liaison, le deuxi�me roman tr�s ambitieux et tr�s r�ussi d�H�l�ne Frappat. Au mois d�octobre nous poursuivons avec les Miscellan�es culinaires de Ben Schott. Je sors une traduction in�dite d�un futuriste italien qui s�appelle Arnaldo Ginna, Les Locomotives avec des chaussettes. Et puis on s�aper�oit qu�on a publi� �galement le Code de Perel� de Palazzeschi et Sam Dunn est mort de Bruno Corra. Avec ses trois �uvres, on se rend compte qu�on a les trois romans futuristes italiens qui ont compt�. C�est la m�me chose avec la musique, on a publi� un livre puis deux et aujourd�hui, avec quinze titres, on a tous les grands rock critiques anglo-saxons, � part Lester Bangs que je ne souhaitais pas faire. Tout ce qui para�t depuis en musique est int�ressant mais moindre. Parce que nous avons les meilleurs.

Photo: �Val�rie Goin

Propos recueillis par Charles Patin O'Coohoon


 
Françoise Bourdin
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Leonora Miano
Gérard Berréby
Ariel Kenig
Begaudeau, Bertina et Rohé
Karine Tuil
Emmanuelle de Boysson
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