#112 - Du 14 octobre au 05 novembre 2008

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Rencontre avec Eric Pessan


Entretien avec Eric Pessan

Les d�buts de l�histoire d�amour litt�raire ?

Depuis toujours. Je ne me souviens pas des d�buts, d�sol� Information insuffisante ?

Oui !

Alors je peux simplement dire que d�aussi loin que je me souvienne, j�adore lire� J�ai commenc� par la SF (on m�a pass� une caisse enti�re de livres de SF, et j�ai commenc� � les d�couvrir pour mon propre plaisir � peu pr�s en 6e). Le passage entre fiction et SF s�est fait gr�ce � un Borges, � un Garcia ; des auteurs qui ont repris des th�mes d�j� exploit�s en SF et qui les ont gliss� ailleurs, dans un autre mode...

Parlons Borges, que vous citez au moment o� le personnage principal parle de sa hantise du grand nombre�

Pierre parle de lui � cet instant, et pas vraiment de la hantise du grand nombre. Plut�t de la place de l�autre vis-�-vis de sa propre histoire. Cet individu se pose des questions sur sa situation allong�e, devient un r�ceptacle de sa m�moire et se rend compte que nous sommes tous parasit�s par cette m�moire familiale, par une m�moire du pass�. Et � quoi bon prolonger une m�moire qui ne nous appartient pas ? Que transmettre � nos enfants de nouveau, qui ne soit pas une stricte continuation du pass� ? Lorsque l�on a des enfants, on leur donne tant de fant�mes�

C�est la psychog�n�alogie qui permet de d�passer tout �a�

Alors peut-�tre que mes personnages en auraient besoin !

Qu�est-ce que vous aimeriez transmettre � vos enfants ?

Je n�aimerais pas leur transmettre mes d�fauts, c�est �vident. Je veux simplement qu�ils puissent construire leurs propres vies, s�ils pouvaient �tre b�tement heureux� S�ils pouvaient comprendre qu�il est possible � tous de construire des choses ! Oui, ce que j�aimerais leur donner, c�est simplement l�envie d��tre heureux. Je ne peux pas leur transmettre le bonheur, mais le d�sir de rester conformes � qui ils sont, de poursuivre leurs objectifs personnels.

Ce d�sir de s�allonger et de ne plus bouger ?

C�est se mettre en cure, une cure de l�ouverture. Surmonter les fant�mes du pass� n�est possible que dans ce moment-l�. Pierre n�est pas dans le refus, il n�est pas coup� du monde contrairement � ce que l�on peut penser� Et puis en fait, peut-�tre qu�il n�existe pas ! Peut-�tre que la situation est invent�e par son �pouse ! On ne sait pas s�il est vraiment l�. C�est ce que j�ai essay� de raconter dans le d�nouement� Cette suspension d�activit� n�est que le moyen qui permet de revenir sur soi. L�action n�est pas que th��trale. Pour moi, Pierre devait ne plus �tre l� pour vivre des choses, pour vivre un pr�sent et surtout un pass�.

Vous construisez le livre sur deux modes : int�rieur (la perception de Pierre sur le monde) et ext�rieur (le regard du monde sur Pierre).
Selon mes premi�res id�es, seul le regard ext�rieur devait intervenir� Mais cette appr�hension m�a sembl� assez limit�e au bout d�un moment. J�ai donc employ� le Il, le Je, et cela m�a permis d�avoir plusieurs points de vue qui virevoltent, qui entrent et qui sortent de Pierre.
J�ai l�g�rement chang� de projet en cours de route, mais je ne pr�vois jamais rien heureusement� Un livre se travaille et se retravaille sur le temps� Le projet �volue toujours. Je ne veux pas �crire de mani�re programmatique ; et L�effacement du monde n�a pas vraiment d�termin� les orientations de Chambre avec gisant m�me si l�ensemble aurait finalement pu constituer un seul gros livre.

Rupture ou continuit� avec L�effacement du monde ?

Les deux ! Mais le premier est beaucoup plus passif que le second. Dans Chambre avec gisant, mon personnage choisit de � s�effacer �� Pierre a une volont�, que l�on ne comprend pas, mais une volont�.

Tous deux s�effacent par le mot. Vous-m�me, vous travaillez dans la communication, avec les mots puisque vous �tes dans la radio. Un exorcisme ?

Non, je ne pense pas. De plus, pour moi, la radio n�est pas vraiment un moyen de communication. M�me si j�y fais aussi des interviews. Mais je rencontre tant de gens avec qui je n�arrive pas � dire grand-chose� parfois il n�y a aucune communication ! Parler avec des gens, �a n�est pas communiquer !

Malgr� tout, Pierre parvient � communiquer avec ses enfants autrement que verbalement.

Ils restent connect�s � lui, mais plus ils grandissent et plus ils int�grent des normes de communication. Le parler est bloqu�. Vis � vis d�H�l�ne, Pierre dit quelque chose en ne disant rien. On peut se passer des mots pour dire des choses, vous savez !

Oui, enfin j�aurais du mal � vous interviewer par gestes�

Pierre ne s�y prend pas de la bonne fa�on sans doute.

H�l�ne est un personnage extraordinaire�

C�est ce que l�on me dit souvent. Pourquoi n�a-t-elle pas mis le feu au lit avant ?

Et pourquoi son agressivit� se manifeste-t-elle si tard ?

Elle est un personnage infiniment respectueux, elle tente d��tre dans la compr�hension plus que dans le jugement. Et elle perd patience et douceur � deux moments, elle s��nerve lors de la sc�ne du cutter et lorsqu�elle tire le lit de Pierre sous la fen�tre pour qu�il prenne froid. Elle se doit d�exploser, mais dirige sa violence contre elle au final� il est tellement difficile d�exprimer une agressivit� contre quelqu�un qui est dans la vuln�rabilit�, dans la faiblesse� Elle lui montre par la m�me occasion jusqu�o� elle est capable d�aller�

Il me semble d�ailleurs qu�elle est plus vex�e de n�avoir su anticiper la r�action de Pierre, que par la r�action elle-m�me�

Tout � fait. Je voulais simplement dire que dans tout couple subsiste des zones d�ombre sur l�autre, et que cela est parfois difficile � admettre� Il existe une n�cessit� pour chacun de se cacher certaines choses, et le couple essaie d�occulter cette n�cessit� l�� heureusement qu�il y a du secret entre deux �tres ! On essaie trop de masquer la non-connaissance que l�on a de l�autre, de l�occulter ! Et l�on s��tonne presque plus ensuite de notre non-compr�hension � nous vis � vis de l�autre, de notre incapacit� � pr�voir ses r�actions, que de la part qui peut nous �tre voil�e pour des raisons X ou Y. Cette zone de friction est pourtant bonne entre deux individus qui se connaissent parfaitement, m�me si cela est flippant !

Pierre redevient un enfant en se couchant et en refusant la vie de tous les jours� Un syndrome de Peter Pan ?

�a me pla�t, comme concept !

Vous �tes un peu un Peter Pan ?

Oui, il m�arrive fr�quemment de me demander si j�ai vraiment grandi� Je n�ai pas peur de grandir, mais il y a un moment o� l�on r�alise que le monde est complexe, et que cette complexit� est exponentielle� normal que l�on ait peur ! Je suis pass� par des phases o� je ne voulais pas grandir, je constate aujourd�hui la m�me chose chez mes enfants. On a envie de rester � des choses connues et rassurantes. On a pas envie de comprendre plus, c�est si souvent tellement compliqu� !

Mais grandir, c�est aussi s�emp�cher d�avancer, d�aller plus loin, de comprendre plus de choses�

Effectivement. Pierre peut �tre consid�r� comme un enfant parce qu�il est dans la d�pendance. En revanche, s�il n��tait pas dans cet �tat, il ne pourrait faire ressurgir tous les fant�mes de son pass�, avec qui il a des compte � r�gler� Il ne pourrait pas appr�hender la r�alit� qui l�envahit autrement.

Pierre n�a plus de d�sir ? Vous parlez ici, non pas d�effacement du monde, mais d�effacement du d�sir il me semble�

Non, l�effacement du d�sir a eu lieu avant. C�est avant que Pierre a tout perdu, et c�est la raison pour laquelle il s�allonge. Il abandonne. Il a besoin de recharger les batteries, lui-aussi�

Vous brouillez les pistes en disant que l�histoire est peut-�tre une simple cr�ation de l�imaginaire d�H�l�ne, ou de Pierre lui-m�me...

Au lecteur de d�cider. Encore une fois, rien de programmatique. Comme dans le premier, j�avais envie d�une fin qui laisse chacun libre de d�cider l�issue (maladie mentale, SF, etc.). Je n�ai pas envie de trancher, j�ai envie de lib�rer le regard port� sur mes livres� J�ai envie que le lecteur se sente libre de conclure lui-m�me� Alors il est vrai que, dans L�effacement du monde, le long monologue d�H�l�ne offre deux alternatives plus pr�cises� que je vous laisse d�couvrir et choisir.

Propos recueillis par


 
Tristan Garcia
Thomas Pynchon
Jean-Marc Roberts
Richard Powers
Enrique Vila-Matas
William Gibson
Lise Beninc�
Julien Blanc-Gras
Bernard Soubiraa
Claro
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