Portrait de Patrick Besson

Portraits
Dans la galerie de portraits Voiciesques qu'il publie chez Fayard (La Cause du People), Patrick Besson name-droppe et s'en amuse. Pourquoi ne pas parler d'écrivains ? "Je n'ai jamais vraiment cru que les écrivains pouvaient s'apporter beaucoup de choses entre eux ". Homme du dehors et du dedans, Besson parade place d'Italie.

Les vieux avouent leur impuissance, méprisent la jeunesse, et surtout, quand ils sont écrivains, assurent qu'ils auront bientôt fini d'écrire. L'aigreur isole. Et les vieux ont besoin d'être seuls. Approcher la paix dans laquelle ils reposeront. Patrick Besson, pré-cinquantenaire, joue au vieux jeune. Le corps frétille et la voix se lasse. Quand on a beaucoup vu, lu, entendu, ça doit sûrement finir comme ça : par la lassitude. Pourtant, l'écriture se marre encore : Besson ou le paradoxe cultivé.

UN PEOPLE DU PEUPLE

Communiste de naissance, Besson s'est pris la manche dans la porte de l'ascenseur social. Né d'un père russe et d'une mère croate, il chronique à VSD, au(x) Figaro(s) et peut se permettre de dédicacer plus de trente ouvrages. Enfant précoce (son premier roman, Les Petits Matins d'amour paraît en 1974 - il a dix-sept ans), il construira une beauty story à l'allégeance d'une fidélité morale exemplaire. Grand Prix de l’Académie française en 1985 pour Dara et Prix Renaudot en 1995 pour Les Braban : le Goncourt attendra. Relativement prolixe, il s'imposera par ce sens rare de LA phrase qui tue aux dépends, dit-on souvent, d'arguments sûrs. Toutefois, ses assertions ont le mérite de rattacher l'instinct à la manière. Un fond et une forme qui imposeront sa personnalité singulière. Désormais, il y aura le communisme et le communisme Besson. Le roman et le roman Besson. La chronique et la chronique Besson. Aujourd'hui, le vulgaire happy few peut aller se faire foutre : people Besson n'est pas qui veut. Quelques règles indispensables : ton métier et ton milieu tu dénigreras, de la rumeur tu t'auto-flagelleras, ton personnage tu maîtriseras jusqu'au bout de ta plume et des leçons tu donneras à qui ne veut pas l'entendre. On retiendra, entre quelques provocations, son mépris pour le milieu littéraire, sa lassitude des écrivains qui ne savent pas écrire dans les journaux et son style pull-parka qui dit avoir voulu baiser Carla (Bruni), qui, selon lui, fait "presque de la musique". Et Bruni de partager beaucoup de points communs, finalement, avec une boulangère : "Les boulangères sont des people ; je veux dire... on est connu à partir du moment où des gens nous connaissent". Alors pourquoi ne pas traiter des people du peuple ? "Je n'avais encore rien fait sur les riches". Manière aussi de prendre du recul sur ses relations mondaines tout en s'y impliquant notoirement : les interviews Besson respectent les temps de parole 50/50 du C.S.A. l'interviewé fournissant souvent plus de questions que de réponses. Doit-on en conclure que devant Besson, tout people de gauche est à droite ?

UN VRAI-FAUX JEUNE-VIEUX

A coups de vraies-fausses conquêtes, de vrai-faux esclandres et de vraies-fausses controverses, Besson se fait l'agitateur du microcosme parisien réservé aux V.I.P. Ça pourrait ne pas amuser du tout, réveiller les instincts grégaires anti-parisiano-parisiens, mais Besson garde les yeux grands ouverts. ¨Morceaux choisis : "Il ne faut pas voir plus d'un film par semaine, ça suffit, parce qu'ils tiennent à peu près tous le même propos", "Un type de cinquante ans qui écoute de la musique, c'est louche. Je n'en écoute pas beaucoup". A part lire... il aimerait ne pas connaître grand chose de l'air du temps. Son but ? Passer pour un vieux con, alors qu'il laisse échapper son goût pour Eminem qui "cogne bien", demande des nouvelles de Frédéric (Beigbeder) et parle joliment des jeunes écrivains qu'il affectionne (même s'il leur reproche entre les lignes, pour certains, de vouloir rompre à tout prix avec leur image de dandys). On oublie vite que Besson fait partie du monde. "Pas de lecteurs", "pas de fidèles", gourou sans public, il se plaît à jouer aux exilés de la ville qui la quittent... pour la ville. Mais cela fait partie du jeu Besson aux règles Besson : un individu double qui ne s'en cache pas (le mot besson venant d'ailleurs du latin bis). Double mais cohérent : contre tous (ou presque), il signe entre les deux tours "Sans moi", un brillant article "réactionnaire" (en réaction à la pensée dominante). A l'heure du réveil des foules, il refuse "la révolte consensuelle" et "la subversion doudou" : "Je ne voterai pas Chirac le 5 mai parce que je ne peux pas. C'est physique. Le ferais-je si Le Pen avait une chance de gagner contre lui ? Non."

Quelques tables parisiennes parlent encore de son passage chez Pivot l'apostrophant sur son titre Accessible à certaine mélancolie. Pourquoi pas "une" certaine mélancolie ? Parce que trois lettres, ça change tout. Comme un oui, comme un non. Tenir à la nuance, aujourd'hui, fait de Rodrigue quelqu'un de coeur, de gueule et de belle allure. Il faudra supporter le froid : dans quelques secondes, Patrick Besson ira chercher son gosse à la sortie de l'école.


La Cause du People,

Patrick Besson

Fayard, 15 €



Zone Littéraire correspondant

La Cause du People
Patrick Besson
Ed. Fayard
192 p / 15 €
ISBN: 2213614490
Last modified onsamedi, 16 mai 2009 15:28 Read 17540 times