XXI century's Fox

Interviews
A l'occasion de la sortie de son troisième livre en France,
La Légende d'une servante
, Zone Littéraire est allé à la
rencontre d'une auteur du XXIème siècle américaine devenu
majeure en Europe. Entretien avec la légend(aire) Paula
Fox...


Vous avez été redécouverte plusieurs fois dans votre propre
pays. Mais que ressentez-vous à l’idée de toucher à présent les
lecteurs français ?


Les livres que j’ai écrits pour les enfants ont été traduits en
coréen, en croate, en russe et en grec. Je suis en outre traduite
pour la totalité de mes œuvres en France, en Italie, en Espagne,
en Allemagne et publiée en Angleterre. Chaque nouvelle
traduction est évidemment une grande satisfaction. Je ne peux
qu’être reconnaissante envers ces initiatives qui me permettent
de toucher sans cesse de nouveaux lecteurs dans le monde.

L’écriture s’est manifestée de façon assez tardive en tant
qu’activité " professionnelle " dans votre parcours. Y a t-il eu un
élément déclencheur ? Aviez-vous besoin de vous positionner
d’une manière ou d’une autre dans la société, par le biais de la
littérature ?


J’ai commencé à écrire des nouvelles dès l’âge de vingt ans,
mais, de manière générale, elles ont été refusées. À cette
époque, j’avais vraiment besoin de travailler pour vivre et, plus
tard, élever mes deux fils. J’ai donc cumulé plusieurs postes qui
ne me laissaient pas de temps pour écrire. Ce n’est que
lorsque je suis partie en Grèce avec mon mari pendant six mois
que j’ai enfin été plus disponible. J’ai alors commencé à rédiger
mon premier roman, Poor George, et un livre pour
enfants intitulé La Chambre de Maurice.

La Légende d’une servante offre plusieurs niveaux de
lecture. C’est incontestablement une œuvre de littérature, mais il
y est aussi question d’histoire, de sociologie, voire même
d’autobiographie. Aviez-vous un but en initiant ce projet d’écriture
?


Non, je n’avais pas d’objectif particulier, pas plus que je n’en ai
jamais eu lorsque je me mets à écrire. Mais j’avais toujours
souhaité écrire un roman où il soit question de Cuba. Cela m’a
notamment conduite à faire un certain nombre de recherches
sur les plantations de cannes à sucre.
Dans ce roman, je pense que l’on retrouve ce que les lecteurs
appellent traditionnellement des personnages, mais pour ce qui
est du sujet de l’histoire et de l’écriture même, la source de
l’inspiration vient de quelque recoin profondément enfoui en
l’écrivain. Je ne sais comment expliquer cela. Aucun mot n’y
correspond.
Par ailleurs, j’ai suffisamment de recul par rapport au livre pour
pouvoir le considérer comme partiellement sociologique et/ou
historique. J’espère néanmoins que l’on y retrouve surtout un
peu de la magie que contiennent toutes les histoires, y compris
les plus bancales.

Les questions du racisme et de l’intégration dans les
années 1950-60, bien que sous-jacentes, sont véritablement au
cœur de votre roman. Pensez-vous que les États-Unis et leur
population multiculturelle sont aujourd’hui réconciliés avec leur
passé ?


Je ne crois pas qu’aucun pays ou population puisse jamais être
totalement réconcilié avec son passé et le
surmonter. Cela doit être une question de degré de
réconciliation. L’on y tend en permanence, mais l’on y parvient
seulement partiellement.

En ce qui concerne Luisa, sa réaction à la fin du roman
paraît quelque peu hors de proportion au vu de l’obsession qu’a
constitué le retour à Malagita tout au long de sa vie. A-t-elle
finalement fait la paix avec elle-même ? Dans une certaine
mesure, ne peut-on pas considérer qu’elle représente une
métaphore des Etats-Unis ? Une phrase semble
particulièrement éloquente à cet égard : à l’issue d’une
conversation entre Luisa et sa meilleure amie Ellen, elle réalise
que : " Elle m’a parlé de l’avenir. Je n’y avais encore jamais
pensé. "


Je pense en effet, comme vous le dites, que Luisa est
finalement parvenu à trouver un état de paix intérieure à la fin du
roman. Je reconnais en outre parfaitement l’idée de la citation
que vous mentionnez. Pour ce qui est de l’interprétation, je vous
laisse libre. Comme l’a un jour dit Thomas Mann, " je ne sais
pas ce que mes romans signifient. C’est aux critiques de me le
dire " !

Hommes et femmes sont représentés à part égale dans
votre roman. Toutefois, les femmes apparaissent beaucoup
plus actives, sensibles et responsables. Est-ce dû au fait que
vous vous identifiez plus facilement aux personnages féminins
ou bien pensez-vous que les femmes doivent toujours se battre
deux fois plus que les hommes avant d’être prises en
considération ?


Je pense en effet que les hommes et les femmes sont
émotionnellement différents. Pour autant, je ne me considère
pas du tout comme une féministe, bien que je considère
évidemment l’obtention du droit de vote pour les femmes
comme un énorme progrès de l’humanité ! La différence entre
hommes et femmes me paraît plutôt constituer un merveilleux
équilibre (tant qu’il ne provoque aucune guerre ou effusion de
sang !).

Les animaux occupent une place importante et stratégique
dans votre œuvre. D’où vient cette place qui leur est accordée ?
Représentent-ils un substitut qui comblerait une quelconque
vacuité des relations et de la communication entre humains
?


Il y a tant d’intelligence chez les animaux de tous types. Par cela,
je n’entends ni connaissance du monde, de l’histoire ou encore
de la musique… Il y une intelligence/sensibilité vivante que
toutes les créatures (même les humains !), semblent avoir en
commun. Pour ma part, j’ai le sentiment qu’aucune ne constitue
un substitut pour une autre.

Vous avez choisi de qualifier ce roman de " légende ". Est-ce
une façon de souligner que vous considérez les relations et les
décisions humaines avant tout comme les actions d’une vaste
comédie ?


Chaucer employait le mot " légende " pour qualifier des genres
d’histoires très variés. Ce terme s’est aussi simplement imposé
à moi, sans aucune préméditation. Mais, je ne considère
nullement les rapports humains comme éléments d’une
comédie, du moins pour la majorité d’entre eux.

Votre renommée en tant qu’écrivain aurait certainement été
moindre si des auteurs comme Jonathan Franzen, n’avaient pas
œuvré pour faire promouvoir votre œuvre. Y a-t-il de jeunes
écrivains américains actuels, que vous souhaitez encourager
faire découvrir?


Oui. James Lasdun est un jeune poète et romancier dont
j’admire particulièrement le travail. Je pense également aux
romans de Richard Ford, de Tom Drury et de Lorrie Moore, qui
me semblent tout à fait dignes d’intérêt.

Dernière curiosité : considérez-vous avoir épuisé les sujets
d’écriture ou bien avez-vous d’autres projets en cours ?


Je travaille actuellement à un roman dont l’action se déroule en
France, à cheval entre l’époque présente, et l’année 1321, aux
temps des croisades albigeoises.

Propos recueillis par Laurence Bourgeon

Zone Littéraire correspondant



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