A nous les prix anglais

Enquêtes
« Le monde de la gastronomie et le milieu littéraire sont comparables. Ce sont des systèmes qui profitent à tout le monde sauf au consommateur », pouvait-on lire dans le Guardian le 5 novembre dernier. Quelles différences, en effet, entre un critique gastronomique peu scrupuleux, qui accepte d’écrire un bon papier en échange d’un traitement de VIP, et un juré d’un prix littéraire prestigieux, qui bénéficie année après année de traitements de faveur?
S’il en est que cela chagrine, pourquoi ne pas s’inspirer de nos voisins d’Outre-manche ? En adoptant, par exemple, le principe du jury tournant, déjà à l’œuvre dans le Prix Wepler, le Goncourt des lycéens ou le prix Inter en France. Dans le cas du Orange Prize et du Man Booker, les deux prix les plus prestigieux en Grande Bretagne, les jurés sont ainsi renouvelés chaque année. On y trouve bien sûr des romanciers mais aussi des universitaires, des personnalités des médias et même des acteurs. Cette année, Martha Kearney, une présentatrice de TV a dirigé l’Orange Prize alors que l’actrice Fiona Shaw était jurée au Man Booker. Bien sûr, le système britannique n’est pas parfait : le lobbying des maisons d’édition existe, les pressions de la presse et des lecteurs également. Tout prix littéraire entraîne forcément du « bruit » ou « extra-litterary white noise » en VO selon le Guardian, qui risque d’influencer les jurés.
Une autre mesure de bon sens consisterait à interdire aux salariés des maisons d’édition de figurer parmi les jurés, comme l’a proposé récemment Bernard Pivot. « Ce serait la moindre des choses, ce serait pourtant une révolution », a ajouté le journaliste et académicien Goncourt. Pourtant, le milieu germanopratin ne semble pas prêt à engager cette révolution. Peut-être parce que le système bénéficie à tous, maisons d’édition, jurés et journalistes.
Pourtant les lecteurs sont de plus en plus nombreux à plébisciter ces récompenses « alternatives », qui ne concernent plus uniquement les grandes maisons d’édition. Joël Egloff a ainsi obtenu le Prix Inter 2005 pour L'Etourdissement, édité par Bûchet-Chastel. Les ventes de son roman, qui ne dépassaient pas 7 000 exemplaires avant d'être primé, ont finalement atteint 75 000 exemplaires. A méditer.

Lise-Marie Jaillant

Zone Littéraire correspondant



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Last modified onmercredi, 24 juin 2009 23:30 Read 1436 times