Rock Sthers

Chroniques
Keith me : Joli titre pour un roman singulier où l’auteure de Chicken Street et de Madeleine, se met dans la peau du rockeur Keith Richards et dans la sienne, enfin celle d’Andréa, un petit écrivain qui vient de divorcer d’un chanteur très populaire… Gonflé, intéressant et habile.

Il y a un titre d’un livre de Jacques Salomé qui s’intitule joliment Je croyais qu’il suffisait de t’aimer. En lisant le troisième roman d’Amanda Sthers, ce titre résonne en nous. Car c’est de cela dont il est question, entre les sueur de Keith Richards, et les pirouettes habiles de la romancière : d’une rupture, d’une déception. Celle d’un enfant qui entend encore résonner les rires sarcastiques de ses camarades de classe et de son père, et qui est devenu une rock star, pour jouer contre ces rires, celle de la femme trompée, qui s’est résolue à partir. Alors, comment survit-on à un divorce du Patriiiick de tous les Français ? On ne peut passer à côté de cette question qui se ballade dans tout le roman, même si l’essentiel n’est pas là. Keith Me est un livre malicieux, comme son titre, clin d’œil à la mauvaise passade que vit la narratrice, une certaine Andréa. No comment. Andréa est jeune, écrivain, et vient de se séparer de son mari connu, chanteur. On ne peut ignorer la concordance avec les faits.

Quand le rock‘n roll rythme les maux d’un cœur déçu

Ca en agace certain, ça décrédibilise le propos pour d’autres : une chose est sure, pour son roman d’ex-madame Bruel, l’auteure ne se facilite pas la tâche en basant son livre sur une double identité : être dans la peau de Keith Richards et dans la sienne, celle du "petit écrivain" trahi, trompé, déçu, divorcé. Ce qui sauve Amanda Sthers, c’est tout simplement son talent. Elle sait manier son intimité, la dissimuler tout en la dévoilant, elle profite de l’occasion peut-être, mais elle le fait bien, si bien que son livre, on a envie de le lire d’un trait, sans s’arrêter. Elle se glisse discrètement dans la peau de Keith Richards, évoquant moments précis d’une vie, tournant autour de l’entente ambiguë avec Mike Jagger. On entre dans une époque, une manière de vivre, un milieu enfumé, sexuel, celui du rock qu’ils ont inventé et atteint l’intime, celui de l’enfant Keith qui a fait de la musique pour transformer les rires des enfants cruels, celui de la rock star insolente et animale, qui a snifé les cendres de son père, celui des cœurs troubles.

Narration rock’n’roll

Amanda Sthers a fait le choix d’une narration singulière : un seul trait de sensations, reliées entre elles par des ponctuations précises, mais sans délimiter le champ de l’intime de celui du
romanesque. On passe de la tête de Keith Richards à celle d’Amanda, pardon, d’Andréa, sans s’en rendre compte, si bien que les deux personnages se mêlent et fusionnent. Une narration qui produit l’assemblage des sensations : une déception, une tristesse, autant de choses qui sont à l’origine de la création musicale et littéraire, des personnages. Cette fusion fonctionne et permet aussi à Amanda Sthers de raconter sa rupture dans une manière nouvelle et originale, en se mettant dans la peau d’un autre, "Un rockeur. Un vrai. Celui que j’aurais voulu épouser", écrit-elle. Cela s’appelle sans doute du "Amanda Sthers", que de parvenir, d’un coup de talent, à effacer les rires sarcastiques qui pourraient planer sur une histoire d’amour "people" dont la prévision de fin semblait appartenir à tout le monde, pour laisser place à l’écriture simple, contemporaine et juste.

Michel Olivia

Keith Me
Amanda Sthers
Ed. Stock
141 p / 0 €
ISBN: 9782234061
Last modified ondimanche, 28 août 2011 19:39 Read 2182 times
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