Abécédaire de l'amour adolescent

Chroniques

Les coeurs adolescents envahissent les premiers romans des rentrées littéraires. Comme chaque année, certains sortent du lot. C'est le cas de la fille de Serge Bramly avec son Pastel fauve

Y croire encore. Le premier roman est un peu là pour ça: nous servir un peu d'effet "nouvelle star", nous remettre une couche de "jeune talent". Car c'est bien de cela qu'il s'agit. La chasse au nouveau talent littéraire, à la plume fraîche et au génie précoce sonne comme un marronnier chaque année. Et il se trouve que, souvent, le talent précoce se trouve être un "fils de" ou une "fille de". Évidemment, le "fils de" sans talent a peu de chance d'arriver jusqu'au bout de la chaîne du livre. Évidemment, lorsqu'on est bercé par des parents écrivains, on a hérité d'une sensibilité littéraire qui peut rendre précoce la naissance de l'envie même d'écrire. L'an dernier, il y avait Sacha Sperling. Cette année, nous avons Carmen Bramly. De jeunes plumes prometteuses nous contant les affres émotionnelles et érotiques des beaux quartiers et des trottoirs des grands lycées parisiens.

La lecture de ces premiers romans sensibles, maladroits, mais talentueux n'en demeure pas moins plaisante car l'adolescence demeure ce moment de feu émotionnel perdu qu'on aime goûter à nouveau à la manière d'une madeleine proustienne.


Huit clos amoureux

Premiers baisers échangés, orchestrés, premiers émois, premières inquiétudes quant à l'avenir, premiers engagements virulents, première révolte. Voilà tout ce que nous offre la jeune Carmen Bramly dans ce roman écrit pendant son année de seconde, quand d'autres jouent à la PS3.
Pastel fauve se déroule sur l'ile de Bréat, le soir du nouvel an. Pour fêter la fin de l'année, Paloma, 14 ans, retrouve Pierre, son ami d'enfance. Enfance dont ils fêteront aussi la fin. Les deux adolescents, deux étudiants germanopratins abondamment cultivés et proprement révoltés, vont se séduire, maladroitement, pour éviter de se dire qu'ils s'aiment, dans une sorte de danse de l'amour un peu gauche. L'insolence et la désinvolture des personnages sont efficaces et immergent habilement le lecteur au creux de ce mal-être adolescent. La jeune romancière manie les mots avec talent, même ceux qui paraissent trop sérieux pour son âge: « Je crois que Dieu a déserté, et que maintenant, la seule façon de faire exister la vie, c'est dans l'union charnelle. » Mais laissons de côté ces quelques phrases révélant une influence non digérée des premiers cours de philosophie. Elle réussit à nous faire oublier le contexte, le papa et le sujet facile, en nous embarquant dans un huit clos où nul adulte n'a sa place. Un huis-clos réservé aux moins de 16 ans. Si l'on regrette quelques envolées poétiques: on aime la franchise du propos que les accents supposés d'autobiographie rendent touchante.
Y chercher du Sagan serait trop attendu. Il en reste malgré tout un joli roman sur l'adolescence, servi par la fraîcheur et la révolte des 15 ans, écrit par une jeune romancière douée et prometteuse.

Pastel fauve

Carmen Bramly

Lattès

177 p. -16 Euros

Last modified ondimanche, 13 février 2011 21:11 Read 3067 times

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