Extraits

Mausol�e

Brigitte Smadja
Editions Actes Sud©, 2001

"J'ai froid. Mes os ont froid sur les dalles rouges, glaciales. J'essaie d'allonger mes jambes mais c'est impossible. Je suis condamn�e � cette position en chien de fusil qui m'emp�chera de trouver le moindre r�pit. Mais le temps du r�pit pour moi est fini et c'est le verdict de Magda qui r�sonne : " Tu es compl�tement fou, Sylvain. " Comment ai-je pu accorder foi � la proposition de Mabrouk ? Comment ai-je pu prendre cet avion sans me m�fier de lui ni me douter que cette procuration, cet argent salvateur dont il m'a fait profiter, pourrait me conduire � ma perte ?

J'ai ferm� la porte avec un fil de fer trouv� par terre mais il ne r�sistera pas � leurs coups de pied. Car ils me cherchent, ils me poursuivent.

Devant le Carlton, ils m'attendaient. J'ai eu juste le temps de demander au chauffeur de me conduire plus loin. Puis je suis revenu sur mes pas dans l'espoir fou d'avoir �t� victime d'un malentendu. Mais ils �taient toujours l�, guettant une proie dans la foule.

Derri�re un arbre, un homme m'a fait signe mais je ne voyais pas son visage. Seulement sa main s'agitant pour me convier non pas � l'approcher, mais � prendre la fuite. Etait-ce Mabrouk venu au rendez-vous qu'il m'avait fix� et terroris� comme moi par la pr�sence de ces tueurs ? Comment savoir ?

Je ne l'ai vu que quelques jours � Paris au Lut�tia dans le salon rouge et or. La premi�re fois, il s'est avanc� vers moi et j'ai �t� surpris par sa jeunesse et son sourire. Il avait beaucoup d'argent � placer. Des millions. Je n'avais pas un sou, je n'avais plus rien � perdre et j'ai toujours eu le go�t des complots. Trop de films de s�rie B dans la t�te.

D'o� vient l'argent ? A cette question, il me r�pondait, secret, mon fr�re, secret, je les ai eus, bient�t Paris, toujours.

J'ai fait confiance � son nom. Mabrouk. F�licitations en arabe. Beau pr�sage.

Derri�re l'arbre, tout pr�s du Carlton, une main s'agite, m'incite � m'�loigner. Un des hommes t�te la poche int�rieure de sa veste. Il est arm�. Je l�ve les yeux. La main a disparu. M'enfuir. Vite.

Mais o� aller ?

Sur la terrasse de mon immeuble. Ils ne viendront pas me chercher ici. Ils ne savent pas o� j'habitais.

Malgr� l'obscurit� des rues et l'angoisse, je n'ai pas grande difficult� � retrouver l'immeuble blanc. Au dernier �tage, une femme bient�t suivie de ses deux fr�res m'a accueillie. Ils pr�tendent �tre les gardiens de la terrasse. Je n'essaie pas de les convaincre de mon innocence. A quoi bon ? J'ach�te leur silence au prix fort. Ils se m�fient mais leur mis�re est trop grande et l'aubaine que je leur offre est rare.

Ils m'ont propos� de dormir, l�. A c�t� d'eux. Dans l'un des anciens lavoirs de la terrasse, mais je n'ai pas de place pour allonger mes jambes. Trop longues.

Lumi�re de l'aube sur les murs d�color�s. Odeur de lessive dans les murs. Ici, je jouais. Ici, je me cachais derri�re les draps lav�s par les bonnes. Le bleu, le bleu Klein qu'elles jetaient dans les grandes cuves d'eau. Leurs �clats de rire. L'espoir que je verrai quelque chose sous les jupes superpos�es lorsque je courais m'y r�fugier. Parfum du linge m�l� � ceux du henn� et de l'argile. L'une d'elle, un jour, nue, dans une bassine, le corps enduit de boue verte. Une autre embrassant � la d�rob�e un fianc� en costume sombre. Giuseppe, mon ami italien, les bras en croix, il saigne. Il meurt.

Froid humide dans les murs. Caveau. J'ai suppli� un jour mon p�re de m'autoriser � dormir l�, sur la terrasse. Non, Sylvain. Regarde ta s�ur qui vient de na�tre. O�, o� est-elle ? L�, regarde. Ma m�re me tend un b�b�, l'�crase contre la vitre de la maternit�, juste en face. Mon p�re m'a confi� aux bonnes, indiff�rentes aux b�tises des petits gar�ons. Je me penche pour saisir le b�b�, ma petite s�ur, ils l'ont appel� Magda et les bonnes l'appellent M�gd�, ma grand-m�re l'appelle M�gd�, et ma m�re a le visage tordu d'angoisse derri�re la vitre, et �a me fait rire et je mime un ange d�chu ; mes bras tendus � l'horizontale, je tombe. Une gifle me retient."

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