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Human Bomb
   |   | L'attentat Yasmina Khadra Julliard
       | Prix éditeur 18.00 euros
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 Un m�decin apprend que sa femme est morte dans un attentat  
� Tel-Aviv et qu�elle est le kamikaze qui s�est fait exploser. Se  
bousculent alors dans son esprit, l�incompr�hension puis la  
r�volte avant le renoncement � une vie sagement organis�e. 
 
On peut gager qu�actualit� br�lante, Islam terrorisant, et autres  
Intifada vont immanquablement continuer de fournir mati�re �  
des romans plus ou moins recommandables, et qui garniront  
longtemps les �tals des librairies. Parmi ces titres,  
L�attentat, de Yasmina Khadra est une heureuse  
surprise. 
 
D�s la premi�re page, cela explose. On venait de se caler sur  
son coussin, on pensait presque encore � autre chose quand,  
dans un souffle, les murs s��croulent sur nous. D�embl�e, les  
sir�nes, les grands bless�s, emplissent l�espace. Puis  
commence l�histoire, inqui�tante et � mots choisis dont l�auteur  
va se d�lecter. Une autre d�flagration, cette fois dans un  
restaurant d�Haqirya, aux portes de l�h�pital o� exerce le  
narrateur, le Dr Amine Jaafari, �minent chirurgien et Arabe  
naturalis� Isra�lien. Il se jette au milieu du tumulte pour tenter  
de sauver ce qui peut l��tre, parmi les brancards et les chairs �  
nu, la panique et les yeux r�vuls�s. Le calme revenu, des  
indices font se tourner vers lui l�officier charg� de l�enqu�te. On  
suit alors le m�decin dans sa descente de l�odieux vers le pire.  
On fr�mit quand il lui faut reconna�tre son �pouse Sihem, dans  
les restes d�un corps rassembl� parmi les victimes. Le portrait  
du kamikaze n��tant pas celui qui nous est bross� � grands  
traits habituellement, on fr�mit � nouveau quand le Dr Amine  
apprend que sa femme fut la r�solue bombe humaine. Rien  
d�incongru dans cette id�e ; des jeunes filles, elles-m�mes  
�pouses ou s�urs, ont sign� dans l�histoire tr�s r�cente le  
m�me acte incompr�hensible imagin� ici.  
Soumis � la question, sans pr�caution, des heures durant, le  
chirurgien niera la v�rit� ; il se la niera tout autant. Viendront vite  
le rejet de ses pairs, la vindicte, les errances dans les rues de la  
ville, les check-points, les vexations ordinaires, les tentatives  
oblig�es de survivre. Mais aussi la main tendue de Kim Yehuda,  
coll�gue et n�anmoins amie, juive, ou m�me celle de  
l�inspecteur Naveed Ronen. Car, chose rare dans les histoires  
sur fond de conflit au Proche-Orient, musulmans et juifs se  
c�toient dans ce roman, se parlent, s�estiment ou se jalousent  
comme des �tres humains et non comme des repr�sentants.  
On esp�re que cela se rencontre dans la vraie vie. Ce n�est pas  
� eux et nous � ; l�auteur traite tout son monde sur le m�me plan  
et personne n�est �pargn�. Les mains tendues seront  
repouss�es et le Dr Amine s�attaquera � plus implacable que lui  
quand il tentera de reconstituer les derni�res heures de sa  
compagne et de comprendre ce qui l�a pouss�e � l�acte. Jenine,  
Ramallah, les noms sont �vocateurs. Les points de vues  
changent litt�ralement selon qu�on se trouve � Tel-Aviv ou �  
Bethl�em, l�air est oppressant et quand vient la courte  
description d�un paysage champ�tre, entraper�u � travers la vitre  
d�un taxi, c�est un baume. L�histoire est �crite, d�une plume  
nerveuse, de l�int�rieur et on y est ; Yasmina Khadra semble,  
comme son personnage, et non sans une certaine hardiesse,  
dans la m�me qu�te d�une explication vou�e � l��chec. 
 
Mohammed Moulessehoul qui - premier acte symbolique dans  
sa carri�re d��crivain - a choisi pour pseudonyme deux pr�noms  
de sa propre �pouse, a longtemps casern� comme officier sous  
les drapeaux  alg�riens. Il a pu, on l�imagine, �tre le t�moin de  
carnages et en garder un souvenir intact qui lui fait rendre par le  
d�tail et avec un r�alisme donnant froid dans le dos, l�horreur et  
le feu, la brutalit� totale ; le regard est aigu, r�fl�chi. Yasmina  
Khadra a �crit plusieurs polars, et cette histoire est sur le m�me  
ton, avec interrogatoires muscl�s, yeux poch�s, et apostrophes  
�maill�es d�argot. Certes, on s��tonne parfois quand le  
chirurgien de Tel-Aviv, comme le moudjahid de Nazareth ou  
l�asc�te, pars�me un discours, par ailleurs ch�ti�,  
d�expressions qui sont celles d�un lascar au pied d�une tour de  
b�ton. Mais peu importe. 
On peut surtout appr�cier que l�auteur nous dise l� un chant  
d�amour, fort et �mouvant, loin des pr�suppos�s du genre. On a  
le droit, du moins, de lire son roman comme tel car � lorsque  
l�horreur frappe, c�est toujours le c�ur qu�elle vise en premier �  
; l�acte de Sihem n�est pas si loin du crime passionnel. Nous  
revient alors � l�esprit que dans � attentat-suicide �, il y a le mot  
� suicide �. Reste qu�� la pudeur, ici, il n�est pas attent�. On  
souhaite bon vent � ce roman, en lice pour le Goncourt et le  
Femina, qu�on referme en pensant � ces rues de la plan�te o� il  
est impossible de vaquer sans angoisse aux plus banales  
occupations. On se dit qu�on a de la chance. 
 
Olivier Ngog 
 
 
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