Entretiens

Entretien avec Jean Pierre Cescosse

Votre titre ?

Je trouve que c'est un titre tr�s long. Il m'est venu non pas � la fin du livre, ce qui arrive souvent, mais au commencement. J'ai compos� autour de ce titre. C'est l'histoire des man�uvres du personnage principal pour �chapper au contr�le d'un myst�rieux comit� de surveillance. Pour " la nuit ", on peut simplement y voir la mort � laquelle nous sommes tous destin�s. C'est un bon d�but, non ?

Si l'on consid�re la vie comme une attente de la nuit, on aboutit presque au concept heideggerien de " l'�tre-pour-la-mort " ?

Vous me parlez d'Heidegger, je penserais plut�t � Pascal : la diversion v�cue comme divertissement. L'homme faisant tout ce qu'il peut pour �chapper � son essence.

Edouard ?

Sa man�uvre de diversion est de ne pas en avoir, d'�tre lui-m�me dans sa singularit�. Il essaie de se parcourir lui-m�me dans tous ses aspects, sans rentrer dans un cadre d�fini. Il ne tient pas de discours sur la r�sistance, mais sa fa�on d'�tre est r�sistante face aux dogmatismes de toutes sortes, y compris esth�tiques.

Edouard est-il quelqu'un ?

Est-ce qu'on est un individu ? Est-ce qu'on est un " je " ? Est-ce qu'on est un moi ? On a parfois cette sensation de vertige de pouvoir �tre � soi-m�me toute l'humanit�. Ses aspects les plus noires comme ses aspects les plus beaux. On a en soi toutes les potentialit�s de l'humain. Donc il est difficile de se trouver individu et de se raccrocher � ce grouillement d'humains qui va de Hitler � Kant, et de Robert Musil au cannibalisme. Les aspects antinomiques de l'existence sont des choses auxquelles on ne peut dire oui que conjointement.

Dans la sexualit� par exemple�

Oui, il y a une sorte de violence dans la sexualit� : on est aussi de la viande. C'est tr�s difficile de d�sirer quelqu'un en ayant en t�te la tendresse que l'on a pour cette personne. Ce n'est pas une vision noire de la sexualit�, c'est simplement la conscience que la sexualit� humaine est une sexualit� pensante et consensuelle� Donc, c'est tr�s compliqu�. Putain, c'est bien ce que je viens de dire.

Vous avez fait le choix d'�largir votre champ d'observation � un environnement, et non � un seul personnage.

Oui, je n'ai pas voulu me focaliser sur un seul personnage. J'ai voulu un roman non lin�aire : chaque chapitre est une sc�ne presque autonome, avec �videmment une coh�rence globale.

Est-ce qu'on peut y voir l'influence de votre pass� de nouvelliste?

Je pense, oui.

Cette d�construction de la forme lin�aire du roman est-elle une caract�ristique du roman contemporain ?

Non, j'ai plut�t l'impression inverse, celle d'un retour du roman naturaliste. Je n'ai pas de th�orie sur le roman, j'aime la diversit� des formes. Mais il y a beaucoup de choses sans int�r�ts : Simone rencontre Jean et tout � coup ils se quittent : on s'en fout !

Votre critique principale ?

La r�gence. A partir du moment o� il y a une volont� de r�genter l'existence dans ses moindres d�tails, il y a une implosion tout simplement parce que les gens ont une capacit� de r�sistance insoup�onnable. C'est une tendance assez �ternelle, cette volont� : de l'Inquisition au Stalinisme. Le fait de se confesser ou d'aller voir son psy, tout �a, c'est quand m�me de grandes escroqueries monstrueuses. Vous souffrez ? Eh bien, c'est normal, on souffre tous. Les solutions toutes faites sont des grosses merdes.

La psychanalyse ?

Tout d�pend de ce qu'on en attend. Si c'est un r�confort, c'est tr�s bien. Si c'est une solution "absolue", c'est une connerie, fut-elle freudienne, junguienne ou autre. Enfin, c'est mon avis. Vous coupez le truc sur la psychanalyse pour l'article�

Comptez sur moi. Votre travail, demain ?

On verra�

La procrastination ?

Tendance pathologique � tout remettre au lendemain�

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