#101 - Du 25 juillet au 20 ao�t 2007

Actu Entretiens Zoom Portraits Extraits

  Le Banquet du livre attaqu� !  
  Harry Potter pirat�  
  D�nominateur commun  
  Le Niger distingu� par le Booker  
  La Fnac � l'assaut de l'Hexagone  
  Clochemerle pour Jourde  
  Save Our Souls !  
  Jackpot pour Petterson  
  Un seul miscellan�e  
  Classement des ventes  

inscription
d�sinscription
 
Entretien avec Ludovic Roubaudi


Apr�s le monde du cirque dans Les Baltringues, le quotidien d�une caserne de pompiers dans Le 18, le troisi�me roman de Ludovic Roubaudi, Les Chiens �cras�s, s�int�resse � cette branche particuli�re du journalisme que sont les faits divers. O� l�on voit que les os � moelle ne sont pas toujours facile � ronger. .

On lit dans votre biographie que vous avez �t� journaliste : comme votre h�ros, Grand, vous vous occupiez de la rubrique des faits divers ?

Exclusivement ! On a bien essay� deux fois de me faire changer mais en vain. L�une d�elle �tait pour interviewer des vedettes de l��poque, type Jeanne Mas ou C. J�r�me mais tr�s franchement, �a n�avait pas beaucoup d�int�r�t. Sauf la fois o� j�ai rencontr� Charles Aznavour, pour qui j�avais d�j� un peu plus de respect. Encore qu�on ne devrait jamais rencontrer les gens qu�on admire, on est toujours un peu d��u, ils ne ressemblent pas forc�ment � leur �uvre. Si au moins on vous demandait de rapporter l�int�gralit� de
l�entretien, ce qui aurait pu avoir de l�int�r�t, mais n��voquer que son dernier divorce et son fibrome, franchement, je n�en avais rien � foutre ! Lire encore ce genre de trucs, bon, mais l��crire, non ! Au contraire, dans le fait divers, vous �tes confront�s � une histoire r�elle, avec de vrais personnages. Vous d�couvrez surtout un autre monde� C�est particulier.

Dans votre livre, Grand, envoy� pour couvrir une banale affaire, va la grossir afin de rester plus longtemps sur les lieux, le temps de s�duire une femme rencontr�e sur place. L�affaire devient nationale. La modification des faits est une pratique courante dans ce m�tier ?

Oui et non. Par exemple, l��pisode des faux charniers de Timisoara que je raconte est vrai. La Tous les journalistes pr�sents ont dit qu�ils sentaient l�arnaque, ils ont envoy� quand m�me les images � leurs r�dactions en les pr�venant de leurs doutes. Mais la cha�ne 5 a diffus� et tout le monde a suivi. Pour ensuite dire trois semaines plus tard que c��tait de l�arnaque alors qu�ils le savaient d�j� plus ou moins. C�est un peu le propos du livre d�ailleurs, ne nous leurrons pas, les journalistes aujourd�hui sont l� pour vendre de l�info. Il y par exemple deux fa�ons de filmer une manif : soit en grand angle, auquel cas on voit des types en rang compact au milieu d�un grande avenue � impression qu�il y avait 300 pel�s � tout casser - soit en resserrant le cadre, o� l�, au contraire, on ne voit pas le bout, les contours de la foule : impression cette fois qu� il y avait du monde ! dans les deux cas on parle toujours d�une manif, mais on en donne une vision tr�s diff�rente. Vous ne mentez pas donc ! Bien souvent, on n�avait pas besoin d�inventer, il suffisait de mettre en avant un trait. C�est pour �a que j�ai arr�t� le journalisme. On ne m�a jamais demand� de mentir, mais de ne pas ramener toute la v�rit�. Ce n�est pas pareil. En ce cas, ce que vous dites n�est pas faux mais vous en donnez une vision incompl�te.
En m�me temps vous saviez tr�s bien que si vous aviez donn� l�histoire dans sa globalit�, les gens aurait zapp� ou pas achet� votre journal. Car ce n�est pas que de la faute des journalistes. Nous t�l�spectateurs ou lecteurs, on a envie que �a vibre, qu�il y ait du sang, qu�on soit �mu� Aujourd�hui, le m�tier de journaliste c�est de vendre de l�info, pas d�aller la chercher.

Vous en parlez, qu�est-ce qui justement selon vous explique la fascination des gens pour les faits divers, � tous ces articles que l�on lit avec d�lice et qu�on oublie aussi vite �

D�abord, depuis longtemps, notre soci�t� a totalement gomm�e la mort, on en parle tr�s peu, d�ailleurs on est souvent d�sarm� face � la mort d�un proche, n�ayant plus tous ces rites d�avant. Dans les faits divers, on montre des morts, qui ne sont en plus pas les v�tres, ce qui permet une distance. Ensuite, il y a l�attrait du sang. Demain remettez les jeux du cirque, vous verrez l�audience ! C�est humain, on a tous une part de cruaut�. Enfin, c�est beaucoup plus facile de discuter du malheur que du bonheur. Le bonheur, on le vit tous de la m�me mani�re. Alors que le malheur, c�est souvent des histoires
abracadabrantes, on a envie d�en parler. il y a du sang, et puis la mort. Un polar fera toujours de l�audience � la t�l�. Pourquoi Le Silence des Agneaux a t-il lanc� une mode des films sur les tueurs en s�rie ? Parce qu�il y a du monde pour les voir. Et pourquoi ?
Parce que c�est le mal identifi�. Et puis bon, c�est toujours agr�ables de savoir qu�il y en a qui sont plus dans la merde que nous !

dans Le 18 vous �voquiez la vie d�une caserne de pompiers : il y a des point communs avec les faits divers�

Oui, la mort ! D�abord parce qu�ils la risquent souvent dans leurs interventions. Aussi parce qu�ils y sont confront�s. Ils font face � la mis�re humaine en permanence. Les Baltringues c��tait aussi �a, la mis�re et la mort.

C�est votre propre exp�rience chez les pompiers qui vous a marqu� ?

Non, ma fascination pour la mis�re et la mort est bien ant�rieure. Je suis n� dans un univers tr�s bourgeois, tr�s prot�g�, mes parents avaient un h�tel particulier pr�s du parc Monceau, et dans mon enfance je fr�quentais donc les enfants de mes parents. Tr�s
rapidement j�ai �t� choqu� par leur vision de l�existence, je ne veux pas dire que j��tais diff�rent mais j�avais conscience d��tre d�un milieu privil�gi�. Pour moi, cela me donnait des devoirs, pas des droits. Pour eux, c��tait l�inverse ! Toujours est-il que j�ai �t� assez vite attir� par la d�couverte de ceux qui n�avaient pas eu ma chance, et en fait j�ai trouv� plus d�humanit� dans la mis�re que chez les autres. C�est sans doute pour cela que j�ai �crit ces bouquins. J�en parle aujourd�hui avec du recul mais ce n��tait pas un choix conscient. C�est ces personnages l� que j�avais envie de mettre en avant en tous cas.

Pour en revenir aux Chiens �cras�s, le grossissement de l�affaire par les journalistes va finir par co�ter la vie � l�un des protagonistes. Or, votre h�ros r�ussit � avoir la fille qu�il tentait de s�duire. Je vous avoue, je vous ai trouv� assez gentil avec lui !


Mais parce qu�il n�est pas responsable ! Lui il se dit, je vais inventer �a et �a n�int�ressera de personne. Comment peut-il imaginer que lorsqu�il aura invent� Zizigougou �a va passionner les foules ? Il n�a pas encore compris qu�il n�y a que les conneries qui
int�ressent les gens ! En r�alit�, ce qu�il gagne l� dedans, ce n�est pas vraiment la fille (d�ailleurs on ne sait pas vraiment si c�est le cas) mais c�est la conscience qu�il doit s�engager dans ce qu�il fait. Et il arr�te de s�appeler Grand pour avoir un pr�nom. Il devient soudain un individu.
Et puis il ne faut pas toujours des fins dramatiques. Bon,franchement, � la place de la fille, un type qui invente un truc aussi d�bile juste pour avoir le temps de vous draguer, vous lui
laissez sa chance. M�me s�il est tr�s maladroit, il a essay� !

La litt�rature ne manque pas d�exemples d��crivains s�inspirant de faits divers pour nourrir leur �uvre, plus r�cemment Emmanuel Carr�re avec L�Adversaire sur le faux m�decin meurtrier Roman, ou Philippe Besson venant de sortir un livre sur l�affaire du
petit Gr�gory. La r�alit� semble souvent d�passer la fiction, �a veut dire qu�on ne laisse plus part � l�imagination ? Ou au contraire, c�est une transfiguration du r�el ?


Pour moi, m�me bas� sur un fait r�el, le roman reste une �uvre originale. Ce qui fait l�originalit� c�est pas l�id�e, mais le traitement. Il y a tr�s peu d�histoires vraiment originales en fait. Je peux tr�s bien comprendre que Carr�re ait �t� s�duit par l�histoire hallucinante de Roman. Moi, je connais celle � Strasbourg d�un type qui, ayant �t� refus� pour int�grer la police, s�accusa plus tard d�un meurtre, disant une fois qu�on d�couvrit
son innocence � au bout de plusieurs mois de prison pr�ventive ! � qu�il pr�f�rerait � passer pour un meurtrier que pour un cr�tin �. Juste pour emmerder la gendarmerie. Je trouve que c�est un bon sujet de roman, encore faut-il �tre capable de l��crire� Raconter l�histoire de Roman, en 5 minutes, c�est g�nial. Mais faites la tenir sur trois cent pages alors que tout le monde conna�t la fin, l� c�est du talent, original.

Les Chiens �cras�s, Ludovic Roubaudi, �ditions le Dilettante, 16 euros.

Propos recueillis par Ma�a Gabily


 
Françoise Bourdin
Gideon Defoe
Leonora Miano
Gérard Berréby
Ariel Kenig
Begaudeau, Bertina et Rohé
Karine Tuil
Emmanuelle de Boysson
Ornela Vorpsi
J�r�me Lambert
  ARCHIVES
 
contact | © 2000-2007  Zone littéraire |