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Cypora Petitjean Cerf : la naiveté feinte

Portraits
Suggérer plutôt que nommer. Car l'atmosphère, les situations et les faits expriment, parfois, la complexité plus finement que le langage. Cypora Petitjean-Cerf ne se laisse pas manipuler par les mots...

Longs cheveux bruns détachés sur les épaules et des tâches de rousseur sur le visage. Elle ressemble à Annabelle, l’héroïne de son premier roman le musée de la sirène. Timide et douce, elle semble prendre sur elle pour vaincre son malaise passager. La préparation de l'attirail journalistique : stylo, cahier et lecteur-enregistreur fait diversion et permet de faire connaissance " c'est à vous ce sac à pois ?" demande l'écrivaine, il est très élégant ". On dirait une scène de son deuxième livre le corps de Liane dans laquelle les deux amies Liane et Roselyne arpentent les allées de Séphora, essayant le maquillage à disposition. Une discussion à bâtons rompus commence. On se prend à penser tout haut : mais pourquoi, dans son premier livre, avoir choisi une sirène comme élément onirique? Dans la mythologie grecque, ces créatures mi-femme mi-poisson séduisent et envoûtent les hommes, or Annabelle est une femme … D’ailleurs le roman commence par l’enlèvement de la sirène : Annabelle entre dans le restaurant chinois en face de chez elle, plonge sa main dans l’aquarium, attrape cette dernière et s’en repart chez elle. La scène est inscrite dans le banal…

Les apparences...
D’une voix claire et candide pareille à son écriture, elle explique qu’elle avait d’abord pensé à d’autres figures fantastiques, le vampire, la chauve-souris, l’ogre… puis l’idée de la sirène lui est venue: « Bizarrement, c’est elle qui m’a choisie ». Elle me précise qu’elle n’a pas voulu détailler l’entrée en scène de son personnage pour laisser l’étrange et le fantastique opérer d’eux-mêmes.
Les questions se succèdent rapidement. Nous sommes effectivement pressées par le temps car Cypora Petitjean-Cerf a encore des copies à corriger. La jeune écrivaine est aussi professeur de français. Nous poursuivons sur la relation étroite et complexe qu’entretiennent Annabelle et la sirène, " Annabelle s'accroche viscéralement à la sirène au point de ne plus vivre que pour elle. Mais cette dernière lui permet, sans qu'Annabelle ne s'en rende compte, de puiser dans ses ressources intérieures pour trouver la force de s'occuper d'elle et aussi de lui résister. La sirène aide Anabelle à vaincre ses démons." Pour décrire ce lien intrinsèque qui unit les deux femmes, Cypora Petitjean Cerf préfère s'appuyer sur une écriture qui suggère plus qu'elle ne décrit. l'auteur ne dévoile rien au moyen des mots mais préfère laisser les faits parler. Elle ne développe donc pas plus avant non plus la psychologie de ses personnages. "Au lecteur de faire l'effort de lire entre les lignes et de dépasser cette apparente superficialité pour saisir l'intimité cachée ", explique t-elle. La naiveté apparente n'est donc que feinte.

Mars contre Vénus
Au coeur de ses deux romans, les femmes. Les hommes sont tenus à distance : absents ou en retrait, ils ne jouent pas de rôle de premier plan. « Effectivement répond-elle, surtout dans Le Corps de Liane, car je raconte trois générations de femmes qui ont grandi et vécu sans hommes. Le livre est écrit du point de vue de la petite Liane qui n’a pas de repères à ce niveau. » Nous en venons donc assez naturellement à la question du machisme, du féminisme, du clivages hommes/femmes... " Le machisme vient fondamentalement de l'éducation. Les hommes doivent intérioriser leur sensibilité car cette dernière est le domaine réservé de la femme. En réalité on fait des amalgames. La féminité n'est pas le domaine réservé des femmes. Il existe des femmes très masculines et des hommes très féminins. C'est pour cela que je ne suis pas féministe. Je pense qu'hommes et femmes sont complémentaires et que la guerre des sexes est absurde".
En écoutant parler Cypora Petitjean Cerf, on retrouve les voix de ses deux héroines : Annabelle et Liane. Derrières leurs maux et leurs angoisses la propre histoire de l'auteur se dessine en filigrane, la vie d'un gynécée.

Doreen Bodin

Photo: Sebastien Dolidon

Doreen Bodin



Ed.
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Last modified onmercredi, 01 juillet 2009 23:22 Read 3203 times
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