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            Entretien avec Richard Dalla Rosa 
 
 D'abord focalisons-nous sur Socrate : prendre le point de vue du Da�mon pour �voquer ce philosophe sur lequel tant ont �crit, 
                c'est une d�marche novatrice. D'o� vient cette id�e ?
  C'est tr�s simple. C'est une connexion entre deux choses. L'inspiration 
                finalement ce n'est pas plus compliqu� que �a. J'ai lu un roman fabuleux qui s'intitule un homme remarquable en 1994. C'est un ouvrage de Robertson Davies, �crivain canadien anglophone bien traduit en 
                fran�ais. Dans ce roman d'aventures intelligent et populaire, les deux personnages narrateurs sont un ange biographe et un da�mon protecteur. L'id�e de donner la parole � un da�mon qui prend en charge 
                la biographie d'un �tre humain �tait d�j� un petit clin d'�il servant � relier le paganisme et le christianisme et puis c'est original, amusant. Pour Socrate, la connexion �tait aussi en rapport avec mon m�moire de 
                ma�trise soutenu en juin 1997 et qui s'appelait (" attention " ajoute-t-il  sourire aux l�vres! ! !) " Les avatars des d�mons grecs dans La Cit� de 
                Dieu de Saint-Augustin ". J'ai voulu d�fendre les d�mons de l'Antiquit� grecque contre les P�res de l'Eglise qui ont d�mont� le paganisme pour l'�radiquer. Robertson Davies et mon m�moire de ma�trise : six mois 
                plus tard l'id�e de faire une biographie de Socrate vu par son d�mon �tait n�e. D'autant plus que j'oublie un troisi�me �l�ment, mon Directeur de m�moire avait eu un contact avec les �ditions Autrement et m'avait 
                montr� un listing de propositions dans laquelle celle de Socrate vue par son d�mon allait bien, m�me si au d�but c'�tait plut�t pour rire !     
  
                Aborder Socrate par l'interm�diaire du regard du Da�mon, c'�tait pour vous un espace de libert� immense. L'homosexualit� de Socrate, voil� un sujet qu'une �tude classique aurait peu abord� 
                alors que dans votre ouvrage elle appara�t comme un leitmotiv ?
  De toute fa�on, toutes les personnes qui ont �crit sur Socrate avant moi se r�sument � des universitaires, philosophes, journalistes, romanciers 
                parfois. Le mot cl� est effectivement LIBERTE (il insiste joliment). Le Da�mon, cet esprit tut�laire, cette voix de la conscience qui conseille et motive, c'est un espace total de l'esprit o� la libert� est de mise. C'est 
                vrai aussi que dans la Gr�ce antique, l'homosexualit� s'appelait la p�d�rastie et c'�tait avant tout un enseignement entre personnes du m�me sexe, hommes surtout, entre un adulte et un adolescent. Rien de 
                pervers, c'�tait quasiment institutionnel . Pour mieux faire partager plaisirs de l'esprit et ceux du corps�Encore une fois, c'est un raccourci que j'emprunte. Mais il y a des bouquins entiers l�-dessus !
  
                Aussi est-il vrai que le Da�mon permet de fixer un espace de libert� et c'est pour cela qu'il peut se permettre de parler sur tout : Rimbaud, Oscar Wilde, Pinocchio�c'est �vident que Jiminy Cricket avait sa place 
                dans ce r�cit ! 
  Tout � l'heure, vous �voquiez l'id�e de paganisme. Est-ce qu'une foi, une croyance personnelle ont pu influencer chez vous �criture ou r�cit ?
  
                Je n'ai aucune religion m�me si je me rapproche beaucoup du paganisme. En revanche, je cultive une foi. Je crois aux esprits des morts. Je me rattacherais donc aux Indiens d'Am�rique, aux religions 
                pa�ennes en g�n�ral et terriennes en particulier. Je n'aime pas les dogmes, codifications ou r�glements. J'aime au contraire que la croyance �volue dans une libert� absolue ou relative : croire ce que l'on 
                peut quand on le veut. Lorsque j'ai perdu ma grand-m�re en 1992, j'ai �norm�ment r�fl�chi et apr�s la p�riode de deuil, je me suis dit " l'�me est quelque chose de tellement fort et subtil que �a ne peut pas 
                dispara�tre comme �a ". J'ai alors commenc� � penser qu'une partie de son �tre �tait l�. De l�, je suis rentr� dans un film de Kieslowski et je peux assurer que je vis pratiquement dans l'atmosph�re de la Double 
                vie de V�ronique avec des signes, des co�ncidences, des hasards, des intuitions que j'essaie de vivre sans �tre n�vropathe obsessionnel ! C'est 
                pour �a d'ailleurs que j'ai �crit un livre l�-dessus qui, je l'esp�re  (sourire), sera publi� l'ann�e prochaine.
  Vous �crivez � ce sujet " l'enfant cesse d'apprendre car il croit 
                savoir ". Ca signifie que ce qui vous s�duit c'est cette qu�te port�e par l'enfance plus que l'arrogance intellectuelle propre � l'�ge adulte ?
  
                Totalement ! L'arrogance intellectuelle, je le combats d�j� en moi-m�me. Avec mon parcours, je pourrais �tre pr�tentieux. J'ai rencontr� des gens dans la vie qui l'�taient et qui m'ont fait du mal. Je 
                ne souhaite en aucun cas �tre comme eux.
  J'ai �t� �lev� par des gens humbles et simples, tr�s joyeux et optimistes. Tout cela n'emp�che pas la lucidit�. J'ai les pieds sur terre 
                mais comme le dit si bien Hubert Reeves au d�but d'un film de Lelouche, Y a des jours et des lunes je suis volontaiRRREement optimiste (avec l'accent !) 
  
                La volont� mari�e � l'optimisme, cela peut donner des r�sultats fabuleux : par exemple, ce soir�
  Ce qui compte pour moi, c'est la cr�ation artistique, po�tique. Inutile de 
                s'arr�ter sur les paraphrases, les paragraphes. Il faut agir, cr�er du neuf tout en respectant l'ancien, appr�hender le temps comme s'il �tait un espace de jeu. La vie au fond c'est tr�s ludique. Moi, j'ai envie de me 
                marrer, j'ai envie d'�tre heureux. Le bonheur, dit Juliette Binoche, c'est un art  qui demande beaucoup d'exigence. Le bonheur est une volont�, le mal est pr�sent mais le bien est une cons�quence d'un acte. L� je 
                reprends Artaud et je me nourris de lui�
  Se " nourrir des autres ", �a rappelle ce que vous �crivez dans " Les mots dans les murs ", un de  vos textes publi� dans la NRF de septembre 2000 ?
                
  Oui c'est vrai. Tout est mati�re � r�flexion, � �motion et surtout construire son chemin avec les gens. La cr�ation m�ne vers le partage.
  Monet avait une formule superbe "Il y a deux sortes d'hommes : 
                ceux  qui veulent �tre quelqu'un et ceux qui veulent faire quelque chose. " Vous vous retrouvez  dans quelle cat�gorie ?
  Faire quelque chose�(rires) Parce que de toute fa�on, on est quelqu'un 
                quand on fait quelque chose. Je pense que l'identit� se construit par rapport aux actions. Socrate n'a rien �crit mais a mis en �uvre l'aspect le plus abstrait de notre personnalit� : les mots. Leslie Kaplan a �crit � 
                ce sujet un tr�s bon roman Le psychanalyste. Elle y dit des choses incroyables sur les mots.
  Vous vous sentez plus philosophe ou plus �crivain ?
  Moi ? Je suis po�te.
  
                L'id�e de partage � pr�sent. Dans " Les mots dans les murs ", vous racontez votre rencontre avec des prisonniers. C'est une �tape essentielle semble-t-il ?
  
                C'�tait d'autant plus important que je connaissais personnellement un adolescent emprisonn�. Il n'�tait pas dans l'atelier d'�criture que j'�voque dans la NRF mais je suis all� le voir . C'est tr�s impressionnant 
                de voir un jeune enferm�. Je voulais montrer � lui et aux autres que ce ne sont pas des l�preux mis � l'�cart. Trop de gens sont mis � l'�cart ! A l'�poque de Socrate, tout le monde allait au th��tre c'�tait 
                fabuleux�Les artistes doivent briser le cercle vicieux de l'isolement social. Je crois en l'Art car il me semble qu'il peut �tre un rem�de au mal social.
  
                Il y a qu'� regarder les ann�es 80 : Coluche, Balavoine et les autres. J'ai toujours eu conscience que nous devions reprendre le flambeau� sans pr�tention �videmment.
  
                Mon r�ve ? R�colter des moyens pour pouvoir fonder des actions culturelles. C'est dans les diff�rences que l'on s'enrichit.
  Un autre r�ve ? ( il surfe sur une " vague d'enthousiasme " pour soudain 
                reprendre son expression ) Etre acteur car depuis que je suis tout petit, je r�ve d'incarner avec autant de r�flexion et d'�motion des personnages ! La schizophr�nie contr�l�e m'attire �norm�ment !
  
                Je reviens � l'aspect �criture. Dans les " mots dans les murs ", vous �crivez " Ecrire c'est s'avouer en s'effa�ant ".  Est-ce que cela veut dire qu'il doit y avoir une fusion entre le narrateur et 
                l'�crivain ?
  J'appr�hendais cette question depuis longtemps car j'ai du mal � y r�pondre.
  Je pense que oui. Elle se fera notamment dans les lectures publiques. Quand je lis mes propres textes comme 
                le narrateur fou (texte in�dit), je tremble de tout mon corps. Il y a une part de v�cu incontr�lable. L'�criture c'est l'inconscient qui se fr�le � la conscience.
  
                C'est tr�s banal mais quand tu le mets en �uvre c'est fabuleux. Ecrire c'est une jubilation. Moi j'�cris pour donner aux gens, raconter dans histoires. On est tous dans une histoire et l'�criture permet 
                de peaufiner, de jouer avec les mots, avec le langage, les fantasmes, les r�ves, avec sa propre vie. En somme, l'�criture aide � se conna�tre un peu mieux soi-m�me.
  
                Dans ce texte, vous insistez sur le c�t� salvateur de l'�criture pour les prisonniers. Vous ne pensez pas que c'est un peu facile pour vous dans le sens o� vous faites partie des artistes, 
                d'un petit monde ? Ecrire, pour beaucoup de gens aujourd'hui, constitue un moyen pas une fin en soi.
  Je parle surtout de l'�criture artistique en tant que cr�ation po�tique. 
                Mais permettre au public de r�apprivoiser cette �criture po�tique, cela ma para�t essentiel. Depuis un an, Michel Lejeune a d'ailleurs r�introduit le th�me du journal intime. Je crois profond�ment en les vertus d'une 
                telle d�marche. La psychanalyse en tant que science humaine et pas en tant que science du drame doit jouer un r�le. Je veux de l'�nergie, du tonus. Sabine Az�ma, par exemple, c'est un mod�le. Elle est �nergique 
                et donne une force qui permet de privil�gier les bonnes choses. C'est pour �a que je vais de l'avant, je propose des projets. Emmanuelle Laborit par exemple, on va faire une pi�ce de th��tre ensemble. Elle a 
                vu que j'avais fait des efforts et appris la langue des signes, alors�Et puis, le malheur est partie prenante de l'existence et souvent cela permet de se renforcer.  ( il s'agite un peu comme emport� par l'�lan).
  
                Nietzsch�en ?
  Beaucoup le disent mais j'ai ne l'ai pas encore vraiment lu. Je promets de lire Zarathoustra tr�s vite !
  Des projets concrets � venir ?
  
                L'�criture. Ecrire des livres, des essais, des polars, de la po�sie. Mon premier roman qui s'appelle Antiberg. Des enfants de 25 ans environ parlent de leurs rapports � leurs parents. C'est aussi l'histoire d'un 
                amour passionn� entre une fr�re et une s�ur, le th�me central �tant la bisexualit�. La sexualit� est le point d'orgue de la vie humaine. Ah, on devrait relire Henri Miller car c'est la jouissance du sexe, le bonheur du 
                sexe, c'est la f�te ! Y en a marre de se prendre au s�rieux, de faire de l'argent et en jouant les hommes d'affaires ! Il faut �tre responsable et 
                travailler s�rieusement  avec une part d'humour, une part d'humeur sans se prendre au s�rieux.
  Une date ?
  Septembre 2001 certainement mais je suis tr�s critique avec moi m�me, alors� 
  
                J'�cris aussi un essai sur l'inspiration. C'est pas quelque chose de divin l'inspiration, pas forc�ment la vieille histoire du po�te sur son promontoire. Personnellement je suis DANS la foule.
  
                Au final, quelqu'un de tr�s sain Richard DALLA ROSA ?
  Mais j'ai �t� tr�s malsain � une �poque, surtout envers moi-m�me. Des gens m'ont aid� � m'�panouir et � mon tour j'ai envie d'aider les autres. 
                Les relations humaines sont importantes, vraiment.
  Dans votre article sur Le psychanalyste de Leslie Kaplan, vous citez Kafka " Ecrire c'est sauter au dehors de la rang�e des 
                assassins " et concluez " Et si on vivait comme �crivait Kafka ? " Mais �a veut dire quoi " vivre comme �crivait Kafka " ?
  
                C'est sauter au dehors de la rang�e des assassins. Ecoutez le tr�s bon album de Juliette, la sublime Juliette Assassins sans couteau. Elle rejoint Kafka. Pleins de gens assassinent avec cynisme des bonheurs, 
                des enthousiasmes, des id�es. Mais on est rien, on des mouches � je pr�pare d'ailleurs un roman sur les mouches � le bien doit gagner. C'est tr�s manich�en mais le mal comme le bien doivent rester � des niveaux  
                �quivalents m�me si le bien l'emporte. Au fond, j'aime autant Dieu que le Diable car ils sont l'un et l'autre int�ressants.
  Je veux construire. C'est comme un  ch�teau de sable. Moi, jusqu'� la 
                fin de ma vie, je reconstruirai des ch�teaux de sable. Et m�me si des imb�ciles viennent le pi�tiner, inlassablement je le reconstruirai. 
  Le mot de la fin ?
  Je crois que oui ! Rires chantants�
                
  lire l'in�dit de Dalla Rosa
                 lire le portrait de Richard 
                lire la derni�re chronique de RDRPropos recueillis par C�line Mas. _________________
  Richard �crit �galement pour la rubrique Aperto Libro (socrateand.com)
                 et des critiques de films pour objectif-cinema.com.  | 
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